Ce vendredi, Emmanuel Macron a de nouveau nommé Sébastien Lecornu pour occuper le poste à Matignon, lui confiant la tâche d’organiser le gouvernement et d’élaborer le budget de la France.
Un Premier ministre qui présente sa démission lundi, puis qui est reconduit vendredi 10 octobre, en soirée. Le retour de Sébastien Lecornu à Matignon apporte un nouveau chapitre à une semaine marquée par la crise politique, riche en rebondissements et en spéculations. Franceinfo retrace les grands épisodes de ce feuilleton.
Dimanche, 19h30 : aussitôt annoncé, le gouvernement Lecornu vole en éclats
À l’orée d’un week-end d’automne, Emmanuel Moulin, secrétaire général de la présidence de la République, sort sur le perron de l’Élysée et égrène les noms des 18 ministres qui composent l’équipe dirigée par Lecornu. Il croit alors refermer une parenthèse ouverte trois semaines plus tôt lorsque le nouvel occupant de Matignon avait promis de prendre le temps de consulter les partenaires sociaux et les responsables politiques avant de former son cabinet. En réalité, il ouvre le chapitre d’une nouvelle crise.
Devant la télévision, une voix réagit vivement à la composition dévoilée. C’est Bruno Retailleau, réélu à la tête du ministère de l’Intérieur, qui découvre la seule vraie surprise du jour : le retour de Bruno Le Maire au poste de ministre des Armées. Alors que le président des Républicains avait rencontré Lecornu dans l’après-midi, le Premier ministre n’a pas évoqué cette nomination lors de son annonce. Retailleau se dit trahi et réagit brièvement par un tweet peu apprécié peu après 21 h :
Le cœur du dispositif est pris d’alarme, et les oppositions moquent un exécutif « qui reprend les mêmes et les remet sur le métier ». En soirée, un premier Conseil des ministres est programmé pour le lendemain à 16 heures.
Lundi, 8h40 : Sébastien Lecornu démissionne
Le Premier ministre se présente dans la cour de l’hôtel Matignon, un timing inhabituel pour prononcer une allocution officielle. Le visage sérieux, la ride du lion accentuée, il annonce sa démission, expliquant que « les conditions ne sont plus réunies ». Il poursuit en précisant que « la composition du gouvernement au sein du socle commun n’a pas été fluide et a réveillé certains appétits partisans. Mais il faut toujours placer l’intérêt du pays au-dessus de son parti ». Peu après, le Conseil des ministres prévu dans l’après-midi est annulé.
La démission de Lecornu fait entrer le pays dans une phase de turbulences sans précédent: l’ancien ministre des Armées bat tous les records en matière de délai pour former un gouvernement – 26 jours – et le mini-gouvernement qui aurait dû durer 14 heures devient le plus éphémère de la Ve République. La stupeur est générale dans les rangs politiques.
Lundi, 18 heures : Emmanuel Macron confie à Sébastien Lecornu une mission de la dernière chance
Jusqu’ici silencieux, le président prend la parole par le biais d’un communiqué diffusé vers 18 h. « Le président de la République a confié à Monsieur Sébastien Lecornu, Premier ministre démissionnaire en charge des affaires courantes, la mission de mener, d’ici mercredi soir, d’ultimes négociations afin de définir une plateforme d’action et de stabilité pour le pays », lit-on dans le message de l’Élysée. Dans un tweet, Lecornu confirme avoir accepté cette mission. Le retour dans sa ville de Vernon, dans l’Eure, n’est plus d’actualité. L’entourage du chef de l’État fait savoir que « il saura prendre ses responsabilités en cas d’échec », signifiant implicitement une dissolution possible si les partis ne s’accordent pas. De leur côté, les insoumis annoncent une procédure de destitution contre le président, tandis que Marine Le Pen appelle à la dissolution ou à la démission d’Emmanuel Macron dans une vidéo publiée sur son compte X.
Mardi, 7h45 : Edouard Philippe lâche Emmanuel Macron, le bloc central se déchire
Des frictions s’installent entre amis autour d’un café croissant. Invité sur RTL, Édouard Philippe prend ses distances avec le chef de l’État. Le député Havrais appelle à « organiser une présidentielle anticipée après l’adoption d’un budget » et affirme que, face à une atteinte grave à l’autorité de l’État, il appartient à celui qui occupe la fonction supérieure de décider « de garantir la continuité des institutions de manière ordonnée ». En soirée, Gabriel Attal, invité du 20 heures sur TF1, dépose une note personnelle sur la distance qui se creuse au sein de la Macronie. « Comme beaucoup de Français, je ne comprends plus le chef de l’État », affirme le porte-parole du gouvernement, qui déplore ce qu’il perçoit comme une impression persistante d’un pouvoir muselé. Certains élus comparent la scène à des querelles de famille, citant même le film Festen pour décrire ces échanges qui se terminent mal et qui désarment les soutiens les plus proches.
Mardi, 20 heures : Elisabeth Borne propose une suspension de la réforme des retraites
Au moment des journaux télévisés, une alerte du Parisien circule sur les smartphones des acteurs politiques: Elisabeth Borne, ancienne Première ministre, propose de mettre en suspens la réforme des retraites. « Si cela contribue à la stabilité du pays, il faut étudier les modalités et les effets concrets d’une suspension temporaire jusqu’au débat qui aura lieu lors des prochaines échéances électorales », déclare-t-elle. Cette initiative, jamais précédée d’une consultation officielle, apparaît comme un signe en direction du PS, qui réclame une suspension afin d’éviter une censure. La gauche multiplie les réunions bilatérales, mais les socialistes refusent de s’associer avec les insoumis, offrant une sorte de caution aux macronistes. L’idée d’un Premier ministre issu de la gauche gagne en vigueur: serait-ce une solution de cohabitation, comme le réclame Olivier Faure, ou un pacte de non-censure dans le cadre du bloc central ? La question reste en suspens. Dans la foulée de ces discussions, Lecornu doit rencontrer les chefs du NFP (ancien Nouveau Front populaire) tout au long de la journée du mercredi.
Mercredi, 20 heures : Sébastien Lecornu face à Léa Salamé
Le générique du journal de 20 h sur France 2 résonne. Deux fois le suspense: que dira Lecornu, invité exceptionnel du journal télévisé ? Il demeure prudent et n’entre pas dans le rôle du président sur le choix du prochain Premier ministre, mais livre quelques indices: « il existe une majorité absolue à l’Assemblée qui refuse une nouvelle dissolution », affirme-t-il.
Jeudi : l’hypothèse Lecornu à Matignon reprend de l’épaisseur
Sébastien Lecornu devient la nouvelle vedette des plateaux. À 9 h, les audiences du JT de France 2 dévoilent près de sept millions de téléspectateurs pour la prestation du Premier ministre démissionnaire. Dans le camp présidentiel, les appréciations vont de « excellentissime » à « très bon et très humble ». Des parlementaires du groupe Ensemble pour la République plaisantent en disant qu’on « a besoin de plus de Lecornu et moins de candidats à la présidentielle ». Dans les réseaux de camarades socialistes, certains plaisantent aussi : « Dommage, il aurait fait un bon Premier ministre ». Le traitement médiatique et les échanges internes dessinent une possible reconduction, sans exclure d’autres scénarios. Un correspondant évoque qu’il n’a pas attaqué personne et que, compte tenu des négociations menées, il serait logique que ce soit lui qui mette en œuvre les accords trouvés. D’autres évoquent l’idée d’un cabinet plus restreint et technique, mais l’éventualité d’un team gouvernemental composé de hauts fonctionnaires, diplomates expérimentés ou universitaires reste controversée et peut susciter des réticences dans les rangs politiques. Certains déplorent l’idée d’un gouvernement purement technique qui ne reflèterait pas la volonté du peuple; d’autres craignent une surreprésentation du président dans les postes clés, au détriment du parlement et de la représentation démocratique.
Vendredi, 22 heures : Sébastien Lecornu est à nouveau nommé Premier ministre
Dans la nuit qui précède vendredi, un message circule dans les boîtes mail des responsables de partis et des présidents de groupes parlementaires: une communication émanant de l’Élysée les invite à une réunion avec Emmanuel Macron à 14h30. Le RN et la LFI ne sont pas conviés, ces formations réclamant soit la dissolution du pouvoir, soit la démission du président.
Le rendez-vous dure environ deux heures et demie. Selon Guillaume Lacroix, président du Parti radical de gauche, « tout s’est déroulé dans la transparence, entre adultes ». Les représentants de la gauche apparaissent plus déçus que convaincus: « On comprend qu’il n’y aura pas de Premier ministre issu du parti socialiste ou des écologistes », déplore Marine Tondelier, porte-parole des Écologistes. Olivier Faure, chef du PS, avertit que le PS « censurera immédiatement s’il n’y a pas de suspension de la réforme des retraites ». Du côté d’E Macron, les proches affirment que ce rendez-vous a permis de montrer « qu’un chemin possible » existe pour « tisser des compromis et éviter la dissolution ».
À 22 heures, le suspense se dissipe: Sébastien Lecornu est reconduit à Matignon, quatre jours après sa démission. « Le président de la République a nommé monsieur Sébastien Lecornu Premier ministre, et l’a chargé de former un cabinet », indique l’Élysée dans un communiqué sec. Lecornu accepte cette mission « par devoir ». Reste toutefois inchangée l’équation centrale: éviter une censure, sans qu’aucune certitude nouvelle ne vienne remplacer les doutes qui persistaient dimanche.







