La pétition a obtenu bien plus que les 500 000 signatures requises pour permettre la tenue d’un débat au sein de l’Assemblée. Toutefois, cette étape ne suffit pas en soi, car il est impératif que les responsables des groupes parlementaires approuvent cette initiative avant qu’elle puisse effectivement se dérouler.
Et après ? Suite au grand succès d’une pétition souhaitant revenir sur la loi Duplomb, ayant rassemblé plus de 1,2 million de signatures au 21 juillet, un nouveau débat, sans vote cette fois, devrait vraisemblablement avoir lieu concernant ce texte. En début juillet, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi agricole Duplomb-Menonville, qui comprend notamment une mesure controversée prévoyant la réintroduction conditionnelle d’un pesticide néonicotinoïde, cette mesure étant présentée comme une réponse à la colère des agriculteurs en 2024.
Toutefois, en à peine onze jours, une pétition lancée par une étudiante sur le site officiel de l’Assemblée nationale a recueilli plus de 1,2 million de signatures. Ce nombre dépasse largement le seuil des 500 000 signatures requis pour qu’un débat puisse se tenir sans vote à l’Assemblée. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a indiqué dimanche être « favorable » à un débat, mais cela n’a pas encore été officiellement décidé.
Organisation d’un débat… préalable au débat principal
En réalité, la présidente ne détient pas seule l’autorité pour organiser ce débat. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale précise que lorsqu’une pétition dépasse les 500 000 signatures, la Conférence des présidents doit décider s’il y aura un débat en séance publique, ou non.
Ce sera donc à ces responsables de trancher lors de leur réunion hebdomadaire habituelle. Si la décision d’organiser un débat est prise, celui-ci ne pourra avoir lieu qu’après la rentrée parlementaire, puisque les députés sont actuellement en congés estivaux. « Avant même le débat dans l’hémicycle, il y aura une phase de discussions en commission, vraisemblablement celle des Affaires économiques, où les députés pourront se réunir et échanger. Un rapporteur sera également désigné », a expliqué Yaël Braun-Pivet.
Cependant, un point essentiel à retenir est que ce débat ne donnera lieu à aucun vote. Sur 42mag.fr, la présidente a insisté sur le fait que ce débat « ne pourra en aucun cas remettre en cause la loi déjà votée ». Si d’autres recours existent, c’est au Conseil constitutionnel d’examiner désormais le texte et de statuer sur sa conformité. Elle a rappelé également que cette loi est « un texte majeur, adopté dans l’objectif de soutenir un certain nombre d’agriculteurs ».
Par ailleurs, Yaël Braun-Pivet a exprimé ses regrets quant au manque de véritable débat lors de l’examen de la loi début juillet dans l’hémicycle. Selon elle, l’obstruction parlementaire mise en œuvre, ainsi que les milliers d’amendements déposés par la gauche, ont empêché une discussion approfondie sur le fond de ce dossier.
Emmanuel Macron, ultime recours ?
Le débat sur la loi Duplomb est donc relancé à nouveau. À gauche, on dénonce un véritable scandale sanitaire lié à la réintroduction sous conditions du pesticide néonicotinoïde. À droite et à l’extrême droite, on critique un manque d’explications claires, accusant quelquefois la gauche de désinformer en véhiculant des informations erronées.
Comme aucun nouveau vote ne peut avoir lieu à l’Assemblée, les opposants au texte, avec les écologistes en tête, espèrent que le Conseil constitutionnel censurera la loi lorsqu’il rendra son verdict dans les semaines à venir. Par ailleurs, ils appellent le président de la République à user de son droit de ne pas promulguer la loi ou, à défaut, à demander au Parlement une seconde délibération, comme l’autorise la Constitution. Une telle décision de l’Élysée provoquerait immanquablement une crise politique majeure, particulièrement avec le groupe Les Républicains, en plein cœur de l’été.
La gauche, qui tente de se mobiliser, est accompagnée par un ancien Premier ministre de droite souvent cité pour ses ambitions présidentielles en 2027, Dominique de Villepin. Sur le réseau social X, il interpelle le chef de l’État, dénonçant une loi adoptée, selon lui, « sans réflexion ni concertation ». Du côté du gouvernement, l’entourage du Premier ministre annonce une prise de parole prochaine de François Bayrou, probablement dans le courant de la semaine.
Qu’en est-il des mesures les plus discutées du texte ?
Promue par ses partisans comme une réponse à la crise agricole de 2024, la loi Duplomb comporte plusieurs dispositions contestées, notamment concernant le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), les prérogatives des agents de l’Office français de la biodiversité, ou encore la question du stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures, notamment via les dites « mégabassines ». Ces mesures devront en tout cas être appliquées.
Reste en suspens une interrogation de taille : la France va-t-elle effectivement réintroduire l’acétamipride, ce pesticide très critiqué ? C’est probablement la mesure la plus polémique contenue dans ce texte. Cet insecticide est demandé par des producteurs de betteraves ou de noisettes, qui plaident ne pas disposer d’alternative viable pour lutter contre certains ravageurs, et dénoncent une concurrence injuste. En revanche, les apiculteurs alertent sur le danger que représente ce produit, qu’ils qualifient de « tueur d’abeilles ». Les effets sur la santé humaine suscitent aussi des inquiétudes, bien que les risques restent difficiles à évaluer, faute d’études approfondies.
Interdit en France depuis 2018, l’acétamipride cristallise les débats. « Que fait-on ? Au nom de quoi agit-on ainsi ? C’est extrêmement dangereux ce qu’on est en train de faire. C’est un enjeu de santé publique. Le nombre de cancers augmente de façon inquiétante », s’est alarmée Sandrine Rousseau sur 42mag.fr le 21 juillet. Cela étant, le lien direct entre usage de pesticides comme l’acétamipride et certains cancers n’est pas formellement établi. Il est également à noter que, parmi les 27 États membres de l’Union européenne, seule la France interdisait jusqu’à présent cet insecticide.