Selon l’ancien garde des Sceaux, il est essentiel d’avoir des personnes qui ont une bonne connaissance de l’État, mais la présence de spécialistes en droit est également indispensable.
« Suggérant cette nomination, nous constatons avec regret que le Conseil est devenu de nouveau une entité axée sur la politique », a exprimé sa colère Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la Justice et enseignant en droit public, lors d’une intervention sur 42mag.fr mardi 11 février. Emmanuel Macron a mis en avant la candidature de Richard Ferrand pour prendre le relais de Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le dirigeant du Sénat, Gérard Larcher, ont eux aussi proposé des candidats pour la nomination : Laurence Vichnievsky, ex-magistrate et ancienne députée MoDem, a été nommée par la première, tandis que le sénateur des Républicains Philippe Bas a été choisi par le second. « Si les trois propositions sont retenues, la totalité des neuf membres du Conseil constitutionnel seront des personnalités politiques », a regretté l’ex-garde des Sceaux.
Réformer la législation
Pour Jean-Jacques Urvoas, cette « accumulation de personnalités politiques », risque de compromettre le « délicat équilibre » du Conseil qui avait jusque-là su mêler politiques et experts juridiques au sein des Sages de la rue Montpensier. « C’est indispensable d’avoir des individus qui maîtrisent l’État tout en incluant des spécialistes du droit », a-t-il souligné. La présence majoritaire de « politiques » au Conseil pose, d’après ce professeur de droit public, des questions épineuses concernant leur impartialité.
« Quand une majorité des membres sont des hommes politiques, souvent liés par une amitié ou un devoir de loyauté envers le président de la République ou les dirigeants parlementaires, c’est problématique. »
Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la Justiceentretien accordé à 42mag.fr
Bien que la législation actuelle n’impose aucun critère pour les nominations, une exception en France, il est indispensable d’« instaurer un équilibre » et de s’assurer que les postulants disposent « d’un minimum de compétences juridiques », affirme le professeur. De plus, « il faudrait modifier la législation pour exiger que les nominations soient ratifiées à une majorité des 3/5 des voix, assurant ainsi que la majorité gagne l’appui de l’opposition », a plaidé Jean-Jacques Urvoas. À présent, l’opposition doit rassembler les voix des 3/5 des commissions des Lois des deux assemblées pour bloquer une nomination. L’ancien ministre de la Justice sous François Hollande souhaite réformer ces règles, d’autant plus que « l’institution est désormais contestée quant au fondement même de sa légitimité », a-t-il indiqué.
« Depuis quelques temps, des attaques directes, de la part de figures comme Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, Éric Ciotti, Jordan Bardella ou Éric Zemmour, soulignent » : « on ne peut tolérer qu’une démocratie soit paralysée par des juges », a-t-il rappelé. « Le souci, c’est que si à l’avenir les juges sont dominés par des politiques, le futur président de la République pourrait invoquer : ‘je ne reconnaîtrai pas l’autorité de juges qui n’en sont même pas réellement », a-t-il ajouté.