Sourire de traitre. « Il est très bon votre couscous Madame » ; Jean-François Copé est le premier invité politique du dernier crime télévisuel de France 4, Viens dîner dans ma cité. L’émission, tournée le 1er octobre dans l’appartement d’une militante associative de Clichy-sous-Bois, sur une idée de Djamel Bensalah, réunissait également Lorànt Deutsch, l’humoriste Alban Ivanov, le réalisateur du film Les Kaïra, Franck Gastambide, Kamel le Magicien et, last but not least, Felix Marquardt.
France 4, vous connaissez ? Un clone mal démoulé de Canal+, imaginé par le service public pour concurrencer la chaîne privée sur le créneau « jeune con parisien » qui aime le LOL, le rap, mais ne crache pas sur un CDI dans un cabinet d’analyse financière. Sur le dispositif, figurez-vous un 93 Rue Saint-Honoré , mais dans le 93, et sans Thierry Ardisson. Et réalisé par un peintre en bâtiment. À moins que les caméras installées sur la table ne soient un mauvais coup joué par le réalisateur, tant elles soulignent la gueule carnassière de nos deux intrus : Copé et Marquardt.
Jean-François copain
On s’étonnera sans doute de retrouver Jean-François Copé pareillement entouré. On aura tort. Felix Marquardt, qui reçoit chez lui à renfort de grands crus et de petites poufs le Tout-Paris traître et libéral, est là, qui veille. Il veille à la jonction entre une élite extravertie, les yeux tournés vers New York, Bruxelles et Shanghai, et une jeunesse déracinée, assommée de slogans publicitaires et d’ennui, dans ces barres HLM qui écrasent tout espoir de leurs murs crasseux. Il fait cela aux dîners de l’Atlantique, avec Claude Guéant en caution ENA, et dans les pages de Libé, avec Mouloud Achour et Mokless, en caution street. Le sympathique bonhomme donne du « khouya » lorsqu’il laisse un commentaire sous un article. Si, là. Il fait donc cela sur France 4, aussi ; réunir le contre-révolutionnaire Copé et le petit peuple des HLM. Dur de regarder cette brave femme recevoir JFC, avec le plus de correction possible… L’autre de ne pas toucher son plat, hygiéniste comme un officier nazi, double comme un agent de la Stasi.
Ces jeunes noirs et maghrébins qui « squattent les halls », écoutent du rap qui « nique la France », insultent les blanches – les violent.
L’ami de Meaux vient de publier Manifeste pour une droite décomplexée. Selon l’animateur, il a fait « un énorme coup » avec le « racisme anti-Blancs ». Ambiance détendue. « C’est un livre qui parle de tolérance », ose même JFC, à l’aise. « Et vous, comment êtes vous devenu mu… euh… magicien ? », lance-t-il à Kamel le Magicien… Un peu trop à l’aise, Jean-François, pour le coup. Moment de flottement, gêne : vérité. L’homme est obsédé par l’Islam. Il est pourtant sincère, lorsqu’il affirme être l’ennemi du FN : en tout cas, il est l’ennemi de son électorat. Car il est l’ennemi du peuple, en général. « Les racismes, il faut les dénoncer tous », affirme Copé, conciliant. Comme les catégories populaires, si vous n’aviez pas compris : il faut les dénoncer toutes. Dire cela, est-ce nier les tensions identitaires ? Non. Simplement, la lutte des races fait le jeu des élites.
A droite comme à gauche, les discours identitaires, communautaires, visent à diviser les couches populaires et à faire voter les pauvres pour des politiques antisociales. Que l’on ne s’étonne plus de voir les blancs pauvres du sud des États-Unis voter pour des conservateurs voulant abolir le peu qu’il reste de protection sociale : c’est l’avenir que Copé réserve à l’électorat périurbain. Que l’on ne s’étonne pas non plus de voir les quartiers noirs de Jackson, dans le Mississipi, dont certains habitants n’ont ni électricité ni eau courante, voter avec enthousiasme pour l’administration Obama, qui pourtant n’a rien résolu, c’est l’avenir que Terra Nova réserve au 93… L’immigration de masse pose le décor de la guerre des pauvres : avec l’identité nationale ou le vote des étrangers, l’UMP et le PS allument la mèche.
Inutile de désespérer, en politique, il n’y a pas de fatalité : comme le souligne Emmanuel Todd, «la France reste forte sur ses fondamentaux». Malgré les coupes dans l’éducation, malgré la trahison des élites, la France continue d’assimiler, à «faire France de tout bois», selon la jolie formule de Jean-Luc Mélenchon. Simplement, le peuple ne croit plus à la lutte des classes ; les libéraux si. Et pour cause : ils l’ont gagnée.
Dealeurs islamistes et bidochons nazis
Tous des Anders Brevik ou des Mohammed Merah. Tous racistes, blancs, noirs, arabes : tous, on vous dit. Heureusement que les élites, éduquées, européistes et compatissantes, savent faire la différence entre une fourchette à poisson et une pelle à tarte. Nos belles personnes veillent au grain. « Diviser pour mieux régner ».
Les petits Blancs pauvres : envieux, minables, consanguins presque, des populistes qui n’en veulent qu’à l’argent des riches ; à leur réussite.
Ce travail de décrédibilisation du peuple est fondamental pour quiconque veut en finir avec la démocratie. Dans cette lutte, les télévisions font le boulot. Sur TF1, on a peur des Arabes et des Noirs : c’est pas pareil que nous, c’est bête et ça sent mauvais. Même que ça vole des mobylettes – selon Hortefeux – et des prestations sociales – selon Laurent Wauquiez. Des « dealeurs islamistes » qui « squattent les halls », écoutent du rap qui « nique la France », insultent les blanches – les violent. Pire, ils empêcheraient les « petits blancs » de manger leur pains au chocolat pendant le ramadan. Ce ne seraient pas les copains qataris de la précédente majorité qui feraient cela. Sur TF1, lorsque l’on parle des classes populaires, c’est pour les moquer, dans Confessions intimes ou Pascal le Grand Frère. Quelqu’un d’extérieur vient régler un conflit familial que les prolos sont incapables de régler tout seul. Pédagogie ; comme on nous parle ! Métaphore perverse : tout est politique.
Sur Canal+, on n’aime pas le peuple non plus. L’omniprésence de la figure du beauf est une humiliation permanente. Copé-collé. Les « petits Blancs » (pourquoi petits ?) pauvres : des « bidochons nazis ». Envieux, minables, consanguins presque, FN ou FDG, des populistes qui n’en veulent qu’à l’argent des riches ; à leur réussite. Français, tu es jaloux. C’est ainsi que les élites comprennent cette aspiration à l’égalité qui t’as amené si haut dans l’estime des peuples. Des élites convaincues de leur bon droit, comme à Versailles en 1788. Jean-François Copé s’inquiète d’un « climat malsain de nuit du 4 août ». Il a peur du peuple. Il a raison.
Français, tu n’es plus le fils de personne
Français, tu te pensais porteur de la mémoire des soldats de Valmy. Crédule plouc que tu es, il n’y eut presque pas de bataille ! Sur les bancs de l’école, tu frissonnais de fierté et d’effroi, lorsque tu entendais le nom de Maximilien. Fasciste ! Robespierre est l’inventeur du totalitarisme. Un nazi, presque. « Celui qui maîtrise le passé, maîtrise également l’avenir. Celui qui maîtrise le présent maîtrise aussi le passé », prophétisait George Orwell…
La France est passée de « lumière des Nations », à « bande de miliciens même pas assez couillus pour être de vrais nazis ».
L’année dernière, avec le dernier poilu américain, s’est éteinte la vraie histoire de la Grande Guerre : « J’ai un souvenir rayonnant de ces soldats Français -stationnés dans un petit village et se rendant chez le caviste local, dans la soirée. Ils avaient très très peu d’argent. Mais ils buvaient du vin et chantaient la Marseillaise avec enthousiasme. Je leur demandais : « Pourquoi êtes-vous contents ?« , et ils me répondaient, « Parce que nous retournons au front« . Pouvez vous imaginer cela ? ». Cette mémoire non plus, n’est plus tienne : par son intransigeance dans la victoire, ta patrie a provoqué l’« horreur de la Seconde Guerre Mondiale ». Et l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale, aussi appelée « heures les plus sombres de notre histoire », c’est le cœur nucléaire de la mythologie actuelle. Grâce à l’attitude ignominieuse des élites politiques et militaires, de la honte de la défaite à la fange de la collaboration, la France est passée de « lumière des Nations », à « bande de miliciens même pas assez couillus pour être de vrais nazis ». C’est sur cette belle histoire que Copé fonde son « amour de la France » et sa volonté de « s’engager pour son pays ». Son amour du peuple, aussi ?
Rendez-vous aux champs Catalauniques
La bataille contre les élites mondialisées a commencé. C’est une lutte à mort ; chacun l’aura compris. Au « diviser pour mieux régner » des élites libérales, le peuple doit répondre « s’unir pour mieux s’émanciper ». Et il doit le faire maintenant.