L’émission « Affaires sensibles » se penche sur un sujet controversé ayant marqué le mandat de François Hollande. En 2013, l’arrestation d’une élève durant une excursion scolaire suivie de son expulsion a déclenché une vague de contestation parmi les lycéens, à tel point qu’ils sont descendus dans les rues pour manifester. Cette affaire tumultueuse a également provoqué de vifs débats à l’Assemblée nationale, mettant à mal l’unité de la majorité socialiste. Cette crise a contribué à plonger le président de l’époque dans des niveaux de popularité extrêmement bas.
Le renvoi de cette famille rom aurait pu passer inaperçu comme tant d’autres. Originaires du Kosovo, Monsieur et Madame Dibrani, accompagnés de leurs six enfants, seraient arrivés illégalement en France en 2009. Ils habitaient dans la petite ville de Levier, située dans le Doubs…
Le 9 janvier 2013, aux premières heures du jour, la police s’introduit chez eux pour appliquer une décision d’éloignement, autrement dit l’ordre de quitter le territoire qu’ils avaient reçu. Toutefois, il manque l’un des enfants à l’appel… Leonarda, qui avait alors 15 ans, répond sur son téléphone portable qu’elle se trouve à bord d’un bus avec sa classe de troisième. Qu’à cela ne tienne : les forces de l’ordre arrêtent le véhicule pour la récupérer. Une fois la famille réunie, elle est embarquée avec leur mère dans un avion en direction du Kosovo, où ils rejoindront le père de famille, expulsé la veille. La préfecture semble satisfaite du bon déroulement de l’opération…
Au collège de Leonarda à Pontarlier, cette arrestation au cours d’une sortie scolaire crée un véritable émoi. Cinq jours après l’incident, les enseignants expriment leur indignation sur le blog du Réseau éducation sans frontières, hébergé par Mediapart. « Profondément choqués » de voir des enfants issus de la communauté rom renvoyés vers des pays dont ils ne parlent pas la langue, annihilant ainsi leurs efforts d’intégration par des politiques « aveugles et inhumaines », ils demandent leur retour immédiat en France.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, pris dans la tourmente des critiques
Deux jours plus tard, l’affaire prend de l’ampleur médiatique et devient un sujet de controverse en France. Le 17 octobre, huit jours après l’interpellation de Leonarda, les lycéens parisiens s’indignent de son expulsion. Pour manifester leur mécontentement, et également en soutien à un étudiant arménien expulsé, ils bloquent plusieurs lycées.
Le 18 octobre, le mouvement grossit et s’embrase. Des milliers de jeunes prennent part à des manifestations, mettant le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, au centre des critiques. Les protestataires dans les rues expriment clairement leurs revendications, réclamant sa démission à travers slogans et pancartes.
Il est important de souligner que ce n’était pas la première controverse pour le ministre. Trois semaines avant cette affaire, lors d’une interview, il avait déclaré que les Roms avaient un mode de vie incompatible avec l’intégration et une « vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie ». Ces déclarations avaient suscité un tollé à gauche et même entraîné des poursuites pour discrimination raciale envers les Roms. Manuel Valls, perçu comme autoritaire, divise son propre parti, où certains lui reprochent de chasser sur le terrain de la droite, voire de l’extrême droite. « L’affaire Leonarda » atteindra bientôt l’Assemblée nationale et créera des divisions au sein du Parti socialiste, jusque dans les plus hauts niveaux de l’exécutif…
Extrait de l’enquête « Leonarda, l’adolescente qui défia le président », réalisée par Marine Haag, à revoir dans « Affaires sensibles », une coproduction France Télévisions, France TV presse, France Inter, et l’INA, adaptation d’une émission de France Inter.