Durant le Festival d’Annecy, le Marché international du film d’animation (MIFA) instaure plusieurs mécanismes pour faciliter la rencontre entre les réalisateurs et les experts du domaine, qui sont en mesure de les soutenir dans la mise en œuvre de leurs initiatives.
Une femme dans la trentaine qui dérobe la bague de fiançailles acquise par son compagnon pour éviter d’avoir à repousser sa proposition de mariage, un garçon qui offre toute son affection à un œuf, une entité mythologique qui symbolise la culpabilité d’un jeune garçon… Ces héros partagent le fait d’être les principaux acteurs de courts-métrages qui ne sont pas encore tournés.
Ces créateurs ont eu l’occasion, le mercredi 12 juin, lors du Marché international du film d’animation au sein du Festival d’Annecy (du 9 au 15 juin), de présenter leurs œuvres devant une audience nombreuse composée de professionnels et de passionnés de cinéma. Leur objectif était de récolter des fonds pour donner vie à leurs personnages.
Les rencontres de pitchs, en place depuis un peu plus de deux décennies, sont un véritable phénomène au sein du Festival. “Le MIFA est plus qu’un simple marché. Tout comme d’autres événements, il y a des transactions commerciales, mais c’est également une place de coproduction. Les individus viennent pour découvrir les nouvelles tendances, pour trouver des projets. C’est avant tout un lieu d’échange, les séances de pitchs en sont un exemple”, indique Véronique Encrenaz, directrice du Marché international du film d’animation.
Pour l’édition de 2024, un comité a sélectionné 41 projets parmi plus de 700 postulations. Ils sont divisés en quatre catégories: longs métrages, courts-métrages, expériences numériques, séries & spéciaux TV, et proviennent de 22 pays cette année. Les artistes ont dix minutes pour présenter leur projet, du scénario à la musique, en passant par le budget anticipé et les techniques utilisées. Les participants peuvent gagner des financements, mais aussi des prix offrant des résidences ou des engagements de diffusion.
La diversité comme facteur de sélection
“Présenter mon travail à Annecy semble incroyable”, s’exclame Pari Satarkar, réalisatrice indienne de 23 ans venue pour présenter « Rising Tides », un projet de court métrage sur lequel elle travaille depuis plusieurs années. Comme un quart des artistes retenus pour partager leurs projets lors des pitchs MIFA, Pari Satarkar a été sélectionnée grâce au dispositif “animation du monde”.
“Certains pays comme la France, le Japon ou les Etats-Unis sont très avance en termes d’animation. Cependant, le but du MIFA est également de promouvoir et d’encourager les projets provenant de pays où l’industrie n’est pas à un tel niveau de développement” explique Véronique Encrenaz. “La diversité compte énormément pour nous, le MIFA veut permettre la réalisation de projets de cinéastes qui n’ont pas la possibilité d’être formés ou financés dans leur pays”.
L’Inde a longtemps été le plus gros producteur de films au monde (1986 longs-métrages produits en 2016 contre 665 aux Etats-Unis selon les derniers chiffres présentés par l’UNESCO), cependant, le financement pour les films d’animation est très limité. “En Inde, l’animation est vraiment associée à l’enfance, les courts-métrages indépendants à la télévision, ça n’existe pas”, déclare Pari Satarkar.
“Ces dernières années, des initiatives de financement participatif ont été lancées mais elles restent vraiment marginales et sont inenvisageables pour financer un premier film. En Inde, mon film ‘Rising Tides’ ne peut vraiment pas être produit actuellement, donc ma présence à Annecy est une véritable opportunité”, conclut la réalisatrice.
Une plate-forme de lancement aux résultats diversifiés
Parmi tous les projets en compétition cette année, six œuvres ont franchi l’étape des pitchs MIFA. “Notre objectif est que les projets présentés se concrétisent et qu’ils aillent le plus loin, si possible en compétition”, explique Véronique Encrenaz, directrice du marché international du film d’animation.
Cynthia Calvi, réalisatrice française de 33 ans, fait partie de ceux dont le projet a atteint la compétition. Son court-métrage « Gigi », un documentaire sur la transidentité, est présenté dans la catégorie Persepctives. En 2021, la cinéaste avait remporté le prix Arte lors des séances de pitch, la chaîne avait alors promis de diffuser le film dès sa finition. “Cette promesse de diffusion a été essentielle, elle m’a permis d’obtenir assez rapidement de nouveaux financements parce qu’avant même d’être produit, on savait que le film aurait une vie”, explique-t-elle.
Cependant, tous les projets ne connaissent pas le même succès. Tandis que certains films présentés à Annecy, comme « Linda veut du poulet » ou « Flee », obtiennent le très convoité Cristal d’or, d’autres ne réussissent pas à rassembler les financements nécessaires à leur production. “Car ils sont moins coûteux, la plupart des courts-métrages présentés arrivent à être financés. On estime qu’environ 80% des projets présentés dans cette catégorie voient le jour. Pour les longs-métrages, la réalité n’est pas la même”, concède Véronique Encrenaz.