Dans cette localité du Pas-de-Calais, où la dirigeante des parlementaires RN a remporté les élections en 2017, ses partisans critiquent un procès qu’ils jugent politique, ayant pour but de bloquer sa candidature à l’élection présidentielle de 2027. La décision concernant l’avenir de l’élue sera rendue le lundi 31 mars.
Par une belle journée ensoleillée de printemps, le mardi 25 mars, la place de la République à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) s’anime avec le marché local. Parmi les stands de fruits, de légumes et de vêtements, les visages souriants de Marine Le Pen et de Jordan Bardella se retrouvent sur plusieurs affiches. Cependant, les visages des partisans du Rassemblement national sont pensifs à l’idée des ennuis judiciaires planant sur leur leader.
Le 31 mars, Marine Le Pen, habituée des campagnes présidentielles, connaîtra son sort politique. Le tribunal correctionnel de Paris doit prononcer un verdict concernant l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national, accusés d’avoir reçu des salaires financés par le Parlement européen alors qu’ils travaillaient pour le parti d’extrême droite. Un verdict défavorable pourrait entraîner une inéligibilité immédiate, comme recommandé par le parquet en novembre, en plus de cinq ans de prison, dont deux fermes et modulables, et une amende de 300 000 euros. Dans cette région où elle a été continuellement élue députée depuis 2017, un tel verdict serait un choc.
Les partisans du RN sur le marché sont persuadés que c’est un « procès politique », une thèse soutenue par les dirigeants du parti depuis les réquisitions. Anne-Marie, retraitée et militante, affirme que c’est une tentative de bloquer Marine Le Pen pour 2027, estimant que « ces juges sont corrompus ». À côté d’elle, d’autres adhérents opinent du chef en pensant que la justice cherche à écarter Le Pen. Quant aux sympathisants, comme Christopher, 30 ans, ils pensent que la montée de Marine Le Pen dans les sondages dérange. Même s’il a encore foi en la justice, beaucoup d’adhérents voient un biais contre le RN.
« Pas de spéculation prématurée »
Malgré tout, ils sont convaincus que le tribunal ne prendra pas une décision qui empêcherait Marine Le Pen de se présenter en 2027. Nicole, une ancienne commerçante, ne s’inquiète pas : « Ils n’oseront pas la condamner, c’est inconcevable ! » Si une inéligibilité était prononcée, Bruno, un ancien chauffeur de bus, envisage une révolte populaire.
Si une telle sanction survenait, Le Pen perdrait son poste de conseillère départementale dans le Pas-de-Calais et serait exclue de la course à la présidentielle prochaine ou d’élections législatives anticipées, à moins de gagner un appel. Mais pendant cet appel, elle resterait inéligible.
« Dans ce cas, on irait tous à Paris, par bus, à pied… On ne laisserait pas faire ça ! »
Jacqueline, retraitée et militante du RNà 42mag.fr
En attendant le verdict, les militants ont signé une pétition du parti pour dénoncer « une tentative d’écarter la vraie opposition » après les réquisitions du 13 novembre.
Ce jour de procès a déjà fait grand bruit localement. Steeve Briois, le maire RN, confirme que même ceux qui ne soutiennent pas le cerveau du FRONT NATIONAL ont été surpris. Toutefois, il admet qu’on évite de parler du 31 mars, préférant se concentrer sur d’autres sujets.
En cas de relaxe de Le Pen, ce serait idéal. En cas de condamnation impliquant une inéligibilité, ce serait un revers. Au QG du parti, seuls quelques initiés en parlent avec elle et ses avocats. Steeve Briois, quant à lui, préfère aborder les défis au fur et à mesure, tout en saluant les habitants présents au marché.
« Si elle n’est pas inquiétée, elle gagnera en 2027 »
Non loin, Abdelkader, commerçant et supporter du RN, ne croit pas à l’inéligibilité de Le Pen. Très connu dans le monde entier et largement soutenu en France, il trouve peu probable qu’on l’élimine de la course électorale.
Pour ce vendeur, si aucune sanction ne la frappe, la victoire en 2027 est assurée. Vanessa, jeune maman de 35 ans, justifie son choix pour Le Pen par opposition à Macron et par crainte d’une extrême-gauche. Pour elle, empêcher Le Pen de concourir serait un affront aux nombreux électeurs.
« Ce serait culotté d’empêcher une candidate ayant autant de soutien de participer. »
Vanessa, électrice du RN à Hénin-Beaumontà 42mag.fr
Certains sympathisants peu intéressés par la politique regrettent aussi cet épisode judiciaire. Emeline, 21 ans, tout juste reconvertie dans le commerce, ignore les détails de ce procès qui pourraient priver Le Pen d’une nouvelle candidature. Malgré la médiatisation du dossier, beaucoup renoncent à suivre les informations ou à s’informer sur l’affaire des assistants parlementaires.
« On perçoit un peu de nervosité »
Marine Tondelier, élue écologiste d’opposition, estime que malgré les apparences calmes des responsables RN, une certaine nervosité transparaît. D’après elle, cette affaire n’affecte en rien la popularité du parti auprès de ses électeurs fidèles qui cautionnent généralement ses actions et critiquent systématiquement l’opposition.
« Depuis 2014, il est clair que les électeurs RN pardonnent tout à leur parti, tandis que l’opposition est systématiquement discréditée. »
Marine Tondelier, conseillère municipale d’opposition à Hénin-Beaumontà 42mag.fr
Selon elle, ce jugement pourrait exposer la double morale du RN, prônant la totalité des peines pour autrui tout en escomptant des exceptions pour lui-même.
Pour certains, l’inéligibilité de Le Pen est inenvisageable. Le parti mise sur Jordan Bardella comme alternative en 2027. Bien que jeune, Bardella est perçu comme un leader possible, et chaque soutien renouvelle sa loyauté. Pour Anne-Marie, loyaliste engagée, le RN reste unité et le serait davantage si l’adversité frappait Marine Le Pen.
« L’important, c’est que le RN gagne. Nous resterons solidaires, même si nous perdons Marine. »
Anne-Marie, militante du RN à Hénin-Beaumontà 42mag.fr
Jacqueline, elle, reste optimiste, croyant qu’un mauvais coup pourrait finalement donner de l’élan aux sympathisants RN en incitant davantage de votants à les soutenir. Toutefois, pour les opposants, cela pourrait être un coup médiatique supplémentaire, renforçant la notoriété de Le Pen.
* Le prénom a été changé.