Ayant concouru à la présidence en 2012, 2017 et 2022, le leader charismatique de la gauche radicale martèle régulièrement qu’Emmanuel Macron doit quitter ses fonctions. Pendant ce temps, en arrière-plan, l’organisation de son mouvement se prépare activement à toute éventualité de démission ou de mise à l’écart du président.
Les discussions à Matignon ne captivent plus vraiment La France insoumise. Suite à la disqualification de Michel Barnier du 4 décembre, les insoumis ont résolu de boycotter les discussions portant sur la formation d’un nouveau gouvernement. Selon eux, il est donc inutile d’assister à la rencontre proposée par Emmanuel Macron ce mardi, avec divers partis, pour discuter d’un potentiel accord de non-censure. Pendant ce temps, les trois autres partis du Nouveau Front populaire étaient présents. Cette position contraste nettement avec celle adoptée par le parti de Jean-Luc Mélenchon cet été, alors qu’ils soutenaient activement Lucie Castets pour le poste de Premier ministre.
La France insoumise oriente désormais toute son attention vers le palais de l’Élysée. Depuis quelques semaines, ce parti de gauche radicale dirige ses attaques principalement contre Emmanuel Macron, le tenant pour principal responsable de la crise politique en cours. « La clé est de s’attaquer à la cause, et non aux conséquences. La racine du problème, c’est lui. Emmanuel Macron sème le désordre, il est celui qui entrave le dialogue, et qui ne veut écouter personne », a sévèrement critiqué Jean-Luc Mélenchon sur la chaîne TF1, le 5 décembre.
« L’idée c’est qu’il doit partir pour que les citoyens puissent voter à nouveau. »
Jean-Luc Mélenchon, dirigeant de La France insoumisesur TF1
Avec la Constitution empêchant toute dissolution et de nouvelles élections législatives avant juillet, La France insoumise concentre ses efforts sur la tenue d’une élection présidentielle anticipée, espérant ainsi devancer de deux ans l’échéance de 2027. Pour y arriver, deux pistes sont possibles : la destitution du président, bien que celle-ci ait été sérieusement compromise en octobre suite au refus de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale de débattre du texte en hémicycle.
« Il ne peut pas persister 30 mois »
Dans ce contexte, Jean-Luc Mélenchon et ses partisans espèrent secrètement que l’extrême droite viendra les soutenir. « Je prends le pari qu’à un ou deux mois d’ici, peut-être le Rassemblement National se résoudra que c’est l’unique solution », a déclaré le triple candidat à la présidence sur TF1. Est-ce que Marine Le Pen et l’extrême droite s’associeraient avec les insoumis pour cet objectif ? « Les Français commencent à réaliser que l’obstacle, c’est Emmanuel Macron. (…) C’est lui le déstabilisateur principal », rapporte un cadre du parti de Marine Le Pen.
Pour propulser une élection anticipée, seule l’abdication du chef de l’État pourrait accomplir ce souhait de La France insoumise. Lors de son discours du 5 décembre, Emmanuel Macron a expressément écarté cette hypothèse avant la fin de son possession. Toutefois, les insoumis spéculent sur une impasse politique, escomptant que tout gouvernement rencontrera des motions de censure d’ici l’été prochain. « Jamais il n’a cessé de faire autre chose que ce qu’il avait annoncé. Il avait annoncé qu’il n’opterait pas pour une dissolution, et il l’a fait. C’est habituel qu’il affirme vouloir rester. (…) Inévitablement, le président Macron finira par céder. Il ne peut se maintenir durant trente mois à installer un gouvernement Barnier chaque trimestre », affirmait Jean-Luc Mélenchon dans un entretien avec El Pais et La Repubblica.
Les insoumis envisagent avec assurance une révolution politique pour le printemps 2025. Le renouvellement d’un tiers des neuf arbitres du Conseil constitutionnel en février, notamment d’un par l’Exécutif, est déjà dans leur ligne de mire. « Une composition plus propice au président permettrait une lecture de la Constitution envisageant une nouvelle candidature pour lui », anticipe le parti dans le texte préliminaire d’une orientation stratégique lors de leur « assemblée représentative », sorte de congrès général, prévu samedi. Même si le président n’a pas montré d’intérêt pour une nouvelle course, cela poserait par ailleurs des défis constitutionnels.
« Nous devons immédiatement lancer la campagne »
Jusqu’à ce probable départ du président, Jean-Luc Mélenchon s’affaire à la tâche. Que ce soit dans les médias, lors des meetings, ou depuis la tribune de l’Assemblée avant les débats de censure, le chef insoumis est sur tous les fronts, tentant de précipiter autant que faire se peut l’échéance. Refusant toutefois d’appuyer son propre passage en cas d’élection anticipée « Si, avec mes camarades, je réclame la destitution du président, ce n’est pas par envie irrésistible de me fatiguer au pouvoir », a-t-il réfuté à Redon (Ille-et-Vilaine), mardi soir.
Ses proches, néanmoins, ne se gênent pas pour rappeler son impact. « En cas d’une élection anticipée, évidemment que Jean-Luc Mélenchon se prévaudra des 22% recueillis en 2022 », affirme Nathalie Oziol, en charge des élections pour La France insoumise.
« Sa candidature serait une hypothèse très sérieuse. »
Nathalie Oziol, députée et cadre de La France insoumiseà 42mag.fr
Pour justifier de proposer le même candidat pour la quatrième fois consécutive, le parti insiste sur l’urgence de l’action, le premier tour survenant entre vingt et trente-cinq jours après la vacance de la présidence. « Pour la victoire, nous ne pouvons perdre quinze jours en débats stériles. Il est impératif de lancer immédiatement la campagne : La France insoumise avancera une candidature propre à ce programme. Et si l’anticipation se confirme bientôt, Jean-Luc Mélenchon est à ce jour le candidat le mieux disposé pour défendre cette proposition », a insisté Manuel Bompard, coordonnateur du mouvement, au journal Libération.
Derrière l’intensité oratoire, une ferveur agite La France insoumise pour être prêt pour le jour J. « Nous avons entrepris depuis plusieurs mois une mise à jour de notre programme L’Avenir en commun (…). Nous préparons aussi nos ressources et commençons à recontacter les élus ayant soutenu Mélenchon à la présidentielle précédente », a confirmé Manuel Bompard à Libération. « Pas question de se laisser prendre au dépourvu », résume Nathalie Oziol, à propos d’une échéance incertaine, à l’horizon de deux ans, selon les souhaits d’Emmanuel Macron.