Lundi, le jugement concernant l’ex-dirigeante du mouvement d’extrême droite sera rendu. Cette décision juridique est cruciale pour l’avenir de sa carrière politique.
« On lit partout que nous serions nerveux. Pour ma part, je ne le suis pas. » C’est avec une attitude calme que Marine Le Pen s’est exprimée le dimanche 30 mars, à la veille de la décision attendue par le tribunal correctionnel de Paris concernant les assistants parlementaires des députés européens du Front national, aujourd’hui Rassemblement national. La députée du Pas-de-Calais, qui préside le groupe RN à l’Assemblée, s’est présentée au procès du 30 septembre au 27 novembre 2024, accompagnée de 24 autres accusés, dont d’anciens eurodéputés du FN.
Les procureurs ont requis, dans leurs conclusions, une interdiction de se présenter aux élections pour tous les accusés, prévoyant notamment cinq ans d’inégibilité pour Marine Le Pen. Cette demande a été un choc, suscitant à la fois la colère de l’intéressée et celle de certains responsables politiques. Mais le tribunal entérinera-t-il la proposition du parquet ? « Je doute que [les juges] aillent jusque-là », a prédit l’élue d’extrême droite dans La Tribune Dimanche. Une telle sentence pourrait compromettre sa volonté de participer à la course présidentielle de 2027. Voici pourquoi.
1 Quelles sont les accusations contre Marine Le Pen ?
Marine Le Pen, devenue eurodéputée en 2004 et ayant exercé cette fonction jusqu’en 2017, est soupçonnée d’avoir détourné des fonds européens pour rémunérer quatre de ses assistants parlementaires entre 2009 et 2016, bien qu’ils aient travaillé pour le Front national. Elle est accusée d’être « l’une des principales instigatrices » de ce « système », puisqu’elle présidait le Front national de 2011 à 2021. En réponse à ces allégations, elle a qualifié de « injuste » l’idée d’un « système » et a déclaré qu’un assistant pouvait « travailler pour son député tout en bénéficiant à son parti ».
2 Quelle peine risque-t-elle ?
Durant l’audience, le ministère public a dénoncé un « mépris flagrant envers l’argent du contribuable ». Le 13 novembre, deux procureurs ont exposé longuement les éléments démontrant ce qu’ils jugent être un processus d’« enrichissement personnel du parti » grâce à des emplois fictifs entre 2009 et 2016, pour un total dépassant les 4 millions d’euros, causant un tort à la démocratie. La procureure Louise Neyton a souligné l’étendue et l’organisation inédite de ces faits.
Le parquet a donc demandé que les accusés soient condamnés pour détournement de fonds publics, convaincu de leur culpabilité. Contre Marine Le Pen, il a proposé une peine de cinq ans de prison, dont deux ans fermes (aménageables), une amende de 300,000 euros, et une interdiction de se présenter aux élections pendant cinq ans. Depuis la loi « Sapin 2 » de décembre 2016, cette peine d’inéligibilité est automatique en cas de détournement de fonds.
Les procureurs ont également souhaité que cette peine soit mise en application immédiate, même en cas d’appel, pour « prévenir toute récidive » et « préserver l’ordre public ». Le procureur Nicolas Barret a souligné que « la loi s’applique à tous » et que la justice ne doit pas tenir compte des « ambitions » politiques des individus.
3 Quels pourraient être les scénarios pour Marine Le Pen ?
L’avenir de Marine Le Pen dépendra du verdict du tribunal. Si elle est reconnue coupable, elle pourrait écoper d’une peine plus sévère que celle recommandée par le parquet, jusqu’à dix ans d’emprisonnement, un million d’euros d’amende et une interdiction d’exercice d’une fonction publique. Le tribunal pourrait aussi se contenter de lui infliger une peine de prison et une amende sans l’interdire politiquement, ou opter pour une interdiction de deux ans, ce qui lui permettrait un retour en politique d’ici 2027.
Si elle est condamnée, Marine Le Pen aura dix jours pour faire appel, une démarche qu’elle a déjà signalé vouloir entreprendre, déclarant au Figaro qu’elle se sent « totalement innocente » des faits reprochés. Faire appel suspend l’exécution de la condamnation initiale, et elle resterait présumée innocente jusqu’au prochain jugement.
Néanmoins, si le tribunal suit les réquisitions du parquet en prononçant une interdiction immédiate de cinq ans, elle ne pourrait plus participer à des élections, y compris la présidentielle ou des législatives anticipées.
Elle serait immédiatement destituée de son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais. Toutefois, elle ne perdrait pas immédiatement son poste de députée : le Conseil constitutionnel, chargé de ces décisions, attend épuisement des recours avant d’agir. La décision prise vendredi sur l’application immédiate de l’inéligibilité n’a rien changé à cette dynamique.
4 Et si Marine Le Pen est acquittée ?
Un acquittement, que son avocat a réclamé, demeure possible. « Ma cliente ne conteste pas les faits, elle conteste leur qualification pénale », a plaidé Rodolphe Bosselut en novembre. Mais cet acquittement ne la mettrait pas à l’abri d’un nouveau procès, si le parquet choisit de faire appel, comme ce fut le cas dans l’affaire MoDem touchant François Bayrou.
5 Quelle est l’importance de cette affaire pour son avenir politique ?
Cette affaire est capitale pour l’avenir de Marine Le Pen, notamment pour sa candidature potentielle à l’élection présidentielle de 2027. « Avec une application immédiate, les juges détiennent le pouvoir de déterminer notre avenir politique », a-t-elle dit dans La Tribune Dimanche. Moins de deux jours après le réquisitoire, elle affirmait sur TF1 que sa « disparition politique » était « demandée ». Jordan Bardella, président actuel du RN, est prêt à pallier cette éventualité.
Cependant, le parti d’extrême droite s’efforce de faire de cette situation une opportunité, en renforçant son discours contre le système. « Ce serait bénéfique pour nous, cela motiverait les électeurs », a estimé un soutien RN à Hénin-Beaumont, bastion de Marine Le Pen, où l’indignation serait forte en cas de condamnation de la leader.