Une mère part à la quête de son progéniture à travers un champ de véhicules abandonnés en Iran, capturée à l’écran tel un motif de Nicolas de Staël avec des nuances de métal. Projection en cinemas dès le 2 août.
The Wastetown, le dernier effort cinématographique d’Ahmad Bahrami, confiné dans un dépotoir à véhicules en Iran, fait suite à son précédent film qui se déroulait au sein d’une brique du désert iranien, The Wasteland. Bahrami utilise astucieusement son art pour métaphoriser la société iranienne et plus particulièrement, dans sa dernière œuvre, la condition féminine. Son encadrement de l’ombre lugubre et de la lumière froide en noir et blanc accentue le décor macabre composé de tôles tordues et froissées sous la domination d’une machine destructrice. Le film, acerbe, sortira dans les salles de cinéma le 2 août.
Un paysage de désolation
Une femme qui purge une peine de dix ans de prison pour le meurtre de son époux, déchirée par la séparation de son fils alors âgé de deux ans, et maintenant en liberté conditionnelle, se présente à un parc à ferraille géré par son beau-frère. Elle est à la recherche de son fils qui a dix ans maintenant. Les trois frères de son défunt mari, qui ont vendu son fils à un médecin fortuné, lui font obstacle. Comme les véhicules condamnées, la femme fugitive erre inlassablement dans ce cimetière de voitures.
Dans un format carré 1.33, rappelant les années 1930, et en noir et blanc, Ahmad Bahrami donne vie à un drame poignant. Il dénonce la conditions des femmes en Iran, où une ex-détenue vit à la merci de trois hommes qui n’ont pour elle que du dédain ou au mieux, de l’intérêt cupide pour l’argent qu’elle refuse, provenant de la vente de son fils. La triste réalité que Claude Lévi-Strauss aurait décrite comme un « triste tropique » est mise en scène par Bahrami.
Sur les rives du Styx
Cette descente infernale est soulignée par des panoramiques lents et des travellings, telles les rives du Styx jonchées de rangées de carcasses de voitures. Ces derniers attendent d’être écrasés par une machine monstrueuse pour finir en tas de ferrailles, à l’image d’une vie anéantie. Un cerbère solitaire erre dans ce désert rempli de tôles froissées, représentative d’une existence torturée. L’élégance des prises de Bahrami est un hommage au silence, donnant toute leur importance à l’image et au moment. Sa palette de teintes grises contemplatives de ruines mortuaires contraste avec le coloré et anti-consumériste Dodes’ka-den d’Akira Kurosawa (1970), qui se déroulait dans une décharge publique.
Comme la plupart des remarquables films qui nous parviennent depuis Téhéran, The Wastetown risque fort d’être censuré en Iran. C’est un poème visuel poignant. Il trouve une résonance forte aujourd’hui, après l’intense répression suite à l’assassinat de Mahsa Amini par la « police de la moralité » iranienne, en raison de son port inapproprié du voile en septembre 2022. Les derniers vêtement que porte la victime dans The Wastetown ressemble à un linceul, traditionnellement utilisé pour enterrer les morts en Iran.
Détails du film
Genre : Drame
Réalisateur : Ahmad Bahrami
Acteurs : Baran Kosari, Ali Bagheri
Date de sortie : 02 août 2023
Distributeur : Bodega Films
Après avoir été déclarée coupable du meurtre de son mari, Bermani est condamnée à dix ans de prison. À sa libération, elle se met en quête de son jeune fils et finit par atterrir dans une casse automobile gérée par son beau-frère…