L’instabilité politique ainsi que le refus du budget pour l’année 2025 suscitent de l’inquiétude, particulièrement dans le secteur de la construction. Dans ce domaine, les entreprises dépendent fréquemment des commandes émanant des pouvoirs publics.
Un sentiment de flou. À Aubervilliers, sur le site autrefois occupé par les entrepôts et magasins généraux de Paris, Carlos Fardila et son équipe s’affairent à réparer une partie de la chaussée détériorée après un affaissement. Suite à l’adoption de la motion de censure qui a entraîné la chute du gouvernement de Michel Barnier le mercredi 4 décembre au soir, de nombreuses interrogations se pressent dans l’esprit du chef de chantier : « Quelle direction allons-nous prendre ? Avec quels moyens allons-nous travailler ? Et avec qui ? La question cruciale est : qui financera tout cela ?
Pour cet ouvrier expérimenté, qui cumule plus de quatre décennies dans le secteur des travaux publics, il devient difficile de se projeter. « Vous vous rendez compte, nous sommes en 2024, et nous ne pouvons pas envisager ce que nous ferons en 2025, s’inquiète Carlos Fardila. C’est impensable. Une entreprise a besoin d’une certaine clarté vis-à-vis de l’avenir. Sans elle, que peut-elle faire ? Elle ne peut ni investir ni embaucher. »
Mike Gomes, pour sa part, ouvrier des travaux publics depuis 16 ans, redoute une diminution de l’activité. Il a déjà vécu cela dans son précédent emploi : « On proposait des solutions comme le chômage partiel ou d’autres dispositifs, mais cela reste source d’angoisse… », confie-t-il.
« Jamais la société n’a traversé une telle crise, et l’on espère ne pas devoir en arriver là. Lorsqu’une baisse d’activité frappe, on s’inquiète pour notre avenir professionnel. »
Mike Gomesà 42mag.fr
« Un degré de préoccupation élevé »
Actuellement, la menace réside dans le fait que les communes – principales organes de financement des travaux publics – puissent décider de geler tous les projets, s’inquiète Francis Dubrac, à la tête de l’entreprise de travaux publics Dubrac TP qui emploie 400 employés : « Si les municipalités choisissent de couper dans leurs dépenses, elles pourraient bien sacrifier l’investissement, peut-être arrêter la construction de routes, ne plus assurer la maintenance des écoles ou repousser la création de nouvelles écoles. Cette incertitude est une source d’importante préoccupation quant à notre avenir. »
Francis Dubrac avertit que des impacts sur l’emploi seront inévitables : « Les derniers que nous avons embauchés sont aussi ceux que nous avons eu le plus de mal à recruter, car le secteur du BTP n’a pas toujours la meilleure réputation. Ces jeunes, que nous avons formés et aidés à apprécier ce métier, je ne voudrais pour rien au monde m’en séparer, ce serait déchirant. » Tandis qu’il attend un retour à la stabilité, le dirigeant affirme qu’il fera de son mieux pour préserver ses salariés.