Le terme devient de plus en plus courant parmi les médecins généralistes qui se plaignent d’avoir à effectuer trop de « tâches inutiles ». Nous répondons aux questions clés et examinons ce que le gouvernement fait pour aider
Le terme « déserts médicaux » est de plus en plus utilisé en France dans un contexte de pénurie accrue de professionnels de la santé et de plaintes des médecins généralistes concernant des tâches qui les empêchent de voir des patients.
Qu’est-ce qu’un « désert médical » ?
Un désert médical est une zone dans laquelle les patients ont du mal à consulter régulièrement un médecin généraliste, que ce soit parce qu’ils ne peuvent pas obtenir de rendez-vous, qu’il n’y a pas assez de médecins ou qu’ils habitent trop loin du cabinet médical le plus proche.
Le gouvernement définit le terme spécifiquement comme un domaine dans lequel les patients ont accès à moins de 2,5 consultations avec un médecin généraliste local par an en moyenne.
Le terme peut également être utilisé pour décrire les zones dans lesquelles il n’y a pas assez de médecins généralistes, de sorte que le temps du patient est très étiré. Dans ce cas, même les patients qui obtiennent un rendez-vous peuvent trouver qu’ils n’ont pas assez de temps pour expliquer correctement leur problème et que le médecin généraliste n’a pas assez de temps pour leur offrir un bon niveau de soins.
Quels sont les domaines les plus et les moins touchés ?
Un récent rapport du Sénat a révélé les listes suivantes des départements comptant le plus de médecins (généralistes et spécialistes) par habitant et ceux qui en ont le moins.
Les départements comptant le plus de médecins par habitant étaient, en janvier 2021: Paris, Hautes-Alpes, Rhône, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Hérault, Gironde, Haute-Garonne, Côte-d’Or et Pyrénées-Atlantiques.
Ceux qui avaient le moins de médecins étaient : Mayotte, Eure, Ain, Mayenne, Eure-et-Loir, Meuse, Seine-et-Marne, Indre, Oise, Cher.
Cependant, malgré la surabondance de médecins à Paris, l’Ile-de-France est la région la plus touchée. Quelque 62,4 % des habitants de la région ont des difficultés d’accès aux soins.
Quelles en sont les conséquences ?
A terme, vivre dans un désert médical peut entraîner une dégradation de l’état de santé de la population et se traduire par une mauvaise santé voire des conditions dangereuses du fait de ne pas pouvoir voir un professionnel de santé assez rapidement, voire pas du tout.
Cela peut également signifier que les hôpitaux deviennent sursaturés car de plus en plus de personnes se rendent directement dans un service A&E au lieu de leur médecin généraliste, ou finissent par devoir se rendre à l’hôpital pour une maladie qui aurait pu être évitée si elles avaient vu un médecin généraliste plus tôt.
Les personnes atteintes de maladies chroniques peuvent ne pas bénéficier d’un suivi adéquat et leurs problèmes peuvent s’aggraver.
Combien de personnes sont concernées ?
Les chiffres actuels du gouvernement suggèrent que 8% des Français vivent dans un désert médical. Cela équivaut à environ 5,4 millions de personnes.
Cela signifie que leur village, ville ou région au sens large peut proposer moins de 2,5 rendez-vous par habitant et par an en moyenne.
Cependant, le problème est moins grave lorsque l’on examine les trois principaux points d’accès aux soins de santé : les médecins généralistes, les pharmacies et les hôpitaux A&E. Ceux des déserts médicaux pour ces trois pays ne représentent que 0,5% de la population.
Pour l’accès à l’hôpital seul, le chiffre est de 6 %.
Le problème s’aggrave-t-il ?
Actuellement, les chiffres montrent que la situation est relativement stable, et ce depuis 2012-2015. Pourtant, le problème s’aggrave lentement.
Les chiffres du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) suggèrent que le nombre de médecins généralistes en exercice est passé de 97 000 à 88 000 entre 2007 et 2017.
Cependant, les experts craignent de plus en plus qu’il ne s’aggrave considérablement à l’avenir. Le Cnom a estimé qu’en 2025, le nombre de médecins généralistes exerçant régulièrement aura de nouveau chuté à 77 000.
Les facteurs contributifs comprennent :
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Le vieillissement de la population actuelle des médecins généralistes
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Moins de jeunes voulant devenir médecins généralistes
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Les effets de Covid sur la réduction des professionnels de santé
Covid a également causé d’autres problèmes de pénurie de médecins généralistes et de professionnels de la santé. Les médecins généralistes ont également demandé plus d’assistants administratifs et moins de «tâches inutiles» pour leur libérer plus de temps pour voir réellement les patients.
Quels autres facteurs contribuent?
Les facteurs socio-économiques jouent également un rôle. Un rapport gouvernemental indique : « Pour les médecins généralistes, en 2013, les 10 % de Français les plus aisés avaient trois fois plus accès aux médecins généralistes que ceux des 10 % les moins aisés.
« Les inégalités géographiques sont plus marquées pour les professionnels de santé et les spécialistes, hors généralistes. Cela atteint un facteur de cinq pour les kinésithérapeutes et les infirmières, six pour les ophtalmologistes, 14 pour les pédiatres et 19 pour les psychiatres.
Les délais d’attente des spécialistes augmentent, avec un temps d’attente moyen de 50 jours (un mois et demi) pour voir un ophtalmologiste et jusqu’à 110 jours (près de quatre mois) dans certains cas. Le temps d’attente moyen pour un dermatologue est de 60 jours; 45 pour un rhumatologue ; 50 jours pour un cardiologue et 28 jours pour un chirurgien-dentiste.
Les quartiers les moins aisés et les zones plus rurales sont également moins susceptibles d’avoir un accès adéquat aux soins de santé.
Que fait le gouvernement à ce sujet?
Le gouvernement s’en inquiète car il s’agit en fait d’une interruption du service public de santé qu’il se doit d’assurer.
Les autorités utilisent un système de zonage, tel que défini à l’article L1434-4 du code de la santé publique, pour contrôler la propagation des déserts médicaux. Cela comprend l’évaluation de plusieurs critères :
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Accessibilité à un professionnel de la santé
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Les caractéristiques de la population touchée (âge, personnes atteintes de maladies de longue durée, nombre de personnes bénéficiant de prestations de soins de santé, etc.)
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Le nombre de professionnels de la santé, ainsi que leur âge et leur spécialité
En 2017, cette méthodologie de zonage a été réévaluée et utilisée pour permettre aux Agences Régionales de Santé (ARS) d’identifier et de mieux déterminer les zones les plus touchées.
Un décret de la même année vise à :
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Établir une définition uniforme de l’éventuelle fragilité planifiée de la zone
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Maintenez les médecins généralistes dans les régions qui en ont déjà et placez-en davantage dans les régions qui en ont le plus besoin
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Investissez davantage dans les domaines qui en ont le plus besoin
Le gouvernement évalue également les zones en fonction d’un indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL ou indicateur local de potentiel d’accessibilité).
La note de l’indicateur APL est calculée par trois facteurs :
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L’activité de chaque professionnel, définie par le nombre de rendez-vous ou de visites à domicile
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La durée de chaque rendez-vous
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L’accès aux soins de chaque patient, classé par âge, et besoin
Il prend également en compte l’âge des médecins, dans le but d’anticiper leur future année de retraite.
Ces méthodes visent principalement à donner de l’information et de l’autonomie aux ARS de chaque région, afin qu’elles disposent de données et de critères sur lesquels baser les investissements supplémentaires des pouvoirs publics. Les quartiers en difficulté particulière sont prioritaires pour les investissements, indique le gouvernement.
L’APL comprend des données pour les professionnels de la santé, notamment les infirmières, les kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes, les gynécologues, les ophtalmologistes, les pédiatres et les sages-femmes.
Que fait-on pour rendre les métiers plus attractifs ?
En 2005, une nouvelle loi a permis aux collectivités locales d’octroyer des aides aux professionnels de santé pour les inciter à s’installer dans les zones de désert médical.
Et en 2009, le loi Hôpital, patients, santé et territoires créé le contrat d’engagement de service public (CESP). Les étudiants en médecine qui signent un CESP reçoivent une bourse au cours de leurs études, en contrepartie de laquelle ils s’engagent à exercer dans les zones rurales et les zones urbaines les plus nécessiteuses.
En 2012, le gouvernement a mis en place le premier « Pacte de santé du territoire », qu’il a appelé un « plan mondial de lutte contre les déserts médicaux ».
Il avait plusieurs objectifs :
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Signer 1 500 CESP d’ici 2017
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Créer 200 contrats pour les médecins généralistes qui garantissent un revenu minimum et une meilleure protection sociale aux médecins qui s’installent dans les zones désertiques médicales
En 2015, une loi complémentaire a été mise en place pour 2015-2017. Il visait à augmenter le nombre de CESP de 200, le nombre de médecins de 1 000 au total et l’ouverture de 1 000 nouveaux centres de santé.
Il visait également à mutualiser les ressources des professionnels de santé et à garantir que tout patient qui en aurait besoin puisse être vu dans les 30 minutes.
Le gouvernement cherche également à accroître la médecine à distance grâce aux appels vidéo. En 2018, la télémédecine a été autorisée dans toute la France. Tout médecin, quelle que soit sa spécialité, est désormais autorisé à effectuer des rendez-vous via ce mode pour les situations où il le juge adéquat et approprié.