Le ministre de la Justice a déclaré qu’il allait initier, lors des mois de mai et de juin, deux procédures de soumission pour la création de 3 000 nouvelles places carcérales au sein d’établissements modulaires.
La France est confrontée depuis longtemps au problème de la surpopulation carcérale. Pour tenter de remédier à cette situation, Gérald Darmanin a dévoilé un plan ambitieux de construction de prisons temporaires à l’aide de matériaux préfabriqués. Durant une visite dans l’Oise chez un constructeur potentiel, le ministre de la Justice a précisé, le lundi 14 avril, qu’il prévoyait le lancement, avant l’été, de deux appels d’offres pour créer 3 000 places de prison. Ces nouvelles structures modulaires se basent sur des modèles déjà éprouvés au Royaume-Uni et en Allemagne. Explorons les interrogations autour de ce projet novateur initié par le ministre.
1 À quoi ces nouvelles prisons vont-elles ressembler ?
Gérald Darmanin, depuis l’usine Bouygues à Crépy-en-Valois, a expliqué que ces établissements seront de véritables centres pénitentiaires, réalisés en usine, comme cela s’est fait en Angleterre et en Allemagne. Le ministre a récemment visité ces deux pays pour se rendre compte du fonctionnement de telles structures. Les prisons y sont fabriquées ailleurs et montées sur les sites prévus.
D’après Le Figaro, présent lors de ce voyage, les modèles en Angleterre sont décrits comme de simples conteneurs métalliques, bruyants et mal isolés. À l’inverse, les établissements allemands, en béton armé, restent en excellent état malgré quatre ans de service. Lors d’une conférence de presse, Darmanin a précisé que les établissements prévus en France seraient en béton, conçus pour être durables, avec une espérance de vie de 50 à 60 ans.
2 Où ces nouvelles structures seront-elles implantées ?
La première de ces prisons accueillera 50 détenus et sera ouverte sur le site pénitentiaire de Troyes-Lavau, dans l’Aube. Pour réaliser les 3 000 places annoncées, 25 sites seront choisis, mais leur localisation exacte reste à déterminer. Pour 15 de ces sites, où 1 500 places seront créées, les terrains appartiennent déjà à l’administration pénitentiaire, ce qui devrait faciliter le processus et éviter des problèmes avec les responsables locaux. Selon Darmanin, cela évitera également les difficultés liées à l’acceptation des projets par les élus.
Les syndicats des gardiens de prison insistent que ces nouvelles constructions doivent se faire en dehors des enceintes actuelles pour limiter les problèmes de sécurité, comme l’arrivée de produits illégaux, comme l’a souligné Hervé Segaud de FO-surveillants dans Le Figaro. Un second appel d’offres, portant également sur 1 500 places, touchera une dizaine d’autres sites, dont l’emplacement est encore en discussion avec les autorités locales.
3 Qui seront les détenus logés dans ces prisons ?
Les nouvelles structures, moins coûteuses en sécurité, accueilleront principalement des détenus jugés moins dangereux, souvent condamnés pour des délits mineurs comme les infractions routières ou les violences domestiques, selon le ministre de la Justice. De ces 3 000 futurs détenus, la moitié bénéficiera d’un régime semi-ouvert, leur permettant de quitter la prison le jour pour travailler ou étudier, avant de revenir le soir. Les autres purgeront de courtes peines, bien que la durée de ces peines n’ait pas été précisément définie.
4 Quand ces établissements seront-ils fonctionnels ?
Gérald Darmanin a confirmé les délais le lundi : « J’ai opté pour lancer deux appels d’offres, l’un pour la fin mai et l’autre pour début juin. » Là où la construction d’une prison classique prend sept ans, le processus envisagé réduira ce délai à un an et demi, grâce à une fabrication standardisée et industrielle.
Les premières constructions modulaires devraient être ouvertes dans un an et demi. « Avec ces appels d’offres lancés en mai, nous espérons que les premiers établissements seront prêts entre septembre et octobre 2026, et le projet devrait être complété d’ici début 2027 », a précisé Gérald Darmanin. Les structures issues du second appel d’offres devraient être opérationnelles un peu plus tard, avec une ouverture prévue pour 2028.
5 Quel est le coût prévu de ces nouvelles prisons ?
L’économie de temps impliquera une réduction des coûts. Tandis que la construction d’une place de prison standard s’élève à 400 000 euros, celles dans ces nouvelles structures reviendront à 200 000 euros, estime le ministre, ce qui équivaut à un budget total de 600 millions d’euros répartis sur plusieurs années budgétaires.
Selon des informations fournies à 42mag.fr, ces établissements remplaceront certains projets plus longs actuellement en cours d’étude. Le budget pour la Justice en 2025 est prévu à 10,5 milliards d’euros, marquant une hausse de 400 millions par rapport à 2024. Gérald Darmanin a simplement réaffirmé en janvier que les ressources financières de son ministère continueraient d’augmenter.
6 Quelle est la réaction des professionnels du secteur ?
Pour persuader les syndicats de l’utilité de ces constructions, Gérald Darmanin a inclus des représentants de la CGT, le Syndicat pénitentiaire des surveillants, Force ouvrière, et l’Ufap-Unsa dans son voyage en Allemagne, rapporte Le Figaro. Bien qu’ils reconnaissent l’intérêt de solutions novatrices face au problème de surpopulation, ces syndicats partagent certaines inquiétudes quant au personnel disponible, étant donné le déficit de 7 000 agents dans les services pénitentiaires, souligne Emmanuel Chambaud de l’Ufap.
Pour Joaquim Pueyo, ancien directeur de grandes prisons françaises, il est crucial de désengorger les établissements carcéraux. Toutefois, « l’idée des préfabriqués ne peut être l’unique solution au problème », explique-t-il.
« Nous devrions également explorer les peines alternatives, les libérations sous contrainte et le bracelet électronique comme option. Il existe plusieurs aménagements de peines qui devraient être mis en œuvre sans délai. »
Joaquim Pueyo, ancien directeur de prisonssur 42mag.fr
Pendant ce temps, Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, insiste pour vider d’abord les cellules. Elle souligne que l’Allemagne, avec 20 millions d’habitants de plus que la France, compte pourtant 20 000 prisonniers de moins. Elle recommande de reproduire certaines mesures prises pendant la pandémie, qui ont permis de libérer des détenus sans incident.
7 Qu’en est-il de la promesse faite par Emmanuel Macron ?
Dans le cadre de la lutte contre la surpopulation, Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à créer 15 000 places supplémentaires en dix ans. Cependant, Didier Migaud, le prédécesseur de Darmanin, a reconnu sur France 2 que cet objectif ne serait pas atteint d’ici 2024. Avec un peu de chance, seulement environ 6 421 places supplémentaires seraient réalisées en 2027, soit 42 % de l’objectif initial, déjà impliquant l’utilisation de préfabriqués.
Selon Darmanin, les nouvelles prisons modulaires permettront d’augmenter le rythme de construction. Avec près de 5 000 nouvelles places déjà réalisées et 5 000 autres planifiées dans des installations classiques, auxquelles s’ajouteront 3 000 places modulaires, la France atteindra environ 13 000 places nouvelles. Cependant, il restera encore un déficit de 2 000 places pour se conformer à l’engagement présidentiel.
En revanche, le nombre de prisonniers ne cesse d’augmenter en France. Au 1er mars, on recensait 82 152 détenus pour 62 539 places disponibles, et plus de 4 850 d’entre eux n’avaient même pas de lit pour dormir, chirurgiquement obligés de passer leurs nuits sur des matelas au sol.