Un document concernant les Frères musulmans, exposé mercredi lors du conseil de défense, alerte sur un risque pesant sur l’unité du pays en raison de la montée d’un islamisme qui s’installe progressivement, « de manière ascendante ».
Le ministère de l’Intérieur a dévoilé, ce mercredi 21 mai, la version déclassifiée d’un rapport initialement tenu confidentiel portant sur les Frères musulmans et l’islamisme politique. Ce document, remis lors d’un conseil de défense, souligne « une menace très nette envers la République, une menace pour l’unité nationale » et évoque même « un risque de submersion » lié à la mouvance dite « frériste ».
Face à « la gravité des faits constatés », Emmanuel Macron a demandé au gouvernement de préparer de nouvelles mesures d’ici début juin. La tenue de ce conseil de défense a suscité de nombreuses réactions parmi les députés à l’Assemblée nationale. En attendant les décisions officielles à venir dans les semaines suivantes, plusieurs acteurs politiques exposent déjà leurs positions.
Parmi eux, Gabriel Attal, chef des députés macronistes, a profité de cette occasion pour avancer ses propres propositions. Ayant eu accès au rapport lorsqu’il travaillait à Matignon, il plaide pour l’adoption d’une seconde loi sur le séparatisme.
« Je refuse toute forme de résignation »
Parmi les mesures suggérées, figure l’interdiction du port du voile dans l’espace public pour les mineures de moins de quinze ans : « Ce rapport met en lumière une offensive salafiste visant à imposer le voile aux fillettes dès l’âge de cinq ou six ans. Comment réagir ? Certains s’en désolent mais sans proposer d’actions concrètes. Moi, je refuse de me résigner. » Cette position est cohérente avec l’engagement qu’il avait manifesté lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, notamment en obtenant l’interdiction de l’abaya à l’école.
Du côté du Rassemblement national, la proposition est bien accueillie, même si Thomas Ménagé considère qu’elle relève davantage d’un opportunisme politique : « Monsieur Attal et ses alliés dénonçaient jusqu’ici les débats autour du voile et insistaient sur le fait que le problème était lié au fondamentalisme islamiste, pas seulement au séparatisme. Peu importe l’origine de cette prise de position, nous au Rassemblement national, nous défendons toujours les initiatives allant dans le bon sens, même si parfois elles manquent de sincérité. » Le député du Loiret rappelle par ailleurs que Marine Le Pen avait déjà déposé une proposition de loi sur cette thématique qui n’avait jamais été examinée il y a cinq ans.
« Une atteinte à la loi de 1905 »
En revanche, cette initiative inquiète fortement la gauche. Jérôme Guedj, socialiste, estime qu’elle pourrait avoir des effets contre-productifs : « En interdisant le port de signes religieux dans l’espace public, on risque d’envoyer un message aux islamistes, c’est-à-dire précisément ceux que l’on prétend vouloir distinguer. Une telle mesure serait contraire à la loi de 1905, elle introduit une suspicion généralisée envers une large partie de nos concitoyens. C’est totalement inefficace et témoigne d’une course effrénée vers les positions de l’extrême droite. »
Pour l’élu, la législation existante suffirait à réguler la situation, à condition d’en assurer l’application : « La loi de 1905 comporte déjà des dispositions, notamment l’article 31, qui stipule qu’imposer ou contraindre quelqu’un dans ses croyances est un délit. Pourtant, cet article n’est plus appliqué. Depuis des années, je demande aux ministres de la Justice d’émettre une circulaire pénale pour garantir son application. »
« Une forme généralisée de complotisme »
Au sein de La France insoumise, on dénonce le risque d’amalgames liés à ce genre de propositions et aux discours gouvernementaux. Le député Raphaël Arnaud reconnaît : « Il existe sûrement des courants au sein de toutes les religions, y compris musulmanes, qui vont à l’encontre des valeurs républicaines et qu’il faut effectivement combattre. » Mais il met en garde contre « une forme de complotisme généralisé » : « Toute personne suspectée d’être musulmane se voit automatiquement assimilée à l’islamisme ou au frérisme. »
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il dénonce une intensification de « l’islamophobie » : selon lui, la simple organisation d’un conseil de défense sur ce thème « valide les discours extrémistes de Bruno Retailleau et Marine Le Pen ».