La baisse des indemnités versées aux chômeurs par l’Unédic serait-elle la nouvelle marotte des libéraux ? À en croire le déferlement d’articles relayant cette idée (là, ici, ou encore là, entre autres), on peut le craindre. Mais passons sur le panurgisme médiatique et le monolithisme idéologique de la profession pour braquer nos regards sur ceux qui aiment rester dans l’ombre et que les médias comblent par leur silence : les marchés financiers et les agences de notation. Car ces filous ont trouvé le moyen de s’engraisser grâce au chômage. Explications.
Avant de détailler ce pernicieux système, rappelons ce qu’est l’Unédic. Organisme de droit privé chargé par délégation de service public de la gestion de l’assurance chômage en France, il est dirigé de façon paritaire par les syndicats de salariés et les représentants du patronat. L’argent qu’il récolte, et qui sera donc versé aux chômeurs indemnisés, provient des cotisations salariales et patronales du secteur privé. Créée en 1958, « l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce » dispose au cours des Trente Glorieuses de largesses budgétaires. Le contexte économique de quasi plein-emploi fait que le nombre de personnes à aider reste faible.
Mais au cours des décennies 1970 et 80, le chômage s’installe et la machine s’enraye. La flambée a un double impact pour l’Unédic : hausse de ses dépenses par l’augmentation des bénéficiaires, et baisse des recettes provoquée par la chute du nombre des salariés cotisants. Ajoutez à cela l’explosion des contrats « précaires », moins prélevés, et vous voilà proche de la banqueroute. Mais heureusement lorsqu’une telle institution vacille, il y a toujours de bons docteurs à son chevet pour lui asséner un traitement de choc. Et, en l’occurrence, l’Unédic a opté pour l’emprunt obligataire plutôt qu’une augmentation des cotisations patronales, notamment pour les entreprises du CAC 40. Âmes sensibles s’abstenir, c’est là que la saignée commence.
Prenons un exemple. Fin 2009, l’Unédic a emprunté 4 milliards d’euros sur les marchés, puis 2 milliards en février 2010, via emprunt obligataire. Friandes de ce genre de produits très bien notés par les agences de notation, les institutions financières se sont ruées dessus telles des charognards pour dépecer une carcasse. Double jackpot pour les marchés. Financiers bien sûr. Et au passage ils se posent en recours philanthrope sans qui les sans-grades pourraient crever la gueule ouverte. Voilà donc l’Unédic soumise aux maîtres du tant. Et les conséquences sont multiples :
- Mettons un taux d’intérêt à 3% sur les 6 milliards empruntés par l’Unédic. Les cotisations chômage deviennent alors une source nouvelle de profits pour les institutions financières, fonds de pension et banques en tout genre. Mais poussons le vice plus loin : si Moody’s par exemple baisse la note de confiance attribuée à l’Unédic, alors les taux d’intérêt grimperont et la dette de l’Unédic augmentera elle aussi. L’argent devant ainsi être destiné à indemniser des salariés remerciés pour, au hasard, licenciement boursier, est en partie ponctionné par la finance…
- Ce scénario catastrophe de la dégradation de la note de l’Unédic est toutefois évitable. Comment ? C’est simple : il suffit pour les partenaires sociaux à la tête de l’Unédic de mettre en œuvre des réformes destinées à rassurer les marchés. La dernière était la politique de radiation des demandeurs d’emploi.
- Ainsi, les agences de notation se sont immiscées dans la gestion de l’assurance-chômage par leur pouvoir d’évaluation. Pourtant, au cours de l’hiver 1997-98, intermittents et chômeurs avaient tenté eux aussi de s’inviter autour de la table pour prendre part aux décisions et représenter les précaires, oubliés des syndicats. Mais la porte resta cadenassée. Malins, des filous l’avaient refermée après être entrés par la fenêtre.
En bref : plus il y a de chômeurs, plus les investisseurs s’enrichissent. Beau concept n’est-ce pas ? Et comme si le calice n’était pas encore assez plein, voilà qu’en sus, ils voudraient nous le faire boire jusqu’à la lie ! Un peu couard, Sieur l’État, tenu par les bourses, se plie en effet aux desiderata de Dame l’Agence sans broncher. Parfois même, avec enthousiasme, il est prêt à se scarifier pour les beaux yeux de la Demoiselle, à se faire des coupes budgétaires d’enfer, tout excité à l’idée du redressement qu’il escompte… Mais dont Elle n’attend que rétribution. Séducteur, il lui offre de plus en plus, quitte à détériorer sa santé, lui brader les biens familiaux acquis après de durs efforts, mettre en danger l’avenir de ses enfants, etc. Après avoir beaucoup parlé de parents de même sexe, si on parlait de ce père qu’on ne souhaite à aucun enfant ?