Mercredi, Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois affirmé qu’il n’était pas coupable, ce qu’il a déjà fait à plusieurs reprises depuis le lancement de son procès en janvier. C’était lors de son dernier interrogatoire avant que ne commencent les plaidoiries, sous le regard attentif de son épouse, Carla Bruni-Sarkozy.
Cette fois, Nicolas Sarkozy n’est pas venu seul au tribunal judiciaire de Paris. Le mercredi 19 mars, il s’est présenté accompagné de son épouse, Carla Bruni-Sarkozy, au procès portant sur les soupçons de financement par la Libye de sa campagne présidentielle de 2007. L’ex-président est l’un des douze accusés devant répondre des charges retenues contre eux depuis le 6 janvier au tribunal correctionnel de Paris, où il est accusé d’avoir conclu un « pacte de corruption » avec le défunt leader libyen Mouammar Kadhafi. En costume noir et chemise blanche, Nicolas Sarkozy prend position devant le micro pour répondre aux dernières questions posées par le tribunal et pour s’exprimer sur ce qu’il appelle les « points qui lui tiennent à cœur ». Dans l’assistance, son épouse écoute attentivement, marquant son intérêt.
Nathalie Gavarino, la présidente du tribunal, l’interroge d’abord au sujet de la vente d’Airbus en 2006 à la Libye, l’un des aspects de l’affaire impliquant l’intermédiaire franco-algérien Alexandre Djouhri. Ce dernier a témoigné le 13 mars avoir contribué au succès de ce contrat, une version contestée par plusieurs anciens dirigeants du groupe. Nicolas Sarkozy affirme n’avoir « jamais été impliqué » dans les négociations de ce contrat à l’époque où il était ministre de l’Intérieur, expliquant qu’il n’avait pas de raison de s’en occuper. Nathalie Gavarino l’interroge également sur ses interactions avec cet homme d’affaires, lui rappelant que « le dossier ne concerne pas uniquement sa personne ». Sur ce dernier point, l’ancien président réagit avec ironie en déclarant : « C’est une bonne nouvelle, Madame la présidente !»
« Il ne s’agit pas d’un procès politique ! »
« Madame la présidente, est-ce que je peux exprimer ce que j’ai sur le cœur ? », déclare ensuite Nicolas Sarkozy. Il commence par évoquer une interview du procureur national financier diffusée sur RMC et BFMTV avant le début du procès, où Jean-François Bohnert avait exprimé « une conviction de culpabilité qui mérite un procès ». Nathalie Gavarino précise que, bien qu’il ne soit pas nécessaire de prendre ces propos en compte, « le tribunal n’a pas préjugé de votre culpabilité », espérant que l’accusé n’a pas trouvé le procès trop expéditif. Nicolas Sarkozy remercie le tribunal de lui avoir donné l’occasion de « s’exprimer complètement ».
Le ton se durcit lorsque l’ex-président pousse sa déclaration un peu plus loin en développant « trois impressions » qu’il dit ressentir. « Cela fait 13 ans que je supporte cette accusation injustifiée », commence-t-il par déclarer. Il insiste en disant avoir le sentiment que « tout désignait qu’il fallait que ce soit lui » comme coupable.
« C’est un ressenti profond que l’on veut imputer la faute à Nicolas Sarkozy, qu’il est le seul responsable ! »
Nicolas Sarkozylors de l’audience
Il poursuit en expliquant qu’il semble que « à travers sa personne, c’est toute la classe politique qui est visée et que l’on veut punir ». S’emportant, il insiste : « Mais ce procès ne concerne pas la politique ! ». Enfin, il mentionne l’impression que « l’objectif était davantage de protéger l’institution que de chercher la vérité ». En gesticulant, il déclare : « Je suis ici, prêt à vous convaincre. Je le répète, je suis innocent : je n’ai jamais demandé un financement libyen pour ma campagne présidentielle de 2007 », affirme-t-il de nouveau.
« Quel chemin dois-je parcourir pour convaincre ? »
Nicolas Sarkozy réfute systématiquement les accusations portées contre lui, insistant sur l’absence de lien avec les autres accusés formant la coalition mafieuse qui lui est imputée. Il déclare : « Je n’ai jamais demandé à Brice Hortefeux ou à Claude Guéant de rencontrer Abdallah Senoussi », citant l’ancien chef des renseignements libyens, beau-frère de Kadhafi, condamné par contumace à la réclusion à perpétuité en France pour sa participation à l’attentat du DC-10 d’UTA. Les familles des victimes ont participé au procès en tant que parties civiles, et onze d’entre elles ont témoigné le 23 janvier. « Ce fut l’un des moments les plus marquants de cette audience », reconnaît Nicolas Sarkozy, tandis que quelques-unes d’elles prennent place non loin de lui.
« Je n’ai jamais entretenu de relations proches avec Monsieur Takieddine. Quant à Thierry Gaubert, nos liens se sont distendus il y a trente ans », ajoute l’accusé, affirmant qu’aucun d’eux ne lui a « jamais donné le moindre centime ». Il martèle : « Ma campagne n’a reçu aucun financement illicite ».
« Peut-être dois-je admettre une erreur devant ce tribunal : jamais je n’aurais pensé qu’après treize ans, ma mise en accusation serait encore examinée ici. C’est une erreur car tel est le cas. »
Nicolas Sarkozylors de l’audience
Nicolas Sarkozy avoue qu’il regrette avoir permis la diffusion de l’idée, « absurde et fausse », que la conséquence du supposé pacte de corruption était « la réintégration de la Libye sur la scène internationale ». Il s’interroge : « Pourquoi ai-je manqué de discernement, Madame la présidente ? Car je suis innocent. » Puis, il demande : « Jusqu’à quel point dois-je aller pour me disculper ? » Il assure : « Je suis ici pour défendre mon honneur, je n’ai reçu aucun financement libyen pour ma campagne », martèle-t-il, comme il l’avait déjà fait lors de sa première audience le 9 janvier. “La question de la culpabilité, c’est le rôle du tribunal de trancher et de personne d’autre. Nous en discuterons », répond l’un des trois procureurs du parquet national financier. Leurs réquisitions, d’une durée prévue de deux jours et demi, doivent débuter mardi après-midi.