Ce jeudi, le Sénat examine un projet de loi visant à prohiber les unions matrimoniales entre citoyens français et individus en situation illégale. Cette perspective représente une véritable épreuve pour les couples concernés, tels que Marine et Yannis, que nous avons rencontrés en Côte-d’Or.
Aux environs de la ville de Dijon, Marine* et sa famille étaient réunies pour célébrer une petite fête. Le repas prévu comprenait un couscous, et il ne restait plus qu’à choisir la robe pour son mariage avec Yannis*. Cependant, la cérémonie a été reportée le temps que des vérifications soient effectuées. En effet, le maire a alerté le procureur à propos de cette union, soupçonnant un mariage de complaisance. « Je suis à bout, sanglote Marine. Comment puis-je être séparée de l’homme de ma vie, celui que j’aime tant ? s’interroge-t-elle. Pourquoi ? Pour un simple document ?
Il est possible que Yannis cherche à obtenir plus aisément un permis de séjour. Le couple devra se présenter au commissariat. « Nous sommes un couple sincère ! Que devrions-nous prouver de plus ? », s’exclame Marine, agacée en montrant la lettre qu’ils ont reçue du parquet. Depuis son arrivée en France il y a cinq ans, Yannis a toujours travaillé. Il y a trois mois, il a fait l’objet d’un contrôle, et une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lui a été notifiée. « Elle est l’amour de ma vie, je ne veux pas la perdre », affirme-t-il avec détermination.
« Ils cherchent à détruire leur amour »
Maxence*, 7 ans, se blottit contre sa mère. « Ils cherchent à détruire leur amour », déclare-t-il timidement. Marine prend des antidépresseurs pour faire face à la situation. Pour elle, la proposition de loi portée par le sénateur centriste de la Somme, Stéphane Demilly, qui sera examinée le jeudi 20 février au Sénat pour interdire les mariages entre citoyens français et personnes en situation irrégulière, est un véritable cauchemar supplémentaire. « On ne choisit pas de tomber amoureux d’un Algérien ou d’un Polonais ! L’amour n’a pas de frontières, ils ne comprennent pas cela », se désole-t-elle.
Cette proposition de loi bénéficie du soutien du gouvernement et fait écho à un incident impliquant Robert Ménard, le maire de Béziers, qui a été convoqué en justice pour avoir refusé de marier une femme et un Algérien également sous le coup d’une OQTF. Les maires sont tenus de signaler à la justice toute suspicion de mariage de complaisance. Dans les petites communes, les maires connaissent généralement bien leurs administrés, tandis que dans les plus grandes villes, les officiers d’état civil peuvent parfois déceler des anomalies. Ludovic Rochette, maire d’une petite commune et président de l’association des maires de France en Côte-d’Or, affirme que les élus doivent se tourner vers le procureur. « C’est un acte grave », précise-t-il.
« Le maire est le représentant de l’État dans sa commune et je rappelle qu’en procédant à un mariage, on prononce une phrase lourde de sens : ‘au nom de la loi’. »
Ludovic Rochette, président de l’association des maires de France en Côte-d’Orà 42mag.fr
« Il est donc essentiel de s’assurer que le mariage célébré soit conforme à la législation », explique-t-il. Ludovic Rochette souligne les difficultés rencontrées par les maires, qui se retrouvent parfois face à des couples de futurs mariés qui ne comprennent pas leur décision. « Se voir dans l’obligation de marier une personne faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire frôle l’absurde », commente-t-il. Pour lui, cette proposition de loi pourrait atténuer ces tensions.
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes concernées pour garantir leur anonymat.