En tant qu’invitée politique de La Matinale week-end, lors de l’édition du samedi 27 septembre, Agnès Evren, sénatrice LR de Paris, a exprimé sa réaction face à l’interview du Premier ministre Sébastien Lecornu accordée à nos confrères du Parisien.
Pour Agnès Evren, sénatrice des Républicains pour Paris, cette réaction porte sur l’entretien accordé par le Premier ministre Sébastien Lecornu à nos confrères du Parisien. Dans cet échange, il est question d’un désir de rompre avec les pratiques des gouvernements qui l’ont précédé. Lors de La Matinale du samedi 27 septembre, elle estime que l’ancien ministre des Armées poursuit, en réalité, une approche du « en même temps ». Elle pointe, comme illustrations, les débats autour des impôts, son éventuel rapprochement avec le Parti Socialiste tout en fermant la porte à l’ISF et à la Taxe Zucman.
Ce texte représente une portion de la transcription de l’entretien évoqué ci-dessus. Pour le visionner dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Le Premier ministre s’est exprimé dans Le Parisien. Il était temps, non ?
Oui, il était temps. Sa méthode consistait, bien sûr, à consulter, mais j’ai lu avec une grande attention cet entretien. Le Premier ministre avait promis une rupture tant sur le fond que sur la forme. À mes yeux, ce document illustre parfaitement cette logique du « en même temps » et une certaine flexibilité dans le discours, car, d’un côté, il annonce une hausse pour certains impôts et une baisse pour d’autres. Il évoque également un rapprochement éventuel avec le PS. Concrètement, qu’est-ce que cela implique ? Il affirme qu’il écartera l’ISF et la taxe Zucman — ce qui, dans le contexte, apparaît comme le minimum attendu — mais cela ne m’apaise pas pour autant. L’idée d’un éventuel rapprochement avec le PS me préoccupe.
On lit qu’il ferme toutes les portes, en particulier en ce qui concerne la taxe Zucman, l’ISF, et une suspension des retraites.
En même temps, il affirme vouloir nouer des liens avec le Parti socialiste. Donc, concrètement, que signifie ce message ? Pour nous, les Républicains, les choses sont claires. Nous avons l’intention de présenter une feuille de route, un contrat de gouvernement, avec des mesures précises sur le régalien et sur les enjeux économiques. Premièrement, nous estimerions que le travail n’est pas suffisamment rémunéré et qu’il faut récompenser le travail plutôt que l’assistanat: cela passe d’abord par rapprocher le salaire net du salaire brut en allégeant les cotisations salariales. Deuxièmement, la dispersion actuelle des aides sociales doit être rationalisée: nous proposons une allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du SMIC, afin de faire en sorte que les revenus tirés de l’assistance restent inférieurs à ceux tirés du travail. Ensuite, des mesures relatives au régalien, à la sécurité et à l’immigration doivent être mises en œuvre: renforcer les sanctions, car bon nombre de Français ressentent aujourd’hui une impunité croissante, et prévoir des peines minimales dès le premier délit, le Code pénal prévoyant des peines maximales sans minimum. Enfin, il faut que l’État soit exemplaire et qu’il réduise ses dépenses de fonctionnement.
Alors, à propos des 6 milliards d’euros qui manqueraient dans le budget de l’État, comment les trouver ?
Excellente question. Nous avons des propositions. Le Sénat, par exemple, a mené des travaux avec Mathieu Darno sur une commission d’enquête relative aux agences de l’État. Ces agences se sont multipliées ces dernières années et cela représente près de 80 milliards d’euros, multipliés par deux en dix ans, et elles bénéficient d’un degré d’autonomie qui peut sembler démesuré. Par exemple, faut-il encore financer une agence chargée de sensibiliser les jeunes à l’alimentation biologique ? Cette dépense serait de 3 millions d’euros et pourrait être supprimée.
Et donc, est-ce que les 6 milliards pourraient vraiment être dégagés facilement au cours de l’année ?
C’est là que mon étonnement revient: concrètement, quelles propositions permettraient de relancer l’investissement, l’activité et les embauches ? À ce stade, rien de tel n’a été avancé.
Ce qu’il affirme, c’est que le Parlement aura la main. Il déclare: « Je suis sous tutelle du Parlement. » Cela signifie-t-il que le Sénat pourra écrire le budget ? Est-ce que ce budget d’abord serait le vôtre, celui de la droite, qui sortirait du Sénat ?
Il a la lucidité de reconnaître qu’il s’agit d’un système de démocratie parlementaire et que ce sont les parlementaires qui auront le dernier mot. Nous jouerons notre rôle sur plusieurs axes: obtenir cette allocation sociale unique, travailler sur la mise en place d’un cadre qui valorise réellement le travail et réduire le train de vie de l’État, notamment le nombre de fonctionnaires.
3 000 fonctionnaires en moins, c’était une annonce de François Bayrou. Le cap budgétaire est-il rassurant pour vous avec un déficit à −3 % en 2029, et sans augmentation d’impôts tout en préconisant des économies ? Cela envoie-t-il des signaux positifs à la droite ?
Fort heureusement, il indique que certains impôts augmenteraient tandis que d’autres diminueraient. Dans ma circonscription du 15e arrondissement, personne ne m’a jamais demandé d’augmenter les impôts. Nous sommes leaders mondiaux en matière de prélèvements obligatoires, et nous dépensons énormément (près de 58 % du PIB), mais les résultats en matière de santé et d’éducation se dégradent. Cette situation nourrit une révolte fiscale légitime des Français qui estiment ne pas en avoir pour leur argent. Notre ligne directrice est simple: pas d’augmentation d’impôts et une priorité à la réduction des dépenses publiques, car cela fait des décennies que les gouvernements se révèlent trop frileux sur les coupes budgétaires, et cela ne concerne pas uniquement la droite. Aujourd’hui, l’État doit mettre sa ceinture et cesser d’alourdir le fardeau des Français qui se débattent avec une fiscalité écrasante.
Vous n’êtes pas déconnectée de la réalité des gens ? Vous entendez tout de même ce débat sur la justice sociale et fiscale. N’est-il pas nécessaire de taxer davantage les plus aisés ou les patrimoines importants ?
Je ne constate pas, chez les électeurs, une demande pour une hausse des impôts. En revanche, le souci de justice fiscale est crucial. Je ne suis pas prête à diaboliser les riches comme bouc émissaire: ils financent en partie notre modèle social et créent la valeur et la richesse. Bien sûr, on peut agir contre les abus et les fraudes pour limiter l’optimisation fiscale, mais sans sacrifier la compétitivité. C’est l’objectif qui me semble indispensable aujourd’hui.
Alors, l’absence de gouvernement vous inquiète-t-elle ?
Malheureusement, j’ai bien peur que tout le monde semble indifférent. Quand il n’y a pas de gouvernement, on constate que l’urgence reste de faire adopter un budget, car c’est ce document qui finance les politiques publiques liées à la santé, à l’éducation et à l’écologie.
La droite ne souhaite-t-elle pas obtenir une place au gouvernement ? Cela ne vous importe pas ?
Ce que je veux dire, c’est que nous ne devrions pas nous focaliser sur les personnes ou les étiquettes: combien de droite ou de macronistes. L’enjeu est ailleurs. La situation du pays est tellement grave que peu importe qui dirige, il faut s’interroger sur le « quoi faire » et sur la manière de sortir la France de la spirale actuelle du déclin. Notre pays est désormais déclassé en Europe, et l’Europe fait face à une situation critique face à la Chine et aux États-Unis. Nous ne pouvons plus rester le mauvais élève de l’Union européenne. Or, en ce qui concerne le budget, je ne peux pas vous mentir: le « en même temps » ne fonctionne pas. On ne peut pas gouverner dans ces conditions sans majorité.
Mais oui, il n’y a pas de majorité.
C’est le cœur du problème, et malheureusement, nous ne sommes pas responsables de cette situation. J’aimerais toutefois penser à autre chose: peut-être faudrait-il envisager une dissolution ? Non, je n’y crois pas, car la société est aujourd’hui divisée et l’Assemblée reflète cette fracture avec une triple division. Cela dit, incontestablement, ce budget ne sera ni celui de Lecornu ni celui de Retailleau ni celui d’Olivier Faure. Il appartiendra à la France. Il faut que nous parvenions à des compromis. Mais c’est extrêmement difficile d’avancer vers des alliances qui vont à l’encontre: certains veulent réduire les dépenses publiques, alors que d’autres plaident pour augmenter les impôts sur les entreprises, les patrimoines et les Français eux-mêmes.