Chaque jour, Élodie Suigo reçoit une personnalité différente dans son univers. Le vendredi 13 décembre 2024, c’est la comédienne et réalisatrice Noémie Merlant qui est à l’honneur. Elle vient de présenter son deuxième long métrage intitulé « Les femmes au balcon ».
Noémie Merlant, une artiste aux multiples talents, s’est fait connaître du grand public grâce à son interprétation captivante de Marianne, la peintre, dans le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Ce rôle a marqué un tournant dans sa carrière, la reliant davantage à son métier et au public. Son choix de se lancer dans la comédie, encouragé par son père qui l’a incitée à fréquenter les Cours Florent, s’est avéré judicieux. Depuis 2019, les cinéastes les plus en vue comme Jacques Audiard, Louis Garrel, Ellen Kuras, ou Audrey Diwan, qui lui a offert le rôle d’Emmanuelle, ont été séduits par son talent. Son second long-métrage, Les femmes au balcon, propose un regard sur la quête du plaisir assumé, à travers l’histoire de trois jeunes femmes obnubilées par un séduisant voisin vivant en face.
Une immersion dans un monde rock ‘n’ roll et engagé
Les enjeux du film sont nombreux – évoquer les violences à l’égard des femmes, la thématique des viols, le débat autour de l’avortement, tout cela avec en arrière-plan une intrigue regroupant des meurtres, des scènes de sexe, et une envie insatiable de liberté. Ce film peut être considéré comme plutôt audacieux, n’est-ce pas ?
Noémie Merlant : Oui, audacieux et résolument engagé : il parle de sororité, de liberté et brosse le tableau d’un monde où il est possible de se défendre.
La profondeur de ce film semble résonner avec qui vous êtes. Y a-t-il une intention autobiographique derrière cette œuvre ?
Absolument, c’est inspiré par mon vécu. La puissance que je mets en scène provient de l’amitié entre ces trois femmes, un thème central dans ma vie depuis longtemps. Cela m’apporte une grande force, mais également de l’humour qui aide à progresser face aux divers traumatismes subis par moi ou mes proches. L’approche cathartique de cette œuvre me permet de transformer cette violence en quelque chose de plus léger grâce à l’humour, dans un cadre résolument comique. Parmi les influences de ce film, on trouve notamment Le Père Noël est une ordure, qui incarne ce mélange particulier entre rire et absurdité.
Vivre ensemble et l’humour comme refuge
Racontez-nous cette période où vous avez choisi de quitter votre espace personnel pour vivre avec d’autres femmes. Ce vécu est-il reflété dans votre film, notamment à travers le prisme de l’humour ?
L’humour est omniprésent dans ma vie et il imprègne chaque partie de ce film, souvent teinté d’absurdité. Le titre Les femmes au balcon joue peut-être sur les mots, évoquant le buste féminin, mais cela incarne en réalité cet esprit espiègle que je cultive.
Certaines scènes évoquent même un climat proche de l’œuvre de Ionesco. Est-ce que l’humour est pour vous un moyen d’aborder les sujets complexes ?
Effectivement, l’humour et la comédie me permettent d’aborder un vaste éventail de sujets avec plus de légèreté et de profondeur. C’est un vecteur essentiel dans mon approche artistique.
Le regard porté sur les hommes dans le film
Votre film pointe du doigt les comportements inappropriés de certains hommes. Finalement, chaque personnage masculin semble poser problème. Quelle était votre intention en élaborant ce contexte ?
« Mon ambition était de créer un film qui invite au rassemblement et à la réflexion commune, par le biais de renversements de codes. «
Noémie Merlantà 42mag.fr
L’absurde et presque fantastique nature du film semble nous projeter dans une fable. C’est l’histoire de Nicole, une écrivaine, qui prend les rênes de son récit. Certaines personnes y ont vu une critique des hommes, mais ce n’était pas mon intention. Le propos n’est pas contre les hommes, mais plutôt une proposition de réflexion.
Pensez-vous que la situation évolue ? Ne peux-nous revenir au moment où le film vous a révélée ? Vous étiez avec Adèle Haenel, qui a joué un rôle pionnier dans la dénonciation du climat dans l’industrie.
Oui, je crois que nous vivons les prémices de changements significatifs même si le chemin est encore long. Cela m’encourage, car il y a encore tant à accomplir.
Un voyage d’actrice initié par un instinct familial
Votre démarrage dans le mannequinat vous a été suggéré par votre père, un choix qui paraît incongru étant donné son inexpérience dans ce domaine. Que s’est-il passé ?
Malgré son manque de connaissance du milieu, mon père a su déceler chez moi une passion qu’il a encouragée. J’étais jeune et me conformais souvent aux exigences scolaires, mais mon incursion au Cours Florent a fait émerger ma véritable vocation d’actrice.
« Sur un plateau de tournage, je me sens plus vivante et libre que dans la vie de tous les jours. «
Noémie Merlantà 42mag.fr
Vos choix professionnels ont toujours démontré un fort engagement. Est-ce une condition essentielle pour vous impliquer dans un projet ?
Sans aucun doute. J’aime insuffler du sens dans mes travaux et je privilégie les récits qui bousculent, remettent en question les normes établies ou donnent une voix à ceux qui en ont peu. Qu’il s’agisse d’une œuvre comique, commerciale ou indépendante, l’essentiel est de créer des ponts entre les individus, tout en favorisant l’inclusivité et l’acceptation de chacun.