Cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci ont sélectionné deux œuvres remarquables : « Jane Austen a gâché ma vie » de Laura Piani, ainsi que « Jouer avec le feu », coécrit par Delphine et Muriel Coulin.
Jane Austen a gâché ma vie pourrait être considéré comme une version française d’une comédie romantique anglaise, riche en charme et douceur. Un film réconfortant qui adoucit la rudesse du quotidien.
L’œuvre de Laura Piani : « Jane Austen a gâché ma vie »
Agathe, une jeune célibataire travaillant comme libraire, vénère Jane Austen, la célèbre auteure anglaise du XIXe siècle qui a révolutionné la littérature sentimentale avec son humour. Invitée par une fondation dédiée à Jane Austen en Angleterre, elle part en résidence d’écriture. Malheureusement, Agathe n’est guère douée pour gérer son bonheur, ce qui complique son séjour. Proie au doute, elle se retrouve incapable d’écrire, même une seule phrase, dans une demeure traditionnelle anglaise où vivent un couple excentrique et leur séduisant fils, Oliver, interprété par Charlie Anson, qui rappelle le jeune Hugh Grant.
Camille Rutherford, encensée pour son rôle dans Felicita sorti en 2020 et récemment vue dans Anatomie d’une chute et Fario, incarne Agathe avec brio. Ne manquez pas Jane Austen a gâché ma vie pour vous échapper, le temps d’une projection, de la morosité ambiante. Le film est intelligemment scénarisé, réalisé et interprété, avec des personnages aussi décalés qu’attachants, mais néanmoins crédibles. C’est une comédie romantique rafraîchissante qui évite les clichés, saluons Laura Piani pour ce premier film plein de promesses.
« Jouer avec le feu » par Muriel et Delphine Coulin
Cette réalisation est l’adaptation du livre de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, publié en 2020. Elle raconte l’histoire de Pierre, interprété par Vincent Lindon, qui travaille la nuit en tant que cheminot dans une région industrielle ou autrefois industrielle de la Lorraine. Devenu veuf, il élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, est un élève prometteur sur le point d’entrer à la Sorbonne à Paris, tandis que Félix, surnommé « Fus », l’aîné, peine dans ses études. Il préfère le football et passer du temps avec ses amis au crâne rasé et aux tendances skinheads.
Ces mauvaises influences occupent de plus en plus d’espace dans la vie de Félix, laissant Pierre, malgré ses colères et ses efforts pour raisonner son fils, démuni face à une telle dérive. Félix glisse progressivement dans une radicalisation violente d’extrême droite, jusqu’à commettre l’irréparable.
Jouer avec le feu peut sembler un peu académique à certains moments, mais il parvient à aborder de façon équilibrée et sensible un sujet ô combien délicat. Le film doit beaucoup de son succès à l’interprétation exceptionnelle du trio d’acteurs : Vincent Lindon, récompensé à Venise, qui offre une performance intense avec une colère contenue, Benjamin Voisin plus extraverti, et Stéfan Crépon dans le rôle du fils modèle. Le travail des réalisatrices sur les corps, qu’ils soient athlétiques et pleins de vitalité, ou au contraire meurtris et fatigués, est digne d’intérêt.