Suite à la proposition de Vladimir Poutine visant à organiser une rencontre à Moscou avec Volodymyr Zelensky, Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste et députée européenne, a été l’invitée politique d’Antoine Comte sur 42mag.fr, le mercredi 20 août.
Dans le contexte des tensions qui subsistent entre la Russie et l’Ukraine, au moment où des propositions de rencontre émanant de Vladimir Poutine circulent et où les débats internationaux sur la sécurité européenne se poursuivent, Chloé Ridel, porte-parole du PS et députée européenne, est l’invitée politique de 42mag.fr ce mercredi 20 août pour examiner la situation et préciser la position de la France et de l’Europe face au conflit.
Ce passage est issu d’une partie de la retranscription de l’interview ci-jointe. Pour voir l’intégralité, cliquez sur la vidéo.
Antoine Comte : Pour commencer, on va revenir sur l’Ukraine, évidemment, avec ces tentatives de conclure un accord de paix et la proposition de Vladimir Poutine d’organiser une rencontre avec Volodymyr Zelensky à Moscou. Comment analysez-vous cette initiative ? Est-ce une provocation ? Un piège éventuel ? Est-ce que Zelensky a surtout raison de refuser de se déplacer en Russie, sachant que cela met en jeu sa sécurité ?
Chloé Ridel : Cette proposition de rendez-vous à Moscou illustre à mes yeux l’arrogance d’un dirigeant qui se croit tout-puissant. Et cela révèle les retombées de la politique menée par Donald Trump. Je crois que l’histoire retiendra les responsabilités qui pèsent sur lui. Il n’a posé aucune limite à Poutine, au contraire, il l’a flatté et conforté. Conséquence : les attaques contre l’Ukraine ont augmenté d’environ 65 % depuis l’élection de Trump. Aujourd’hui, Poutine va jusqu’à demander que Zelensky vienne à Moscou et envisage même que l’Ukraine cède sans discussion la Crimée et d’autres territoires qu’il a annexés par la force. C’est, à mes yeux, une catastrophe pour la sécurité de notre continent. On voit se renforcer la logique impériale de Poutine. Au Parti socialiste, nous affirmons depuis longtemps que céder face à ce genre de tyran n’arrange rien et n’arrête pas la guerre, bien au contraire. Il faut poser des limites, c’est indispensable. Je note toutefois les efforts des Européens pour rester à la table des discussions.
Antoine Comte : Vous approuvez les efforts et la ligne d’action d’Emmanuel Macron ?
Chloé Ridel : Oui, parce que je pense que le président agit en conformité avec son rôle. Ils se sont rendus à Washington, ils coordonnent les Européens, ils montrent leur présence et leur volonté d’être entendus. L’enjeu aujourd’hui est double : d’une part renforcer les capacités militaires de l’Ukraine — c’est une façon de mettre des limites à Poutine — et d’autre part progresser sur le volet des garanties de sécurité pour l’Ukraine, en incluant les États-Unis. Sans cela, Poutine ne prendra pas les Européens au sérieux. Les Européens doivent continuer à élever leur niveau d’action afin de ne pas laisser libre cours à ces deux autocrates.
Antoine Comte : Il faut bien que les deux dirigeants, néanmoins, se rencontrent : Poutine et Zelensky. Pour quel objectif ? Que dire ? Pensez-vous qu’ils ne doivent pas se rencontrer ? Pensez-vous qu’il faille une rencontre à quatre, avec Trump, Poutine, Zelensky et les Européens ?
Chloé Ridel : Cette décision sera prise par Zelensky et par les Ukrainiens, mais aussi par les Européens. L’urgence actuelle consiste à renforcer l’Ukraine et à soutenir Zelensky face à Poutine, qui dispose d’un point de vue agressif renforcé par le soutien de Trump. C’est la meilleure manière de limiter les ambitions impériales de Moscou. Pour mémoire, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’était rendu à Washington la semaine passée avec un tee-shirt arborant « URSS ».
Antoine Comte : Donc, il s’agit d’une provocation supplémentaire. À propos du lieu : si une rencontre entre Poutine et Zelensky venait à avoir lieu, faut-il que ce soit en Europe ? Par exemple en Suisse — pays neutre — qui propose de lever partiellement l’immunité contre Vladimir Poutine malgré le mandat de la Cour pénale internationale. Est-ce que cela vous choque que la Suisse envisage de l’accueillir ?
Chloé Ridel : À terme, une rencontre devra bien se dérouler et être organisée par un État qui l’accueillera. Je préfère que ce soit la Suisse plutôt que la Biélorussie, ou même la Chine, dans ce cadre.
Antoine Comte : Mais ne serait-il pas pertinent, lors de sa visite en territoire européen, d’interpeller Poutine physiquement ?
Chloé Ridel : La Suisse est un État souverain et on ne peut rien imposer qui sorte de sa compétence. Quant à Poutine, il n’ira sans doute jamais dans un pays européen où il pourrait être exposé à des risques d’arrestation.
Affaires nationales et budget
Antoine Comte : Nous évoquions le chef de l’État, le président français Emmanuel Macron. Passons à la dimension nationale. Il a donné une interview à Paris Match hier dans laquelle il affirme ne pas vouloir dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale et, je cite : « C’est aux responsables politiques de savoir travailler ensemble ». Autrement dit, est-ce une façon de dire que c’est votre faute ?
Chloé Ridel : Cela reviendrait à dire que tout dérapage serait de notre responsabilité… Pour accepter un budget qui continue de faire payer davantage les Français qui travaillent, les dépendants du travail et les classes moyennes, sans exiger d’efforts supplémentaires des plus riches. Or la France affiche un déficit attribué à la politique menée par Emmanuel Macron — au point que nous empruntons aujourd’hui sur les marchés à des taux plus élevés que ceux de l’Italie. Évidemment, nous ne pouvons pas approuver une telle politique telle quelle. Ce ne sont pas les menaces du président qui nous feront changer d’avis. Nous contesterons le budget à l’automne, proposerons des contre-propositions et attendrons les réactions du gouvernement. Mais, tel quel, cette proposition appelle à une motion de censure.