Il était jugé pour des faits d’outrage envers une personne exerçant une fonction dans le cadre d’une mission de service public, ainsi que pour des injures non publiques visant son origine, son appartenance ethnique, sa supposée race ou sa religion, et également pour des actes de diffamation non rendus publics.
Mardi, le tribunal correctionnel de Thionville, dans le département de la Moselle, a réclamé une amende de 500 euros à l’encontre de Laurent Jacobelli, député du Rassemblement national, pour des propos adressés au député non inscrit du groupe présidentiel, Belkhir Belhaddad. La décision finale concernant cette affaire sera connue en septembre prochain, a rapporté ICI Lorraine (anciennement France Bleu) le mercredi 18 juin, au terme de l’audience.
Le parlementaire RN mosellan était poursuivi pour avoir tenu, le 13 octobre 2023 à Hayange, à l’occasion d’un déplacement ministériel d’Olivier Véran, les propos suivants : « Racaille, fais pas ta racaille, il va bien le Hamas ? », à l’encontre de Belkhir Belhaddad. Il était cité devant la justice notamment pour outrage à représentant d’une mission de service public, injure non publique basée sur l’origine ethnique ou religieuse, et diffamation non publique.
Discussion autour du terme « racaille »
Le procès, qui a duré environ cinq heures et s’est déroulé en présence des deux députés, a largement porté sur des considérations juridiques, dont la qualification précise des infractions reprochées et la portée des mots employés. Un point central du débat a été la signification du mot « racaille ». Selon les déclarations recueillies par ICI Lorraine, Belkhir Belhaddad s’est dit profondément blessé par ce terme, qu’il a perçu comme une insulte renvoyant à ses origines algériennes. Il a également évoqué à l’appui ses souvenirs des propos de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Pour le député messin, l’usage de ce mot par Laurent Jacobelli équivaut à un refus de reconnaître sa légitimité à représenter la République.
De son côté, le porte-parole de Marine Le Pen a nié tout caractère raciste dans ce terme : « Pour moi, ‘racaille’ désigne simplement quelqu’un qui adopte un comportement répréhensible… Ce jour-là, Belkhir Belhaddad était très nerveux, agressif, ce qui m’a poussé à réagir », a-t-il justifié. Le président du tribunal a toutefois insisté sur la charge péjorative du mot, rappelant son étymologie latine en précisant qu’il signifie « raclure », ce qui est fortement insultant. À cela, le député de la Fensch a répondu : « Je n’avais aucune intention de blesser ni de faire une allusion raciste : cela va à l’encontre de ma philosophie, monsieur le président ».
Laurent Jacobelli dénonce « un procès théâtral »
Concernant la référence au Hamas quelques jours après le massacre du 7 octobre, Laurent Jacobelli a expliqué qu’il ne cherchait pas à associer Belkhir Belhaddad à ce groupe terroriste, mais plutôt à souligner « sa proximité avec La France insoumise » et notamment la députée mosellane de l’époque, Charlotte Leduc. Me François Battle, avocat de SOS Racisme partie civile, a qualifié cette remarque d’« inacceptable ». Le porte-parole du RN a assuré que bien que ses propos aient pu être maladroits, ils n’étaient pas destinés à insulter, et qu’il avait présenté des excuses à Belkhir Belhaddad, qui les aurait refusées.
À la sortie du tribunal, Laurent Jacobelli a dénoncé un procès à connotation politique, tant de la part de son adversaire que du procureur de la République de Thionville, Brice Partouche : « Ce n’était pas un procès mais une mise en scène : chacun a interprété à sa guise ce que je pensais, m’attribuant des paroles que je n’ai jamais prononcées ». Il a également accusé le procureur d’avoir mené l’audience avec « un fort engagement politique, exprimant ouvertement son admiration envers M. Belhaddad et sa condamnation du Rassemblement national. Il a voulu faire de cette affaire un procès politique. Eh bien qu’il fasse plutôt de la politique et qu’il laisse la justice tranquille ».
La réponse ferme de l’avocat de Belkhir Belhaddad
Xavier Iochum, l’avocat de Belkhir Belhaddad, a rétorqué que le procureur de Thionville « avait estimé que des faits relevant du droit pénal étaient avérés, justifiant l’ouverture des poursuites ». Il a également critiqué l’ambivalence de l’élu RN qui, selon lui, « se présente comme sincère à l’audience, mais tient des propos contradictoires en interview : c’est un comportement totalement hypocrite ».
Par ailleurs, Xavier Iochum avait demandé 10 000 euros de dommages et intérêts pour son client. Il a déploré la modestie des réquisitions du procureur : 500 euros d’amende sans prononcer de peine d’inéligibilité, à moins d’un an des élections municipales. Le tribunal rendra sa décision le 2 septembre.