Le 28 août, Philippe Étienne, ancien ambassadeur de la France près des États-Unis, était invité sur 42mag.fr dans l’émission Autrement dit. Durant l’échange, il a évoqué le contexte en Ukraine et discuté de la légitimité de Volodymyr Zelensky à diriger le pays en temps de guerre.
Ce passage provient d’une transcription partielle de l’entretien évoqué ci-dessus. Pour le visionner dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Gilles Bornstein : Guerre et démocratie ne se conjuguent pas toujours harmonieusement. On peut comprendre l’absence d’élections en période de conflit, mais tout de même : Volodymyr Zelensky peut-il demeurer à la tête de son pays sans que ses citoyens aient leur mot à dire ?
Philippe Étienne : Selon moi, cette accusation d’illégitimité mérite d’être envisagée sous un autre angle. Vladimir Poutine dirige-t-il une démocratie irréprochable ? Ce n’est pas un concours entre tyrans, certes, mais il faut se rappeler l’enjeu pour l’avenir de la démocratie. L’attaque russe vise précisément à empêcher le peuple ukrainien de décider de son destin. Bien sûr, il n’est pas envisageable d’organiser des élections immédiatement, notamment parce que des morceaux du territoire restent sous occupation. En réalité, c’est exactement l’inverse : ce que les Ukrainiens défendent aujourd’hui, ce sont les valeurs démocratiques.
Gilles Bornstein : Connaissant l’environnement dans lequel il évolue, estimez-vous alors qu’il n’y a rien à reprocher à la démocratie ukrainienne ?
Philippe Étienne : Il n’existe pas de démocratie parfaite. La corruption demeure un problème réel. Mais encore une fois, ce n’est évidemment pas au régime russe d’apprendre à donner des leçons. La corruption a toujours été un enjeu majeur en Ukraine, et son affrontement conditionne même le processus d’adhésion à l’Union européenne. Récemment, on a vu un exemple probant de la vitalité démocratique ukrainienne : une loi visant à limiter l’indépendance des organes anti-corruption a été adoptée par le Parlement et signée par le président Zelensky. Après des manifestations dans la rue, le chef de l’État a finalement retiré ce texte. N’est-ce pas là une démonstration éclatante de la démocratie, pas seulement au niveau parlementaire, mais aussi populaire, en Ukraine ?
Camille Girerd : Quel regard portez-vous aussi sur La France insoumise, qui critique Volodymyr Zelensky en accusant la démocratie ukrainienne de dysfonctionner ?
Philippe Étienne : Cela s’inscrit, à mes yeux, dans un débat plus vaste sur le soutien à l’Ukraine. Ce soutien fait l’objet de discussions à travers l’Europe, où les formations situées aux extrêmes, tant à droite qu’à gauche et souvent souverainistes qui hésitent à l’étendre, notamment sur le plan militaire, interviennent. Je n’ignore pas exactement ce que les dirigeants de La France insoumise veulent dire, mais il me semble que cette critique révèle une préoccupation liée à l’aide apportée.