Mathieu Moreau, qui travaille comme éducateur auprès de la Protection judiciaire de la jeunesse, critique ce qu’il considère être un geste politique derrière le projet de loi visant à rendre la justice des mineurs plus stricte, projet actuellement étudié à l’Assemblée. Il conteste l’idée d’une montée de la violence chez les jeunes. « En réalité, il s’agit d’une médiatisation excessive », affirme-t-il.
« Nous possédons déjà vitesse et efficacité », déclare Mathieu Moreau, éducateur pour la Protection judiciaire de la jeunesse et membre du bureau national du SNPES-PJJ-FSU, mercredi 12 février sur 42mag.fr. Ce représentant syndical critique ce qu’il qualifie d’« opération de communication politique » alors que l’Assemblée nationale débat, à partir de mercredi, d’une proposition de loi introduite par Gabriel Attal. Cette dernière vise à rendre plus strict le système judiciaire pour lutter contre la délinquance des jeunes. La proposition est considérée comme trop sévère par la gauche et trop indulgente par le Rassemblement National ainsi qu’une partie de la droite, rendant son adoption incertaine. Le Parti socialiste a soumis une motion de rejet préalable qui sera soumise au vote avant même le début de l’examen du texte.
Dans le but de rendre la réponse pénale plus rapide, la loi propose notamment la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs. « Le code de justice pénale des mineurs prévoit qu’un jeune peut être déféré, c’est-à-dire amené devant un magistrat dès la fin de sa garde à vue. Des décisions significatives peuvent alors être prises, telles que des placements dans des foyers éducatifs, des centres éducatifs fermés, des mesures restrictives de liberté, un contrôle judiciaire, voire une détention provisoire en attendant le jugement final », explique Mathieu Moreau. Il ajoute que c’est un « simple affichage de fermeté politique, alors qu’en réalité, notre système fonctionne très bien ».
Avec la suppression de 500 postes, le suivi devient plus complexe
Pour Gabriel Attal, cette proposition législative est une réponse aux violences urbaines de l’été 2023. Selon le syndicaliste, « le temps entre la reconnaissance de culpabilité et l’application de la sanction permet de mener un travail éducatif ». Depuis l’ordonnance de 1945, la priorité est donnée à l’aspect éducatif plutôt qu’au répressif. Mathieu Moreau souligne l’importance de ce principe : « Nous prenons en charge les jeunes, nous les éduquons, nous faisons évoluer leur situation, et ce n’est qu’en tenant compte de cette évolution que la sanction est adaptée ». Cependant, « encore faut-il que le suivi ait effectivement lieu. En plein été, la protection judiciaire de la jeunesse a été touchée par une restructuration », ajoute-t-il, ce qui s’est traduit par la suppression de 500 postes.
Le texte remet également en question la notion d’excuse de minorité, ce qui suscite des prises de position divergentes. Mathieu Moreau estime que les jeunes auteurs de délits se trouvent à un âge où leur capacité de discernement diffère de celle des adultes. « On ne juge pas un enfant ou un adolescent comme un adulte. C’est méconnaître la spécificité de l’enfance et de l’adolescence », précise-t-il.
Mathieu Moreau soulève également que « 70% des mesures que nous prenons concernent des jeunes suivis moins d’un an ». À ses yeux, l’idée d’un « ensauvagement de la jeunesse » est une perception erronée. « C’est une tentative de faire croire à une aggravation généralisée, alors qu’on exagère médiatiquement. On se focalise principalement sur la minorité problématique plutôt que sur la majorité des jeunes actuellement pris en charge au sein de nos services », regrette-t-il.