Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, la dirigeante des écologistes s’impose désormais comme une figure centrale de la gauche. En briguant un nouveau mandat à la tête du parti, elle se mesure à trois autres candidats.
Sa veste verte est devenue un symbole incontournable de l’écologie politique. Deux ans après avoir été élue à la tête des écologistes d’EELV, Marine Tondelier participe sereinement à un nouveau congrès qui se déroule jusqu’au 26 avril. Cette tranquillité demeure intacte malgré la concurrence de trois autres candidats dont l’investiture sera confirmée le lundi 24 mars : Harmony Lecerf Meunier, adjointe au maire de Bordeaux proche de Sandrine Rousseau, Florentin Letissier, adjoint à la maire de Paris, ainsi que Karima Delli, ancienne eurodéputée et élue de la région Hauts-de-France.
Marine Tondelier s’est fait connaître du grand public en 2024 et s’est imposée dans les médias après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. En tant que figure clé du Nouveau Front Populaire, cette élue opposante à Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais a réussi à revitaliser un parti qui avait presque disparu sur la scène européenne avec seulement 5,50 % des voix.
Les Verts, qui ont déjà à leur actif plusieurs grandes villes comme Lyon, Bordeaux et Strasbourg, n’avaient jamais eu autant de parlementaires avec 16 sénateurs et 38 députés. Actuellement, le nombre de militants est passé à 18 000, contre un peu plus de 10 000 fin 2023 d’après les informations fournies par le parti à 42mag.fr. « Nous avons su rester visibles grâce à la stratégie d’union pour 2027 et à l’influence de Marine », affirme Alain Coulombel, membre de l’exécutif, au Monde. David Cormand, ancien premier secrétaire et eurodéputé, confirme à 42mag.fr que « elle a vraiment concrétisé l’image de l’écologie politique en France et probablement, elle est la secrétaire la plus connue du grand public ».
Des objections concernant une gestion interne centralisée
Est-il possible de faire l’unanimité ? À l’intérieur du parti, malgré les éloges, certains critiquent une gouvernance qu’ils jugent trop centralisée. À la fin février, le maire de Grenoble, Éric Piolle, se plaignait d’avoir été exclu des groupes de discussion du parti par la dirigeante des Verts. Bien qu’il soutienne Marine Tondelier, il déclarait au Point que cela l’empêchait de « faire connaître » sa «candidature » en tant que porte-parole. Toutefois, il a réussi à réunir le nombre de parrainages nécessaires, confirmant sa candidature dans un email aux adhérents jeudi dernier. Cet incident a laissé des traces. « C’est une méthode pour éliminer ceux qui l’entourent, avec une approche directive et autoritaire », critique un élu local écologiste mécontent de la direction, à 42mag.fr.
Les rivaux de Marine Tondelier critiquent aussi la « complexité »> des nouvelles règles internes. Les nouvelles règles du parti, adoptées en 2024, ont remplacé le vote proportionnel pour la direction par un vote majoritaire à candidature unique. Cela vise à simplifier des procédures internes jugées trop compliquées. Désormais, un quota de parrainages d’adhérents est nécessaire pour se porter candidat aux divers postes (329 pour le secrétariat national). « On va choisir notre secrétaire national avec un vote présidentiel alors qu’on conteste ce mode d’élection. On souhaite retrouver un fonctionnement parlementaire chez les écologistes », regrettait Florentin Letissier à Politis, début mars. De plus, six mois d’adhésion sont désormais requis pour qu’un membre puisse soutenir un candidat, ce que certains qualifient de « pseudo-démocratie », selon un cadre écologiste.
Outre ces règles, c’est aussi la gestion même du vote qui est remise en question. Harmony Lecerf Meunier mentionne la difficulté de faire campagne : « Nous n’avons pas la liste des membres, aucun moyen de communication, et les informations du siège national sont vagues. La plateforme du congrès est inaccessible ». L’élue de Bordeaux affirme être « étonnée » par ces complications.
« Pourquoi rendre la tâche plus difficile, alors que tout le monde pense que Marine Tondelier sera réélue ? Cela émane-t-il d’une crainte face aux voix minoritaires ? Pourtant, elles font vivre le parti ! »
Harmony Lecerf Meunier, adjointe écologiste à la mairie de Bordeauxà 42mag.fr
Les partisans de la secrétaire nationale rejettent ces accusations. « Les statuts actuels ont été approuvés collectivement, ils résultent d’un travail collaboratif incluant même les minorités au sein du parti », indique Aïssa Ghalmi, membre du bureau exécutif et élu du Val-de-Marne. David Cormand admet que, « bien que ces nouvelles règles soient difficiles à expliquer », elles visent à « rendre le processus de vote plus simple qu’auparavant ». L’eurodéputé note que l’incapacité à obtenir les parrainages souhaités « pourrait découler de leur manque de persuasion envers les militants ». Harmony Lecerf Meunier rétorque : « On nous conseille simplement ‘d’être plus populaire’. Or, cela ne se résume pas à la politique! »
La remise en cause des résultats des élections européennes
D’autre part, Marine Tondelier doit également répondre aux questions sur son bilan, en particulier l’échec des élections européennes qui ont vu le parti écologiste perdre huit sièges au Parlement européen. L’approche de la dirigeante des Verts consistant à présenter une liste autonome, sans La France insoumise ni les socialistes, n’a pas été fructueuse.
« Nous étions les seuls à plaider pour une liste unique à gauche jusqu’à la dernière minute de la campagne », rappelle Harmony Lecerf Meunier. « Ces élections se sont déroulées dans un climat de réaction néoconservatrice contre l’écologie et les idées de gauche. Bien que le résultat soit décevant, il doit être interprété dans un contexte européen plus large », nuance Aïssa Ghalmi. Après les élections, la direction a mené une analyse approfondie avec la consultation des militants. En octobre dernier, la principale concernée a elle-même admis « un échec » dans sa déclaration de candidature.
Sur un plan plus général, « la tentative de Marine Tondelier d’élargir la base du parti et de rallier un million de sympathisants d’ici 2027 n’a pas encore porté ses fruits », observe Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof, spécialisé en écologie politique.
« Absence de dissensions majeures dans le parti »
Quelle alternative les challengers de Marine Tondelier représentent-ils vraiment ? Harmony Lecerf Meunier défend une politique écologique « radicale, intersectionnelle et féministe », tandis que Florentin Letissier pose les bases d’une « gouvernance écologique radicale et responsable ». Karima Delli partageait avec Le Figaro son souhait de voir les écologistes s’impliquer davantage dans les zones « rurales » et auprès des « classes moyennes et populaires ». Ces objectifs se retrouvent dans la stratégie de la direction actuelle.
« Il n’existe plus de divergences majeures dans le parti. Tous les courants internes conviennent que le parti est de gauche et doit gouverner », affirme Daniel Boy. « Notre but est de ne pas être perçus comme un simple complément de l’ancienne gauche, mais de montrer que l’écologie est une force motrice », explique David Cormand. Même la question des alliances à gauche, qui divise les socialistes voisins, ne provoque pas de grands débats. Seul Florentin Letissier semble envisager, dans sa déclaration de candidature (document PDF), de mettre un terme aux partenariats avec La France insoumise, sans citer explicitement le mouvement.
Cette question continuera de hanter la scène politique jusqu’à la présidentielle. « Il sera nécessaire de régler la question des alliances pour 2027, avec ou sans LFI, et d’organiser une primaire à gauche », indique Daniel Boy. La victoire d’un contestant au leadership de Jean-Luc Mélenchon au congrès du Parti socialiste le 5 juin pourrait ébranler la stratégie d’unité des Verts et leur rôle central au sein de la gauche.