Tout comme ses prédécesseurs à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy a reçu la distinction de grand-croix de la Légion d’honneur, un honneur exceptionnel. Toutefois, la justice a récemment confirmé sa condamnation dans le cadre de l’affaire des écoutes. En théorie, cela devrait entraîner le retrait de sa décoration. Cependant, la pratique est souvent influencée par le monde politique, comme l’illustre l’enquête de l’Œil du 20h ce soir.
Il est possible de recevoir la Légion d’honneur, mais il est aussi envisageable qu’elle vous soit retirée. Après avoir examiné attentivement le règlement de cette prestigieuse institution, on découvre une règle très explicite :
« Les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou supérieure à un an sont exclues de l’ordre. »
Théoriquement, cette règle s’appliquerait à Nicolas Sarkozy, qui a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme. Le grand chancelier de la Légion d’honneur, garant de l’intégrité de l’institution, ne peut envisager une exception : « En tant que citoyen français, je ne conçois pas que la loi ne s’applique pas, » a exprimé le général François Lecointre, lors de son intervention sur RTL le 4 mars dernier.
Pourtant, des membres du conseil de l’ordre ont exprimé, lors de communications téléphoniques, leur perplexité face à ce cas particulier: « Nous avons souvent l’occasion de débattre sur les dossiers de retrait. Évidemment, ce cas est très unique. La question essentielle est de déterminer si un ancien président de la République est soumis aux mêmes lois que n’importe qui d’autre. Il y a de nombreux enjeux politiques autour de cette décision, » indiquent-ils.
Emmanuel Macron réticent à retirer la Légion d’honneur à Nicolas Sarkozy
Nous avons tenté de discuter avec Nicolas Sarkozy, mais c’est son avocat qui a répondu. Selon lui, retirer la Légion d’honneur à l’ancien président serait préjudiciable à la fonction présidentielle elle-même : « Nicolas Sarkozy n’a pas obtenu la Légion d’honneur et la grand croix pour ses mérites personnels, mais plutôt parce qu’il a été élu président de la République. Sa légitimité procède donc directement de cette élection. C’est une circonstance singulière qui doit être considérée comme telle, » argumente Me Patrice Spinosi.
Le conseil de l’ordre pourra donner son avis sur la question, mais à terme, Emmanuel Macron, le grand maître de la Légion d’honneur, sera celui qui prendra la décision finale. Selon lui, la règle ne devrait pas s’appliquer à un ancien président. Lors d’un déplacement à Madagascar, il a exprimé à notre micro que : « Je pense que ce n’est pas une décision sensée. Si j’ai une marge de manœuvre, je préférerais qu’un ancien président puisse conserver sa place dans l’ordre. Devenir président de la France est en soi exceptionnel, » a-t-il déclaré.
Toutefois, cette mansuétude contraste avec le traitement réservé à certains proches de Nicolas Sarkozy : Claude Guéant, Boris Boillon, Isabelle Balkany, tous condamnés par la justice, ont vu leur Légion d’honneur révoquée durant la présidence d’Emmanuel Macron.