Selon le baromètre annuel du Cevipof sur la confiance politique, environ 78% des Français estiment que la situation institutionnelle présente est « inquiétante ». Bien que cette méfiance envers les institutions ne soit pas propre à la France et se manifeste dans d’autres pays, le malaise ressenti par les citoyens français semble particulièrement prononcé.
Un rapport publié mardi 11 février met en lumière l’ampleur de la crise politique actuelle en France. Selon les résultats de cette enquête, le président de la République traverse une période de popularité particulièrement basse, le gouvernement est perçu comme illégitime, les élus sont discrédités, et les institutions sont sous le feu des critiques. Ce bilan se base sur une large étude menée par le Centre d’études de la vie politique française (Cevipof) en collaboration avec l’institut Opinion Way, qui se penche chaque année sur l’état de notre démocratie. Le tableau est tout sauf reluisant. Comme le dirait Johnny Hallyday, « Noir, c’est noir », et l’espoir semble bien mince face à ce niveau record de méfiance affiché par les Français. Ces derniers affichent une humeur morose et ont perdu toute confiance non seulement dans la politique et leurs représentants, mais aussi en l’avenir.
Dans cette étude, le chef de l’État est principalement pointé du doigt. Environ 78 % des Français, soit près de quatre sur cinq, jugent que la « situation politique est très grave depuis la dissolution », une décision audacieuse qui continue de brouiller le débat public. Face au climat d’exaspération, né principalement des nombreuses motions de censure, l’opinion publique semble aspirer à plus de calme et de stabilité au sein du gouvernement.
Fracture et opposition
L’inquiétude démocratique actuelle s’enracine profondément dans les évolutions politiques des trois dernières décennies, marquées par une hausse quasi constante de l’abstention électorale et de l’extrême droite. Cette crise a éclaté de manière particulièrement aiguë il y a six ans avec le soulèvement des gilets jaunes, dont l’impact est encore ressenti dans la société française. Aujourd’hui, la défiance semble se transformer en fracture, voire en opposition : par exemple, près de deux citoyens sur trois pensent que « les autorités publiques dictent excessivement nos comportements en matière d’environnement » ou « ce que nous avons le droit d’exprimer publiquement ». De plus, 45 % sont d’avis que « les élections ne sont pas le moyen efficace pour provoquer des changements ». Ainsi, au-delà de la défiance envers les représentants élus, c’est l’ensemble des règles démocratiques qui est remis en question.
Cette désillusion civique n’est pas exclusive à la France. Elle affecte aussi plusieurs pays voisins, comme en témoigne la montée des partis populistes à travers l’Europe. Malgré tout, l’étude du Cevipof indique que ce sentiment d’abattement est plus marqué en France que dans d’autres nations. Dans ses tentatives pour inverser cette tendance, Emmanuel Macron a mis en avant des projets comme les Jeux Olympiques de Paris 2024, la restauration de Notre-Dame, ou encore un sommet international sur l’intelligence artificielle, comme symboles d’une nation unie et optimiste. Cependant, ces efforts n’ont pas encore porté leurs fruits. Environ 73 % des participants à l’étude du Cevipof expriment le souhait de voir à la tête du pays un « véritable leader » capable de rétablir l’ordre en s’écartant des structures intermédiaires et en limitant l’intervention de l’État. On dirait presque que les vents du trumpisme, qui ont bouleversé la démocratie aux États-Unis, menacent de souffler sur la France.