Le groupe parlementaire auparavant connu sous le nom d’Identité et Démocratie, dont faisait partie le Rassemblement National, est mis en cause pour un usage potentiellement incorrect de plus de 4,3 millions d’euros provenant des fonds européens. Cette période concernée s’étend de 2019 à 2024, d’après les conclusions d’un rapport émis par la direction générale des finances du Parlement européen.
En attendant toujours le procès en appel concernant l’affaire des assistants parlementaires européens, le parti dirigé par Marine Le Pen et Jordan Bardella est de nouveau sous le feu des critiques pour sa gestion des fonds européens. Le groupe Identité et Démocratie, qui comprenait jusqu’en 2024 le Rassemblement national (RN) ainsi que plusieurs partis alliés au niveau européen, fait face à des accusations d’irrégularités dans l’usage de ses crédits au Parlement européen. Cette révélation a été faite jeudi 3 juillet à travers une enquête conjointe diffusée par Le Monde, l’émission d’investigation allemande « Kontraste », le magazine allemand Die Zeit et l’hebdomadaire autrichien Falter.
Un rapport confidentiel émanant de la direction des affaires financières du Parlement européen, consulté par ces médias, pointe le RN et ses partenaires au sein du groupe Identité et Démocratie comme ayant possiblement « dépensé de manière inappropriée » plus de 4,3 millions d’euros sur la période législative 2019-2024. L’ensemble des partis politiques reçoit des subventions de l’Union européenne, destinées à couvrir leurs frais de fonctionnement ou à financer des initiatives en lien avec les « activités politiques de l’Union européenne », conformément au règlement. Toutefois, selon ce document, 3,6 millions d’euros de factures présenteraient des anomalies relevées par l’administration.
Passations de marchés et dons scrutés de près
Parmi les faits pointés, l’agence de communication e-Politic aurait perçu près de 1,7 million d’euros à la suite d’un appel d’offres jugé « purement formel » et affecté par de « graves manquements à la conformité », d’après les inspecteurs basés à Bruxelles. Ceux-ci concluent que « toutes ces dépenses (…) sont donc irrégulières ». Des reproches similaires ont été formulés concernant la société Unanime, qui aurait touché plus de 1,4 million d’euros pour des services d’impression, alors que ces travaux avaient été sous-traités à moindre coût, générant une marge estimée à 260 000 euros. Ces deux sociétés sont connectées à un proche de Marine Le Pen, son ancien conseiller Frédéric Chatillon, ex-membre du groupe d’extrême droite Groupe union défense (GUD), ainsi qu’à son épouse Sighild Blanc.
Le RN et ses alliés se retrouvent aussi accusés d’avoir effectué de multiples dons à des associations que le Parlement européen considère comme « sans lien » avec les activités des groupes politiques ou les missions institutionnelles. Ces actions allaient de la stérilisation d’animaux errants en Italie, à des initiatives anti-avortement en Allemagne, en passant par un soutien aux vétérans de la Légion étrangère. Au total, plus de 700 000 euros ont été distribués sur cinq années à ces organisations, souvent en lien avec des proches d’élus d’extrême droite ou localisées dans leurs circonscriptions. Par ailleurs, les dépenses engagées par deux autres partis identifiés à l’extrême droite, Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le Parti de la liberté d’Autriche (FPO), posent également question. Ainsi, quasiment 600 000 euros auraient été versés à l’hebdomadaire autrichien Zur Zeit, un média affilié au FPO, montant qui pourrait constituer une subvention déguisée.
Marine Le Pen dénonce un harcèlement de la part du Parlement européen
Philip Claeys, ancien secrétaire général du groupe Identité et Démocratie et député belge, a nié fermement auprès de Le Monde toutes les accusations, les qualifiant d’« allégations inexactes ». Il a assuré que « tous les paiements effectués durant les cinq dernières années étaient dûment facturés, justifiés et contrôlés ». De son côté, interrogée jeudi matin sur RTL, Marine Le Pen, qui ne siège plus au Parlement européen depuis 2017, a déclaré ne pas être informée des faits : « Je ne sais pas ce qu’il en est, je n’ai pas consulté ce dossier ». Toutefois, elle a ajouté qu’« il peut exister des désaccords administratifs avec le Parlement européen » et que « l’on tentera, encore une fois, de les régler ». Elle a ensuite accusé l’institution de « chercher des noises » au RN « matin, midi et soir, en toutes circonstances » et de « mener une guerre de tranchées contre son opposition depuis plusieurs années ».
Le Parlement européen avait déjà signalé au RN une mauvaise utilisation des crédits attribués à ses eurodéputés. Condamnée en première instance fin mars pour détournement de fonds publics, complicité dans ce dossier concerne 24 autres personnes mises en cause. Marine Le Pen attend désormais son procès en appel, fixé au premier semestre 2026. Contacté par 42mag.fr, le Parlement européen a jugé qu’il était « prématuré » de faire un commentaire sur ce rapport, précisant que « la procédure de clôture des comptes est encore en cours » pour la période 2019-2024.