Jeudi, le Conseil constitutionnel a invalidé la mesure la plus litigieuse incorporée à la loi Duplomb, qui visait à autoriser, sous conditions, le réemploi d’un pesticide interdit appartenant à la famille des néonicotinoïdes, jugée contraire à la Charte de l’environnement par les magistrats.
C’est une défaite cuisante pour le gouvernement, qui, bien qu’il n’ait pas imaginé cette loi dès le départ, l’avait néanmoins soutenue. Pour l’exécutif, cette censure partielle représente non seulement une sanction sur le plan juridique — le Conseil constitutionnel jugeant que la réintroduction du pesticide contesté rendait la loi Duplomb contraire à la Constitution — mais elle constitue surtout une claque sur le plan politique.
Car, en agissant ainsi, les Sages de la rue Montpensier démontrent implicitement, sans l’énoncer explicitement, qu’en France il ne sera plus possible qu’un texte législatif fasse marche arrière en matière de protection de l’environnement. Cette censure partielle revêt une portée majeure, puisqu’elle pourrait même annoncer le début d’un moratorium total à venir sur tous les produits phytosanitaires jugés toxiques pour la biodiversité et pour la santé humaine.
Un revers qui peut se révéler utile
La démonstration la plus parlante tient au fait que, dès jeudi soir, Emmanuel Macron a indiqué son intention de promulguer le texte « dans les meilleurs délais », soit dans le délai légal de quinze jours. Or, si la réintroduction de l’acétamipride avait été une priorité réelle, le gouvernement aurait pu reprendre l’initiative en déposant lui-même un projet de loi revenant sur le même axe, en s’emparant de la proposition du sénateur Duplomb. Or il ne le fait pas, car ce texte a provoqué un profond malaise au sein même de la majorité et que l’exécutif souhaite tourner la page le plus rapidement possible.
Cette censure illustre également une nouvelle fois l’instrumentalisation du Conseil constitutionnel par l’exécutif : dans certains dossiers, comme la réforme des retraites ou la loi sur l’immigration, on introduit ce que l’on appelle des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire des mesures sans lien direct avec le texte, afin qu’ils soient invalidés par le Conseil et permettre ensuite d’affirmer : « On a tenté, mais ça n’a pas fonctionné, ce n’est pas de notre faute ».
L’environnement, une question qui mobilise fortement les Français
Au-delà de la censure partielle, l’enjeu réside aussi dans le contexte dans lequel elle s’est produite, marqué par une pétition opposée à cette loi signée par 2,1 millions de citoyens, une mobilisation extrêmement forte. Déjà en 2018, dans l’« affaire du siècle », une pétition citoyenne avait réuni 2,3 millions de signatures. À l’époque, elle soutenait des ONG qui poursuivaient l’État en justice pour « l’inaction face au climat ».
Ces deux exemples montrent qu’une grande partie des Français est extrêmement attachée à la protection de l’environnement et qu’elle demeurera vigilante sur ces questions. C’est un message clair adressé au parlement et au gouvernement.