Lors de son témoignage mercredi, l’ex-ministre a minimisé l’importance de son voyage en Libye à la fin de l’année 2005. De plus, il a reproché à un homme d’affaires franco-libanais, actuellement en fuite, une responsabilité notable, suivant ainsi l’exemple de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant qui avaient également pointé du doigt cet individu.
Brice Hortefeux s’est autoproclamé « la petite touche sur la palette » pour décrire au mieux l’intention de son voyage à Tripoli en Libye, orchestré le 21 décembre 2005. Ce voyage est intervenu deux mois après une réunion largement médiatisée entre Nicolas Sarkozy et le colonel Mouammar Kadhafi. « La Libye voulait retrouver sa place dans le concert des nations. Par petites étapes, ils sollicitaient les Français, les Italiens, et j’étais l’un de ces éléments », a affirmé Hortefeux, vêtu d’un costume sombre, face au tribunal correctionnel de Paris. À l’époque, il était ministre délégué chargé des Collectivités territoriales.
En procès depuis trois semaines pour « association de malfaiteurs » et « complicité de financement illégal » de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, il est accusé d’avoir joué le rôle d’intermédiaire grâce au réseau de l’homme d’affaires franco-libanais, Ziad Takieddine. Selon l’accusation, son déplacement en Libye à la fin de 2005 aurait contribué à « la mise en œuvre du pacte de corruption ».
L’ex-ministre, proche du président de l’époque, a contredit vigoureusement cette accusation devant le tribunal. « Je ne l’ai pas demandé, je n’ai rien sollicité pour ce voyage », a-t-il expliqué, précisant qu’il avait effectué ce voyage en Libye car « il y avait un creux » dans son agenda, et par « devoir ». Admettant que les collectivités locales n’étaient pas une préoccupation majeure en Libye, il a affirmé « qu’il n’y avait aucun enjeu particulier » durant cette visite, exprimée appuyé à la barre.
« En 2005, je suis un jeune ministre »
Pendant cette visite de 24 heures, une rencontre imprévue a eu lieu avec Abdallah Senoussi, condamné par contumace par la justice française pour sa participation à l’attentat contre l’UTA DC-10, qui a coûté la vie à 54 Français. Cet ancien chef des renseignements militaires libyens est aussi le beau-frère de Mouammar Kadhafi. Hortefeux a relaté ce moment où il a été « stupéfait » de se retrouver chez Senoussi de manière officielle, avec chauffeur et voiture, soulignant qu’il s’agissait d’une maison et non d’un lieu isolé. Cette rencontre était inattendue ; il espérait rencontrer Kadhafi.
« On m’aurait prévenu, je peux vous dire que les Libyens n’étaient pas près de me voir ! »
Brice Hortefeuxdevant le tribunal
Il a expliqué son étonnement lorsqu’on lui a annoncé que l’homme qu’il rencontrait était Abdallah Senoussi, se souvenant alors de l’implication d’un Kadhafi dans l’attentat mentionné. La présidente du tribunal, Nathalie Gavarino, lui a demandé pourquoi il n’avait pas refusé la rencontre. Hortefeux a répondu qu’en tant que jeune ministre délégué en 2005, il ne se sentait pas légitime pour remettre en cause ce qui avait été planifié. Cependant, aujourd’hui, l’accusation avance que l’amnistie de Senoussi aurait été une condition du financement de la campagne de Sarkozy, et Senoussi aurait déclaré que Hortefeux avait donné un « numéro de compte pour envoyer les fonds promis » lors d’une de ces rencontres. Hortefeux a qualifié ces allégations de « fables ».
Les « affirmations » de Ziad Takieddine
Hortefeux a accusé Ziad Takieddine de l’avoir piégé, répétant ce terme tout au long de son interrogatoire. Il a décrit comment Takieddine était présent chez Senoussi le soir de son arrivée. La présidente a souligné leur présence simultanée en Libye du 19 au 22 décembre. Hortefeux a concédé que Takieddine lui avait parlé de sa présence en Libye. Selon Hortefeux, tout cela était orchestré, et il se décrit comme « candide » face à Takieddine, soulignant sa naïveté apparente, tout comme son co-accusé Claude Guéant, qui a également affirmé avoir été pris au piège lors de sa rencontre avec Senoussi à Tripoli.
Un représentant du parquet national financier a insisté pour savoir qui, selon lui, l’avait piégé. Hortefeux a estimé que Ziad Takieddine devait prouver son influence auprès des autorités libyennes, exposant les intentions de ce dernier, aujourd’hui en fuite. Hortefeux a dénoncé les « affirmations » de Takieddine pendant leurs interrogatoires.
« Je ne fais que dire la vérité »
Il a insisté sur la vérité des faits, déclarant ne jamais avoir caché quoi que ce soit. Brice Hortefeux et Ziad Takieddine ont été introduits l’un à l’autre à la fin des années 1990 par Thierry Gaubert, également en procès. Hortefeux soutient avoir réduit ses interactions avec Takieddine à deux rencontres entre 2005 et 2007 et affirme vouloir discuter du financement de la campagne de Sarkozy.
Selon le tribunal, l’ex-ministre est soupçonné d’avoir participé aux « transferts de fonds » venant de Libye grâce à Takieddine. Un procureur a mentionné un virement effectué en janvier 2006 depuis un compte offshore, postérieur à la visite de Hortefeux en Libye, signifiant que le tribunal prévoyait de revenir sur ces accusations, et que le procès continuerait jusqu’au 10 avril.

 
		

 
	
	




