Lors d’une intervention lundi soir sur LCI, le Premier ministre a exprimé son inquiétude face à ce qu’il décrit comme un « sentiment de submersion » lié à l’immigration. Il a souligné l’importance de favoriser l’intégration des immigrants par le biais de l’emploi, à condition que l’on puisse assurer le maintien de l’ordre.
Des mots qui divisent. L’entretien accordé par le Premier ministre François Bayrou à LCI lundi soir, le 27 janvier, a principalement abordé la question de l’immigration, un sujet qui divise actuellement même au sein du gouvernement. Bien que François Bayrou ait exprimé son soutien à une limitation du droit du sol à Mayotte, il ne prône pas cette mesure en métropole. Cependant, les commentaires du Premier ministre au cours de cet entretien sont au cœur d’une vive controverse. Il a déclaré : « Je pense que l’apport des étrangers est bénéfique pour une nation, à condition qu’il ne dépasse pas un certain niveau ».
Il a ajouté : « Mais dès que l’on a l’impression d’être submergé, de ne plus reconnaître son pays, ses modes de vie ou sa culture, c’est dès cet instant-là que le rejet intervient », affirmant également « qu’on approche » de ce point critique. Ce concept de « submersion » par l’immigration est sujet à débat, même au sein du « socle commun » censé soutenir les actions du gouvernement.
La gauche « scandalisée » par l’emploi de termes associés à l’extrême droite
C’est du côté de la gauche que les réactions ont été les plus vives. La cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a exprimé son indignation sur 42mag.fr en déclarant : « C’est inadmissible, cela m’a réellement choqué qu’un Premier ministre emploie l’expression ‘submersion migratoire’ et en renforce la légitimité ». Elle a rappelé que « Actuellement, 7,7 % des personnes vivant en France sont étrangères. En 1975, ce chiffre était de 6,5 %. Donc, malgré une Union européenne élargie, Erasmus et des échanges accrus à l’échelle mondiale, l’augmentation reste faible ». Elle souligne que « Nous ne vivons pas une submersion migratoire. C’est au Premier ministre de le rappeler ».
Le même sentiment est partagé par les membres de La France insoumise. Sur LCI, Manuel Bompard a exprimé sa consternation en soulignant que « cela est très choquant » et que cela « ne reflète pas du tout la réalité ». Pour lui, François Bayrou « vise à séduire ici le Rassemblement national pour éviter une censure ».
Pour Mathilde Panot, cheffe de file des députés de La France insoumise, ces déclarations sont « totalement fausses, elles ne correspondent à aucune réalité, il n’y a pas de submersion migratoire en France ». Elle ajoute que « ces termes étaient ceux employés par Monsieur Zemmour lors de la campagne présidentielle. Ce sont les mots de l’extrême droite » et rappelle que « la question migratoire deviendra de plus en plus importante, notamment en lien avec le changement climatique ».
Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, a réagi en affirmant que « Nous ne devrions pas emprunter ni le langage ni les illusions de l’extrême droite », qualifiant ces propos d’« indécents ». Il n’a pas précisé si cela influencerait la décision de son groupe concernant le vote de censure contre le gouvernement en lien avec le passage potentiel du budget sous le couperet du 49.3 la semaine prochaine.
« Ce ne sont pas des propos que j’aurais tenus », affirme Yaël Braun-Pivet
La présidente de l’Assemblée nationale n’a pas caché son mécontentement à l’égard des déclarations du Premier ministre. Yaël Braun-Pivet, habituée à avoir des avis divergents du chef du gouvernement, a fait part de son souci concernant les propos de François Bayrou : « Je n’aurais jamais employé ces mots et ils me dérangent. On parle d’êtres humains, de notre pays, la France, qui par son histoire, sa position géographique, et sa culture, a toujours été un terre d’accueil et s’est construite ainsi », a-t-elle déclaré sur BFMTV-RMC.
Elle a poursuivi en affirmant qu’« Il est évident qu’il faut réguler les flux migratoires, qu’il faut être intransigeant sur nos valeurs, nos conditions et nos exigences d’intégration, a ajouté la présidente de l’Assemblée nationale. Mais je récuse ces mots et je ne les utiliserai jamais car je pense que c’est contraire à notre identité profonde. » Elle a enchaîné : « Il est nécessaire d’aborder la question migratoire de manière appropriée. Mais pour ma part, j’aimerais que l’on cesse de n’envisager la question qu’à travers le prisme du ministère de l’Intérieur […] c’est un sujet bien plus complexe. »
Gérald Darmanin et Bruno Retailleau soutiennent le Premier ministre
En déclarant « que tout est une question de mesure », François Bayrou « a justifié la politique que je souhaite engager », s’est réjoui Bruno Retailleau sur France 2. Le ministre de l’Intérieur, qui a dernièrement affiché des divergences avec d’autres membres du gouvernement sur le sujet, considère que « l’immigration n’est pas une atout » pour la France, tandis que le ministre de l’Économie affirme que le pays « a besoin d’une immigration de travail ».
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a déclaré sur Europe 1/CNEWS qu’« il n’y a pas de submersion migratoire, mais il y a bien un sentiment partagé par une grande partie des Français ». Il est d’avis que « le terme de proportion est approprié […] pour intégrer et assimiler réellement les personnes étrangères, il faut que la proportion d’étrangers sur le territoire national reste raisonnable ». Le ministre de la Justice estime « qu’un homme centriste, équilibré, modéré puisse admettre, après un mois et demi à Matignon, qu’il y a une limite à ne pas dépasser en termes de nombre d’étrangers sur le sol national, c’est un progrès ».
Le Rassemblement national se félicite d’avoir « remporté la bataille idéologique » mais attend « des actions concrètes »
Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national, a exprimé sa satisfaction sur France Inter, affirmant que son parti a « remporté la bataille des idées ». Selon lui, « Cela fait longtemps que les Français comme les dirigeants ont compris qu’il y a un problème avec l’immigration », même s’il regrette le manque de mesures concrètes. « Que le ministre des Finances affirme qu’on a besoin d’une immigration de travail, dans un contexte où il y a 5 millions de chômeurs et une hausse du chômage de 3,5 % ce mois-ci, je crois qu’ils sont à côté de la plaque », a ajouté le député RN.
Marine Le Pen, quant à elle, attend de François Bayrou « des mesures qui suivent les observations faites ». Elle a d’ailleurs déclaré que « Le Premier ministre doit réaliser qu’il n’est ni psychiatre ni prêtre et que ses paroles ne suffisent pas », a-t-elle lancé à l’Assemblée nationale en tant que cheffe des députés RN.