Une analyse réalisée par un institut de recherche basé en Finlande se penche, pour la toute première fois, sur le nombre de pertes humaines précoces liées au scandale du Dieselgate. Cette étude met également en évidence les conséquences économiques associées à cet événement.
Entre 2009 et 2024, environ 16 000 décès en France sont attribuables aux moteurs diesel trafiqués mis en lumière par le Dieselgate, rapporte mercredi 28 mai le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), un organisme finlandais spécialisé dans la recherche sur l’énergie et la qualité de l’air, dans une étude relayée par France Inter. C’est la première fois qu’une étude quantifie le nombre de vies perdues en lien direct avec ce scandale : des moteurs diesel manipulés par certains constructeurs automobiles émettant des quantités excessives de dioxyde d’azote.
Il y a dix ans, en 2015, l’affaire du Dieselgate éclatait, révélant que plusieurs fabricants de voitures commercialisaient des véhicules diesel dont les émissions polluantes dépassaient largement les limites réglementaires autorisées. Plus de 200 modèles concernés auraient été équipés de dispositifs destinés à contourner les dispositifs de contrôle des rejets polluants. Ces voitures diesel, vendues entre septembre 2009 et août 2019, respectaient les normes Euro 5 et Euro 6, mais avant l’instauration des tests RDE (Real Driving Emissions) visant à garantir des émissions faibles en conditions réelles de conduite. L’étude souligne que ces émissions supplémentaires « s’ajoutent aux niveaux officiellement admis et n’auraient jamais dû se retrouver dans l’air que nous respirons ».
Près de 8 000 morts prématurées évitables d’ici 2040
D’après cette analyse, les moteurs trafiqués seront responsables d’un total de 24 000 décès prématurés sur la période allant de leur mise en circulation en 2009 jusqu’à la disparition prévue des moteurs thermiques en 2040. Sur ces chiffres, 16 000 décès seraient déjà survenus depuis 2009 et 8 000 décès supplémentaires pourraient être évités d’ici 2040, sachant que la pollution atmosphérique entraîne des maladies respiratoires et cardiovasculaires, du diabète ainsi que certains cancers.
Anne Lassman-Trappier, responsable de la qualité de l’air chez France Nature Environnement, estime que ces morts sont évitables. Elle déclare : « Il est indispensable que l’État oblige les constructeurs à remettre ces véhicules aux normes ». Cette mesure a d’ailleurs été prise aux États-Unis dès que le scandale a été dévoilé, permettant d’épargner des milliers de vies. « On parle de milliers d’épisodes d’asthme évités et de centaines de milliers de journées de travail préservées au bénéfice de l’économie. Cela mérite une action urgente » ajoute-t-elle.
Les auteurs de l’étude pointent une « inaction ayant généré et continuant de générer des conséquences sanitaires et économiques évitables et quantifiées ». Pour France Nature Environnement, la France aurait dû exiger des constructeurs un rappel des véhicules concernés ou un dédommagement pour les consommateurs trompés. Anne Lassman-Trappier juge « inacceptable que l’on tolère autant de dommages sanitaires pour protéger les intérêts des industriels de l’automobile ».
Conséquences économiques directes sur les finances publiques
Outre le bilan humain, le Dieselgate engendrera un coût économique estimé à 146 milliards d’euros. Cette somme découle notamment des pertes de productivité, des frais médicaux liés aux soins, ainsi que des décès prématurés attribuables au scandale. Entre 2009 et 2040, l’étude prévoit 2,4 millions de jours d’arrêt maladie imputables aux émissions excessives des moteurs trafiqués, ce qui a un impact direct sur les budgets publics.
Par ailleurs, l’étude estime que 26 000 cas nouveaux d’asthme ont été provoqués en France par ces véhicules diesel frauduleux sur les trente dernières années.
Au niveau européen, incluant l’Union européenne et le Royaume-Uni, le nombre de décès prématurés dus à la pollution causée par le Dieselgate est évalué à 205 000. Les pertes économiques s’élèveraient à 1 200 milliards d’euros pour l’ensemble du continent.
Enfin, la révélation du scandale il y a dix ans a conduit récemment à de nouvelles sanctions judiciaires : le 26 mai, quatre anciens cadres de Volkswagen en Allemagne ont été condamnés pour fraude, avec des peines allant jusqu’à quatre ans et demi de prison. L’ancien dirigeant d’Audi, Rupert Stadler, avait déjà été condamné en 2023 à une peine de 21 mois avec sursis par la justice allemande.