Chaque jour, Élodie Suigo accueille une nouvelle personnalité dans son univers. Le jeudi 14 novembre 2024, c’est le réalisateur Xavier Beauvois qui lui rend visite. Il présente son dernier long métrage intitulé « La Vallée des fous », dans lequel figurent Pierre Richard et Jean-Paul Rouve.
Xavier Beauvois, l’artisan des émotions cinématographiques
Xavier Beauvois, réalisateur à la renommée bien établie, est connu pour des œuvres marquantes comme N’oublie pas que tu vas mourir, qui a décroché le prix du jury au Festival de Cannes en 1995, et Des hommes et des dieux, qui a reçu le Grand Prix au même festival en 2010, ainsi qu’un César du meilleur film en 2011. Mais qui aurait pu deviner que ce jeune garçon tomberait amoureux du cinéma grâce à une conférence du célèbre historien Jean Douchet à Calais ? Son dernier chef-d’œuvre, La Vallée des fous, avec Pierre Richard et Jean-Paul Rouve, est arrivé sur grand écran le mercredi 13 novembre.
Intrigue de *La Vallée des fous*
La Vallée des fous suit Jean-Paul, un gérant de restaurant confronté à de nombreuses difficultés financières, menaçant son établissement. Passionné de navigation, il choisit de participer à la régate virtuelle du Vendée Globe via Virtual Regatta, depuis un bateau installé dans son jardin. Il s’isole pendant les trois mois que dure cette aventure, mimant la vie solitaire des vrais skippers. Alors qu’il espère initialement gagner de l’argent, il finit par trouver autre chose de bien plus précieux : sa place au sein de sa propre famille.
L’humain au cœur du cinéma de Beauvois
42mag.fr : Votre film exprime une forte dimension humaine. Est-ce cet aspect qui vous caractérise comme cinéaste ?
Xavier Beauvois : Absolument, c’est ce que je cherche avant tout, l’humain et l’émotion qui en découle. Mon ambition est de transporter les spectateurs, de les toucher, de les faire rire ou pleurer, tout comme j’aime ressentir ces émotions en tant que spectateur moi-même. De l’autre côté de la caméra, je m’efforce de donner autant.
Métaphores et parallèles entre voile et cinéma
Votre film établit un dialogue intérieur profond. Vous décrivez la vie d’un skipper, dont la préparation s’étale sur plusieurs années. Cela semble être une métaphore de la fabrication d’un film.
Il est vrai que nous avons constaté ces similitudes en travaillant avec Jean Le Cam. Je plaisantais en lui disant que nos délais de préparation sont aussi longs et les budgets aussi similaires qu’un bateau. La durée d’un tournage correspond effectivement à celle du Vendée Globe, avec ses moments forts, que ce soit de frustration ou de réjouissance. Un tournage peut également connaître l’échec, à l’image d’un bateau frappé par un objet flottant non identifié. Bref, naviguer ou filmer partage de nombreux points communs.
Souvenirs d’enfance
Votre père était dans la préparation pharmaceutique, votre mère enseignait la couture et était conseillère municipale socialiste. Votre enfance, était-ce une comédie dramatique, une histoire d’amour ou un conte de fées ?
C’était un monde dont je voulais m’échapper au plus tôt. Non, ce n’était pas une enfance idyllique, mais elle a certainement influencé mon choix de carrière. Les films, surtout ceux de Belmondo, m’ont offert une échappatoire le week-end. En ce sens, le cinéma m’a sauvé.
L’engagement à travers *N’oublie pas que tu vas mourir*
Pour créer ce film récompensé, vous êtes allé jusqu’à vous faire arrêter par la police pour mieux comprendre le sujet. Cet engagement, c’est votre moteur ?
Si on veut traiter un sujet, on se doit de le connaître en profondeur. Simuler une garde à vue est facile, mais la vivre permet de mieux l’écrire. J’ai vraiment été arrêté pour mieux comprendre. De même, pour le Vendée Globe, j’ai lu tout ce qui était disponible, des récits de Moitessier aux documentaires et, bien sûr, j’ai joué à Virtual Regatta à plusieurs reprises.
Expérience de Virtual Regatta
Vous avez participé notamment pendant le confinement.
C’est à ce moment-là que j’ai compris l’ampleur de ce jeu auquel un million de personnes participent. Même en respectant toutes les consignes, mon meilleur résultat était loin derrière, autour de la 65 000e place. C’est addictif car on ressent les conditions de la vraie course.
Gestion de célébrité grâce à *Des hommes et des dieux*
Comment avez-vous vécu le succès de Des hommes et des dieux et N’oublie pas que tu vas mourir ?
Il faut apprendre à vite passer outre cette reconnaissance. Rester accroché à ces moments peut conduire à prendre la grosse tête.
« C’est un bonheur d’être reconnu par ses pairs, de recevoir des récompenses, et d’échanger sur ces films, ce pourquoi on travaille. » – Xavier Beauvois à 42mag.fr
La mer et la musique de film
Enfin, Peter Doherty fait une apparition via sa musique dans le film. Sa phrase "Plonger dans la mer froide, c’est comme une dose de cocaïne" fait-elle écho en vous ?
Il se plonge chaque jour dans les eaux d’Étretat, même en hiver, et cela semble le revigorer. Il adore les produits normands et s’est amusé avec sa première incursion dans la musique de film, peut-être la première d’une longue série.
Le cinéma comme adrénaline
Est-ce que le cinéma joue, pour vous, le même rôle que pour lui ?
Je dirais que le cinéma est mon adrénaline, comme un sportif qui a besoin de ses endorphines après chaque course. Lorsque je ne suis pas impliqué dans un projet, quelque chose semble me manquer.