Au sein de la majorité, la proposition de François Bayrou de lancer un débat sur la question de l’immigration suscite des avis divergents.
François Bayrou appelle à un débat étendu sur l’immigration qui devrait avoir lieu bientôt. Il souhaite que cette discussion aille au-delà de la question du droit du sol. Bien que le Premier ministre ait exprimé son désir d’un débat « civilisé », la simple proposition de cette idée est déjà source de tension.
La réaction d’un ministre proche d’Emmanuel Macron, survenue deux heures après les déclarations de François Bayrou sur RMC, est révélatrice : « Qu’est-ce qu’être français ? Quels droits ? Quels devoirs ? Quelles valeurs partagées ? Ce que suggère le Premier ministre est, en réalité, un débat collectif sur la citoyenneté et l’identité nationale. » Ce ministre prend soin de préciser immédiatement, rejetant toute connotation négative, et refuse de faire référence à une période sous Sarkozy marquée par un ministère controversé. Ce ministre est parmi ceux qui refusent de faire le lien entre immigration et criminalité et se dit prêt à un affrontement avec le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Pour l’heure, Matignon est incapable de dire où, quand et comment se tiendra ce débat, et il est improbable que le gouvernement présente une position unifiée.
« La question se pose partout », affirme Gérald Darmanin
La situation est déjà chaotique. Modifier la constitution et remettre en question le droit du sol sur l’ensemble du territoire, voilà ce à quoi Elisabeth Borne, maintenant ministre de l’Éducation nationale, s’oppose. François Bayrou, en fait, partage ce point de vue. Pour lui, ce débat est « trop restreint » et il plaide pour une approche plus large en matière d’immigration.
Cela n’empêche pas son ministre de la Justice de renforcer sa position. Gérald Darmanin, après le vote sur le cas de Mayotte, intervient encore le vendredi 7 février face aux caméras et dans Le Parisien : « Oui, la question se pose partout. C’est ce que pensent les Français. Être français ne devrait pas être un hasard de naissance, cela doit être une volonté. »
Le ministre de la Justice, en tandem avec le ministre de l’Intérieur, suit donc la même ligne que Bruno Retailleau, ainsi que la droite et l’extrême droite, en opposition au Premier ministre. Pour l’instant, Matignon choisit de ne pas s’en formaliser.
« Pas un tabou », selon le Parti socialiste
À gauche, ce débat est une nouvelle source de discorde, puisque les socialistes sont prêts à y participer. « Le débat sur l’identité nationale n’est pas un tabou », déclare Olivier Faure. Selon lui, « tout dépend de nos attentes », mais il n’est pas question de le laisser à ceux qui ont « une vision rétrograde ».
Il y a de la colère parmi les insoumis, qui considèrent, une fois de plus, que participer à ce genre de discussions représente une trahison. Le Parti socialiste envisage une motion de censure spontanée pour réagir aux propos de François Bayrou concernant le « sentiment » de submersion migratoire, mais aucune date n’a encore été fixée pour déposer cette motion. Matignon voit dans cette proposition de débat une manière de passer du « sentiment » aux faits. Jusqu’à cette motion de censure, le moindre faux pas pourrait être coûteux, et « nous avons appris à nos dépens que les choses se passent rarement comme prévu », confie un ministre préoccupé.