Les délégations des deux chambres n’ont pas réussi, vendredi matin, à s’entendre sur un texte commun du projet de loi de finances pour 2026, lors de la commission mixte paritaire. Le gouvernement doit déposer une loi spéciale pour remédier à l’absence de budget au 1er janvier.
Pas d’indication d’un accord consensuel à l’issue de la séance de la commission mixte paritaire (CMP) réunissant députés et sénateurs, ce vendredi 19 décembre, au sujet du projet de loi de finances pour 2026. « On a tout fait pour que ce soit possible », soufflait une source gouvernementale à 42mag.fr. Philippe Juvin (LR), rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, a déclaré « prendre acte de l’absence d’accord sur une rédaction commune (…) qui pourrait être adoptée dans les mêmes termes par les deux chambres, dans les délais impartis. En conséquence, la CMP réunie aujourd’hui n’est pas concluante », a-t-il précisé dans un communiqué, communiqué confirmé par plusieurs sources parlementaires interrogées par 42mag.fr.
Cet échec ne surprenait pas, au regard des clivages marqués entre le texte adopté au Sénat, dominé par une alliance entre le centre et la droite, et les attentes du Parti socialiste (PS) qui ne souhaitait pas voter contre le texte, condition jugée indispensable (mais non suffisante) pour éviter un rejet. Le gouvernement anticipait aussi une issue défavorable à la CMP. Dans un message publié sur X, Sébastien Lecornu a reconnu cette éventualité, écrivant « en l’absence de volonté d’aboutir de certains parlementaires, comme nous pouvions le craindre malheureusement depuis quelques jours ».
À 42mag.fr, l’entourage du Premier ministre est allé plus loin et a pointé « l’intransigeance de quelques sénateurs LR », remarque reprise par les socialistes qui estiment que « la droite sénatoriale a, dès le départ, écarté toute possibilité de compromis sur le budget de l’État ». Olivier Faure, le dirigeant du PS, l’a affirmé sur X : « La position ferme de la droite sénatoriale ne date pas d’aujourd’hui, mais elle s’est durcie à l’approche de la CMP », assure un ministre, rappelant les échanges houleux lors des questions au gouvernement au Sénat mercredi.
Des négociations ou une « colonie de vacances » ?
Au lendemain de l’échec des discussions, Sébastien Lecornu a repris les manettes. Il prévoit de rencontrer, à partir de lundi, les principaux responsables politiques pour les consulter sur la marche à suivre afin de protéger les Français et de trouver les conditions d’une solution. Son entourage précise qu’il s’attachera à construire lui-même le compromis que la CMP aurait pu forger entre les forces représentées. Ces pourparlers s’annoncent ardents, surtout avec les sénateurs, irrités par les récentes déclarations du gouvernement à leur égard. « C’est le bal des hypocrites depuis le début », fulmine un sénateur de droite influent, appelant à mettre fin à ce que, selon lui, serait une « colonie de vacances » pilotée selon lui par le Premier ministre.
En parallèle, un projet de loi spéciale va être présenté et soumis à l’examen du Parlement, selon le même schéma qu’en fin 2024. Il est destiné à assurer la continuité de l’État en l’absence de budget, notamment par la levée des prélèvements et la reconduction des dépenses publiques votées en 2025.
L’exécutif s’est déjà préparé à cette éventualité. L’entourage du chef du gouvernement indiquait à 42mag.fr, jeudi, qu’il envisageait cette loi spéciale en cas d’échec de la CMP. « Je suis dans le ‘quoi qu’il arrive’, donc évidemment, avec les équipes qui me côtoient, on a prêté une ébauche au cas où un texte… », avait aussi déclaré Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, sur TF1, vendredi matin. « Le Conseil d’État va être saisi d’un projet de loi spéciale », a confirmé l’entourage du Premier ministre à 42mag.fr en milieu de matinée.
Le projet de loi spéciale examiné dans les prochains jours
Le passage par le Conseil d’État n’est pas l’unique étape du processus pour ce texte particulier. Il faudra ensuite qu’Emmanuel Macron réunisse un Conseil des ministres, prévu lundi soir, à son retour des Émirats Arabes Unis. Étant donné qu’il est traité en procédure accélérée, le texte sera d’abord scruté en commission puis en séance publique immédiatement après.
Les parlementaires auront l’opportunité de déposer et de voter, le cas échéant, des amendements en vue d’affiner le texte initial, qui demeure assez succinct par rapport au budget 2026. En fin 2024, les socialistes avaient réussi à faire adopter un amendement visant à « inscrire au sein de ce texte les prélèvements sur les recettes de l’État destinés aux collectivités locales », mais il s’agissait davantage d’un ajustement que d’un choix politique véritable.
Un budget plus favorable aux socialistes ?
Dans la loi spéciale promulguée pour l’année 2025, quatre articles autorisaient la perception des impôts existants et le recours à l’emprunt jusqu’à l’adoption des textes. Le Parlement ayant déjà adopté le PLF pour 2026, seul le PLF est concerné pour cette loi spéciale. « D’ici mardi, ce sera bouclé », assure le parlementaire cité plus haut. Cependant, il faut noter que la loi spéciale n’est qu’un mode de répit et non une substitution au budget. « À partir du 1er janvier, tous les investissements seront gelés », explique un ministre à 42mag.fr. « Toutes les dotations de l’État versées aux collectivités seront suspendues, ce qui ralentit les projets. L’impact est réel sur l’économie. »
Les parlementaires ne font donc pas encore le tour du budget 2026. « Cette loi ne remplace pas le budget », précise d’ailleurs le site du ministère de l’Économie. Dès le début de l’année 2026, les discussions budgétaires devront reprendre à l’Assemblée nationale et au Sénat. Un PLF approuvé à l’issue de ces discussions dépendra d’un nouvel accord, ce qui demeure incertain. Un participant à la concertation évoque une crainte de nouveau durcissement des positions. « On n’était pas loin d’un accord, il aurait fallu une semaine de plus », regrettait-il.
« Dans la précipitation, les uns et les autres ont bougé, est-ce que ce sera le cas en janvier ? »
— Intervenant lors de la CMP, cité par 42mag.fr.
De son côté, un député influent du groupe Ensemble pour la République (anciennement Renaissance) anticipe déjà ce qu’il voit comme une concession importante du Premier ministre en direction des socialistes, afin de limiter le risque d’une motion de censure. Cette motion pourrait être déposée si l’article 49.3 était déclenché pour adopter le texte sans vote. Jusqu’ici, Sébastien Lecornu a écarté l’usage du 49.3. « L’exigence a été posée à ce gouvernement de ne pas recourir au 49.3 », commente un ministre. « Le Premier ministre décide, mais pour l’instant, je ne vois pas pourquoi il y en aurait un. Nous devons trouver une voie ». Du côté du PS, certains cadres envisagent cette éventualité sans la rejeter catégoriquement, tout en précisant qu’elle ne serait pas automatiquement sollicitée. « On ne va pas la réclamer, mais on ne censurera pas automatiquement si Sébastien Lecornu y recourt », confiait jeudi à 42mag.fr un socialiste de premier plan.







