Lors d’une interview dimanche, François Bayrou s’est fermement opposé à l’idée de ramener l’âge légal de la retraite à 62 ans. Cette position a provoqué la colère des syndicats, de l’opposition et en particulier du Parti socialiste. Ce dernier avait assuré qu’il n’exercerait pas une motion de censure contre le gouvernement, à condition que les pourparlers soient relancés.
« Le conclave est terminé » a déclaré Jean-Luc Mélenchon sur X, exprimant même son mécontentement en parlant de « farce ». La raison de la colère du leader de La France Insoumise repose sur un point : le « non » catégorique du Premier ministre. En effet, invité sur France Inter et 42mag.fr le dimanche 16 mars, François Bayrou a fermement rejeté la possibilité de ramener l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Cette déclaration s’inscrit dans un contexte bien précis où, depuis fin février jusqu’au 28 mai, les partenaires sociaux se réunissent en conclave pour débattre de la réforme épineuse des retraites. Le texte, adopté grâce au 49.3, très controversé, par le gouvernement d’Elisabeth Borne, a repoussé cet âge à 64 ans.
Lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier, le chef du MoDem assurait que « nous pouvons envisager une nouvelle voie de réforme, sans aucune idée préconçue ni tabou, y compris concernant l’âge de départ à la retraite ». Deux mois plus tard, il a donc clarifié sa position : un retour à 62 ans n’est pas envisageable.
« Choquant » et « incompréhensible »
La réaction des syndicats a été immédiate. « C’est outrageant », a dénoncé le négociateur de la CGT sur les retraites, Denis Gravouil, à l’AFP, arguant qu’« on ne peut pas faire confiance à François Bayrou ». Il a ajouté : « Les discussions avaient été rouvertes sur la base qu’il n’y avait ni préjugés ni interdits, permettant ainsi de parler de tout », a-t-il poursuivi.
« Et maintenant, il referme complètement le débat. C’est une véritable trahison de l’engagement pris envers les organisations syndicales, y compris la nôtre, et les parlementaires. »
Denis Gravouil, négociateur de la CGT sur les retraitesà l’AFP
Selon Yvan Ricordeau, négociateur pour la CFDT, « Les propos de François Bayrou sont incompréhensibles », comme il l’a déclaré à l’AFP. « C’est le même Premier ministre qui avait lancé un conclave où tous les sujets devaient être débattus, y compris l’âge de départ à la retraite. Il a ensuite affirmé vouloir laisser cette question entre les mains des partenaires sociaux. Il se contredit donc, risquant de saboter les négociations », a-t-il ajouté.
Sur 42mag.fr, François Hommeril, président de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), a déclaré qu’il est « tout à fait envisageable de revenir à 62 ans ». « Il est possible de revenir à cet âge et de prendre en compte d’autres critères », a-t-il souligné, mentionnant « le niveau des cotisations, le taux d’emploi des seniors, le taux d’emploi en général, ou encore la productivité des postes de travail ».
Un proche de François Bayrou a confié à 42mag.fr que l’homme « ne fait que dire la vérité ». Selon cette source, certains syndicats affichent « une certaine hypocrisie. Vous pourriez accorder trois mois, six mois, un an, ou même dix ans aux partenaires sociaux, ils ne réussiront jamais à trouver un modèle économique permettant de revenir à 62 ans », précise-t-il, tout en admettant que « personne n’avait anticipé une telle annonce de sa part ».
Un motif de censure pour le Rassemblement National ?
La déclaration politique a provoqué une véritable tempête. Les responsables politiques de tous bords ont été rapidement interrogés lors de différentes émissions dominicales. Interrogé sur la possibilité que cela constitue un motif de censure, Sébastien Chenu, député du Rassemblement National du Nord, a indiqué que ce serait « un élément à intégrer dans le débat ». « Nous sommes libres de censure et nous prenons cette option lorsque nous estimons que le sujet est pertinent », a-t-il développé sur BFMTV, ajoutant que les retraites sont « un sujet majeur ».
« L’illusion est enfin révélée », a commenté le coordinateur de La France Insoumise, Manuel Bompard, sur X. « Bayrou n’a jamais réellement envisagé d’ouvrir un débat et de proposer un vote sur l’abrogation de la retraite à 64 ans. Aujourd’hui, il prétexte des circonstances internationales pour justifier sa duplicité. C’est irresponsable ! ». Sur LCI, en simultané, Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI, a également exprimé son indignation, évoquant sur son compte X, « un scandale ». « Bayrou vient de trahir ses engagements concernant les retraites, comme nous l’avions prévu. Hormis le Parti Socialiste, qui peut encore croire que quelqu’un adhérant dès le début à la réforme macroniste reviendrait en arrière ? »
La colère des socialistes
La réouverture des débats sur la réforme des retraites était l’une des promesses faites par François Bayrou aux socialistes, pour qu’ils évitent de soutenir les motions de censure. Ainsi, le parti à la rose n’a pas uni sa voix à celle de ses alliés du NFP lors des votes de censure concernant le budget et le financement de la Sécurité sociale, s’attirant la colère de La France Insoumise. Seulement une motion de censure immédiate, initiée par les socialistes en réponse à l’expression « submersion » migratoire utilisée par le Premier Ministre, a été soutenue par le groupe PS, sans succès.
À présent, la colère gronde suite aux propos tenus par le locataire de Matignon. « Ce n’est pas au Premier Ministre de définir ce cadre : le conclave a déjà commencé. Autrement, autant que chacun rentre chez soi », s’est exclamé le député PS Arthur Delaporte à 42mag.fr, porte-parole de son groupe.
« Il agit sans retenue. Cela ne fait que discréditer davantage ses propres déclarations. »
Arthur Delaporte, député PSà 42mag.fr
La même indignation se retrouve chez le député PS Jérôme Guedj, expert du sujet des retraites. « Mardi dernier, alors que j’aborde la question du conclave, Catherine Vautrin [ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles] répond : ‘le gouvernement ne cherchera en aucun cas à interférer avec le travail du conclave. Dimanche, François Bayrou va à l’encontre de cette promesse. C’est une erreur (en premier lieu pour lui-même) et un manque de respect envers les partenaires sociaux », a-t-il critiqué sur X.