Le 28 mars prochain, l’Assemblée nationale se penchera sur une proposition de loi visant à étudier la question de la discrimination capillaire dans le monde du travail. Sarah Lemoine nous apporte plus de détails à ce sujet.
Qu’ils soient frisés, crépus, blonds, roux ou même absents, tous les types de cheveux pourraient bientôt être protégés par la loi. Le 28 mars, l’Assemblée nationale va examiner un projet de loi visant à sanctionner la discrimination basée sur la chevelure. Ce texte a été proposé par le député Liot Olivier Serva, qui souhaite agir en particulier contre les discriminations dans le milieu professionnel.
franceinfo : Quelle est l’étendue de ce problème ?
Sarah Lemoine : Il est difficile de quantifier ce phénomène, car il n’y a pas d’études ou de statistiques à ce sujet en France. Cependant, Jean François Amadieu, sociologue, confirme bel et bien l’existence de la discrimination basée sur la chevelure, qui peut revêtir différentes formes. Selon lui, des enquêtes sociologiques démontrent qu’il existe une perception négative des personnes ayant « des cheveux texturés et relâchés, qui sont perçus comme des personnes moins sérieuses, moins rigoureuses, plus désorganisées, comparativement à celles qui ont des cheveux plus lisses et coiffés », indépendamment de leur couleur de peau. Cette perception peut mener à des discriminations, notamment lors de la recherche d’emploi.
La proposition de loi qui vise à combattre la discrimination capillaire fait-elle spécifiquement référence à la situation des femmes noires ?
Olivier Serva, le député à l’initiative du texte, se réfère à une étude réalisée aux États-Unis, où les enquêtes ethniques sont légales. Cette enquête révèle que les deux tiers des femmes d’origine africaine modifient leur coiffure avant un entretien d’embauche. D’après lui, l’acte de se lisser les cheveux équivaut à se dénigrer, ce qui affecte l’estime de soi. De plus, les femmes qui utilisent des produits pour assouplir leurs cheveux voient leur risque de développer un cancer de l’utérus multiplié par quatre, par rapport aux femmes qui n’en utilisent pas, selon l’Agence américaine de la santé publique. Le député estime également que la France a du retard sur cette question, comparé aux États-Unis où une vingtaine d’États ont adopté une législation anti-discrimination capillaire, même si une loi fédérale n’est pas encore en vigueur.
Cette proposition de loi sera donc examinée le 28 mars à l’Assemblée nationale. Y a-t-il une chance qu’elle soit adoptée ?
Ce n’est pas certain. En réalité, la loi française interdit déjà 25 formes de discrimination, dont une qui concerne spécifiquement l’apparence physique, ce qui inclut la nature des cheveux et leur style de coiffure. Pour Anne Vincent, avocate au cabinet Voltaire, il n’est donc pas nécessaire de détailler toutes les caractéristiques physiques. Le défi consiste à prouver qu’une discrimination a eu lieu. De plus, les victimes peuvent manquer de moyens financiers ou d’énergie pour entamer une procédure judiciaire longue et complexe. Selon la Maison des potes, cela explique la rareté des procès sur ce sujet.