À l’âge de 16 ans, après une jeunesse tumultueuse, il obtient le César du meilleur espoir masculin grâce à sa performance dans le rôle principal d’un film de Jacques Doillon, intitulé « Le Petit Criminel ». L’émission « Affaires sensibles » se penche sur les graves accusations qui ont pesé pendant une décennie sur l’acteur Gérald Thomassin. Cette affaire est celle d’un homicide non résolu, mais également le récit d’une destinée fracassée.
« Ceci n’est pas un simple événement tragique parmi tant d’autres. Il est inimaginable que quelqu’un puisse être tué de cette manière à Montréal-la-Cluse » : voici comment s’est exprimée Marie-Christine Tarrare, la procureure de Bourg-en-Bresse, à propos d’un événement qui a profondément secoué cette paisible ville du Haut-Bugey en décembre 2009. Catherine Burgod, qui travaillait à la poste, a été retrouvée morte dans son lieu de travail, victime de 28 coups de couteau.
Rapidement, un homme marginal vivant en face du bureau de poste devient suspect. Il s’agit de Gérald Thomassin, dont le visage est familier aux amateurs de cinéma depuis sa performance marquante dans le film de Jacques Doillon, Le Petit Criminel. À seulement 16 ans, après une enfance difficile, Gérald a décroché le César du meilleur espoir masculin. Prometteur, il tourne plusieurs films, mais sur un plateau, il découvre les drogues dures. Ses rêves se transforment en cauchemar. Ses problèmes financiers s’accumulent et il finit par vivre dans la précarité. C’est pour s’éloigner après son implication dans une affaire de stupéfiants qu’il choisit de s’installer à Montréal-la-Cluse en juin 2007.
Un rôle qui rappelle étrangement les faits
Un an et demi après cette installation, une enquête est lancée post-meurtre, sans trouver de piste concluante. Une empreinte ADN est retrouvée sur les lieux du crime, mais elle ne correspond pas à celle de Gérald Thomassin. Les enquêteurs ne disposent d’aucune preuve le liant directement à l’acte criminel.
Cependant, un DVD d’un film dans lequel Gérald Thomassin avait joué, laissé à Catherine Burgod quelques jours avant le meurtre, attire l’attention des enquêteurs. Dans une scène de ce film réalisé par Jacques Doillon, Le Premier Venu, Gérald incarne un voleur armé d’un couteau, un parallèle qui inquiète les enquêteurs. Cet élément fictif devient alors un argument contre lui, bien que même la procureure admette que « cela a pu influencer la perception ». Le journaliste Frédéric Boudouresque, ayant suivi l’affaire, déplore cette situation, déclarant : « Les gendarmes lui ont demandé sérieusement : ‘Auriez-vous reproduit la scène du film ?' »
Une possible confession au cimetière ?
Un autre facteur vient renforcer les soupçons pesant sur Gérald Thomassin. Deux femmes originaires de Montréal-la-Cluse pensent avoir « identifié potentiellement le meurtrier ». Elles affirment qu’il a mimé le meurtre devant la tombe de Catherine deux mois après sa mort.
L’une des femmes, préférant garder l’anonymat, raconte pour la première fois cet événement marquant : « [Au cimetière], nous avons vu cet homme peiné, car il a ôté ses lunettes, dévoilant des yeux rougis par les larmes… Je lui ai dit : ‘Nous aussi, on l’aimait beaucoup, Cathie’. Il nous a alors regardées et a dit : ‘Elle a trop parlé’. Puis il a simulé la scène, mimant le geste d’attaquer par-derrière avec un couteau invisible. (…) Ensuite, nous avons quitté le cimetière ensemble, et lorsqu’il nous a quitté, il a ponctué d’un ‘Mesdames, chut’, en portant son doigt à ses lèvres. »
Un acteur sous les feux des suspicions
Néanmoins, les gestes décrits ne concordent pas avec les coups infligés, comme le constatera un expert médico-légal cité par l’avocat de l’acteur. Pour Maître Benoît Cousin, ce témoignage n’aurait jamais dû peser dans la balance judiciaire. Il soutient que dans cette petite ville, où chacun suspecte son voisin, « Gérald Thomassin, par sa renommée, devient un suspect plus naturel que les autres. »
Après être placé en garde à vue et faute de preuves solides, Gérald Thomassin est relâché. Mais pour beaucoup au sein du village, il demeure coupable. L’ex-mari de Catherine Burgod ira même jusqu’à l’agresser physiquement, ce qui lui vaudra une condamnation. Se sentant continuellement en danger, Gérald décide de quitter Montréal-la-Cluse. Sa vie continue de se dégrader, et il ne retournera jamais sur les écrans.
Extrait de « L’étrange disparition d’un coupable idéal », un document à revoir le 24 novembre 2024 dans « Affaires sensibles », une coproduction de France Télévisions, France TV presse, France Inter, INA et Capa Presse, adapté d’une émission de France Inter.