Les propos récents tenus par l’eurodéputée affiliée à La France Insoumise, qui est arrivée au monde sans nationalité avant de devenir citoyenne française en 2010, ont suscité une vague d’indignation parmi les membres du gouvernement.
Rima Hassan, juriste et politicienne d’origine palestinienne, est connue pour son engagement sur les questions liées au conflit au Proche-Orient. Elle se retrouve de nouveau sous le feu des critiques gouvernementales. Le 27 février, l’eurodéputée affiliée à La France insoumise (LFI) a affirmé sur Sud Radio que l’action du Hamas pourrait être considérée comme légitime selon le droit international. Elle s’est appuyée sur une résolution de l’Organisation des Nations unies de 1973 qui permet la lutte armée dans un contexte de colonisation. Hassan a néanmoins précisé que ce droit a des limites strictes, interdisant la prise d’otages civils et les exactions. Ces déclarations font réagir Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, qui a annoncé sur X son intention de notifier à la procureure de la République de Paris les propos qu’il interprète comme faisant l’apologie du terrorisme.
En réponse à ces déclarations, deux autres figures politiques, François-Noël Buffet et Patrick Mignola, ont discuté de la possibilité de priver Rima Hassan de sa nationalité en cas de condamnation. François-Noël Buffet, collaborateur de Bruno Retailleau, a exprimé sur Europe 1 que, si Rima Hassan venait à être condamnée pour de telles accusations, il serait pertinent de reconsidérer sa situation de citoyenneté. Toutefois, se pose la question de la faisabilité réelle de la déchéance de sa nationalité française.
Nécessité de plusieurs nationalités
Le Code civil, via son article 25, encadre strictement la déchéance de nationalité en France. Plusieurs scénarios peuvent conduire à cette privation : être condamné pour un crime ou délit menaçant les intérêts fondamentaux de la Nation ou lié au terrorisme ; pour des crimes ou délits prévus par le Code pénal ; pour avoir échappé aux devoirs du service national ; ou pour avoir commis des actes au bénéfice d’une puissance étrangère, jugés incompatibles avec la qualité de citoyen français.
Selon Rabah Hached, avocat spécialisé en droit de la nationalité, l’apologie du terrorisme tomberait sous la première catégorie. Cependant, Vincent Brengarth, l’avocat de Rima Hassan, souligne que la question est juridiquement complexe : il faudrait prouver que l’apologie équivaut à un acte de terrorisme.
Même si ces propos étaient qualifiés de terrorisme, ils ne suffiraient pas à déchoir Rima Hassan de sa nationalité. En vertu de l’article 25, cette procédure ne s’applique qu’aux binationaux. Le texte stipule qu’ »une personne ayant acquis la nationalité française peut, sur décret après avis du Conseil d’État, en être déchue, sauf si cela la rend apatride. » Rima Hassan, ayant uniquement la nationalité française, est donc à l’abri de cette mesure, comme l’a confirmé son avocat. Elle est née en 1992 en Syrie, dans un camp pour réfugiés palestiniens, et a été naturalisée française en 2010. Rabah Hached précise qu’elle ne peut perdre sa nationalité puisqu’elle n’en a pas d’autre.
Le site français de l’administration, en charge des questions de citoyenneté, rappelle qu’une personne ne peut être rendue apatride : être sans nationalité prive d’un État protecteur et complique de nombreux actes quotidiens, précise Vie publique.
Antécédents pour apologie du terrorisme
Face aux déclarations de déchéance envisagée, Rima Hassan a répondu sur X que perdre sa nationalité était « impossible ». Bruno Retailleau a par ailleurs admis que « puisqu’elle n’a que la nationalité française, il ne serait pas envisageable de la déchoir car la France n’autorise pas la création d’apatrides. » Jean-Luc Mélenchon, chef de file de LFI, a réagi sur X en dénonçant « une ère de persécutions racistes officielles » et s’est opposé à ce qu’on tente de dicter pensées et convictions.
Bien que Rima Hassan ne puisse être déchue de sa nationalité, elle peut être condamnée pour apologie du terrorisme si le tribunal la juge coupable. L’article 421-2-5 du Code pénal prévoit que l’incitation aux actes de terrorisme ou l’apologie publique de ces actes est passible d’au moins cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende.
Cela n’est pas la première fois qu’elle est visée par de telles accusations. Le 30 décembre 2024, l’Observatoire juif de France a porté plainte pour un tweet où elle évoquait que « si les Franco-Israéliens peuvent servir dans l’armée israélienne et bénéficier d’une double nationalité, les Franco-Palestiniens devraient pouvoir rejoindre la résistance palestinienne. » L’avocat de Hassan a indiqué ne pas être au courant de cette plainte. Au printemps 2024, elle a aussi été interrogée par la police dans une enquête pour apologie du terrorisme, après une interview dans laquelle elle soutenait l’action légitime du Hamas. À ce jour, selon son avocat, elle n’a pas été condamnée. En novembre 2024, LFI a proposé une loi pour supprimer du Code pénal le délit d’apologie du terrorisme, estimant qu’il sert à restreindre injustement la liberté d’expression au nom de la lutte antiterroriste.