La récente législation sur l’immigration renforce les exigences concernant les tests de compétence en français pour les personnes étrangères, même si le financement pour les cours de langue a été diminué. Ces individus devront démontrer leur maîtrise du français, officiellement pour favoriser leur intégration. Toutefois, cela pourrait rendre des dizaines de milliers d’entre eux susceptibles d’être expulsés du pays.
Pour l’obtention d’une carte de séjour, les étrangers ont jusqu’à maintenant à signer un contrat d’intégration républicaine et doivent par exemple apprendre le français, mais aucun test n’était requis. La nouvelle législation sur l’immigration impose désormais le passage et la réussite d’une épreuve écrite en langue française.
300 000 personnes concernées par cette épreuve sous peine de perdre leur résidence
C’est une exigence jugée essentielle par le ministre de l’Intérieur pour promouvoir l’intégration.
« Lorsqu’un étranger en situation régulière ne maîtrise pas le français après plusieurs années, c’est qu’il n’a pas fait l’effort requis », déclare Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur.
Versailles, 24 janvier 2024
Pour obtenir un permis de séjour de deux à quatre ans, un niveau de compétence linguistique de niveau collège sera nécessaire. Pour une carte de dix ans, le niveau attendu est celui du lycée, et pour obtenir la nationalité française, il s’agira d’un niveau universitaire.
À Marseille, depuis l’annonce de ces nouvelles mesures, les étrangers que nous avons rencontrés dans un cours de langue ressentent que leur avenir est en jeu. Presque tous ont un emploi, certains étant en France depuis plus de dix ans, comme Marianne, originaire des Comores. Ayant quitté l’école en classe de sixième et enchaînant les emplois de femme de ménage, elle considère qu’une épreuve écrite pour renouveler son titre de séjour est hors de sa portée.
« Le problème, c’est que je n’ai pas le temps. Je n’ai pas suivi d’études en France et je n’ai pas le niveau requis, c’est ça le problème », explique Marianne.
À l’Œil du 20 heures
La formatrice elle-même exprime son inquiétude
« Il y a des personnes qui parlent très bien français et qui communiquent quotidiennement dans leur emploi, mais qui risquent de ne pas réussir cet examen. Cela crée une angoisse, en étant ici depuis dix ans, et de se dire que cette fois-ci, on pourra ne pas l’avoir. »
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Les conséquences pourraient être dramatiques : après trois ans, si le niveau collège n’est pas atteint, la loi pourrait les rendre expulsables. D’après les calculs du ministère de l’Intérieur :
20 000 immigrés sont susceptibles de perdre leur permis de séjour, 40 000 risquent un refus de la carte de résident.
Parallèlement, le nombre d’heures de formation en langue a diminué, étant parfois même réduit de moitié. Pour remplacer les cours en présentiel, il est prévu que les étrangers se débrouillent avec un simple site web, ce que certains considèrent comme un désastre.
« Les cours en présentiel sont maintenus pour une minorité infime. Pour les autres, ce n’est qu’une plateforme internet, mais beaucoup n’ont pas d’ordinateur ou de connexion. Seul leur téléphone, c’est presque condamner la personne à l’échec », témoigne un cadre de l’OFII.
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Le dirigeant de l’OFII compare cette nouvelle exigence linguistique aux pratiques d’autres pays européens, tels que l’Allemagne.
« Le dispositif vise à responsabiliser et à aider les personnes à s’intégrer. Il convient d’avoir confiance en eux. Ils disposent de trois ans pour atteindre le niveau de base et renouveler leur titre de séjour », soutient Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
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En ce qui concerne ceux souhaitant obtenir la nationalité française, le défi est encore plus grand. Même certains Français éprouveraient des difficultés à passer cette épreuve de niveau universitaire.
Une dizaine de volontaires ont passé le test en conditions réelles, la plupart étant hautement diplômés, sauf un sans le baccalauréat. Pendant une heure et demie, ils ont planché sur des questions à partir d’enregistrements audio. Parmi celles-ci : « Le robot émotionnel peut-il interpréter, provoquer ou montrer des émotions ? ». Plusieurs candidats ont été désorientés. « Je pense m’être trompée à plusieurs reprises », confie une étudiante titulaire d’un bac + 5 en littérature. Après correction, cinq candidats n’ont pas atteint la moyenne à l’écrit mais ont compensé à l’oral, et deux ont échoué à l’examen pour obtenir la nationalité française eux-mêmes.
« Il faudrait 2 000 à 3 000 heures de cours pour parvenir à ce niveau, c’est vraiment inatteignable ».
D’après certaines associations préparant aux examens, pour ceux dont le français n’est pas la langue maternelle, les chances de succès sont faibles.
“Ce niveau est bien trop élevé pour la majorité des étrangers souhaitant demander la nationalité ou un permis de séjour longue durée en France”, commente Félix Guyon, délégué général de l’école THOT pour les réfugiés et demandeurs d’asile.
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Ces nouvelles épreuves de langue seront instaurées avant la fin de l’année. Elles coûteront environ une centaine d’euros, à la charge des candidats.