D’après Rachel-Flore Pardo, qui est avocate experte en cyberharcèlement ainsi que dans les violences sexistes et sexuelles, le système judiciaire devrait examiner s’il existe une « complicité, d’une certaine manière, de la part des plateformes ».
« En théorie, la législation française couvre suffisamment le phénomène des deepfakes [trucages numériques créés par intelligence artificielle] depuis l’intégration de nouvelles mesures en mai 2024 [article 226-8-1], ciblant spécifiquement les montages à caractère sexuel. Cependant, le véritable obstacle réside dans l’application effective de ces lois », a déclaré le lundi 10 février sur 42mag.fr Rachel-Flore Pardo, avocate inscrite au barreau de Paris, experte en cyberharcèlement et violences sexistes et sexuelles, en marge du Sommet de l’intelligence artificielle à Paris.
Cette législation, connue sous le nom de SREN (Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique), a été officialisée le 21 mai 2024. Rachel-Flore Pardo, qui prête assistance aux victimes lors de leurs dépôts de plainte ainsi que pour le retrait des contenus incriminés, regrette que « le domaine en ligne ressemble à une zone de non-droit, un espace où la mise en œuvre des lois reste inopérante, permettant ainsi la prolifération d’actes délictueux en toute impunité. »
Ce qui est interdit en dehors d’internet l’est aussi en ligne
Le phénomène des deepfakes illustre les dérives possibles de l’innovation en intelligence artificielle. Il s’agit d’une méthode de création multimédia qui fusionne des séquences vidéo ou audio. Ces deepfakes se multiplient, avec les femmes comme principales cibles. « Plusieurs plaintes sont actuellement en cours d’instruction », souligne l’avocate.
L’Union européenne applique aujourd’hui le règlement Digital Services Act (DSA) dans le but de réduire la propagation de contenus illicites et de garantir une transparence accrue entre les plateformes numériques et leurs utilisateurs. « L’objectif tant de la France que de l’Union européenne, à travers le Digital Services Act, est de s’assurer que tout ce qui est proscrit hors ligne le soit également en ligne », explique Rachel-Flore Pardo.
« Examiner la responsabilité pénale des plateformes »
Néanmoins, l’enjeu consiste à assurer l’exécution des lois et règlements. « Diverses enquêtes sont en cours par la Commission européenne visant certaines grandes entreprises numériques. En France, il est crucial d’examiner la responsabilité pénale de ces plateformes », affirme Rachel-Flore Pardo. Elle insiste sur le besoin d’une justice examinant la « possible complicité des plateformes, particulièrement lorsqu’elles ont connaissance des actes illégaux diffusés via elles sans prendre les mesures nécessaires ».
Le 24 août dernier, Pavel Durov, le dirigeant franco-russe de Telegram, a été interpellé à l’aéroport du Bourget. Le milliardaire a été mis en examen pour la diffusion de contenus illégaux sur sa plateforme de messagerie.