Cette semaine, Thierry Fiorile et Matteu Maestracci présentent les nouvelles sorties cinématographiques : « Les Feuilles mortes » réalisé par Aki Kaurismäki et « L’Arbre aux papillons d’or », un film signé Pham Thiên Ân.
Nous voilà plongés dans l’univers singulier de Kaurismäki avec ses personnages discrets et parfois mélancoliques, son atmosphère de nuit et son humour teinté de noir. Ce célèbre réalisateur finlandais, aujourd’hui âgé de 66 ans, met en scène deux héros solitaires, un homme et une femme, qui partagent tous deux l’expérience douloureuse de perdre leur emploi.
La femme, prénommée Ansa, travaille comme caissière dans un supermarché morose et se retrouve licenciée suite au vol d’un article périmé qui allait être jeté à la poubelle. Quant à l’homme, qui se nomme Holappa, il est renvoyé pour consommation d’alcool sur son lieu de travail. Il exprime lui-même sa triste réalité en admettant qu’il « s’adonne à l’alcool suite à sa dépression et que sa consommation excessive d’alcool alimente sa dépression ». Nos deux héros, aux existences difficiles, représentent les travailleurs pauvres et vulnérables de notre époque contemporaine. Toutefois, le film dégage un aspect anachronique. Ils vont se croiser lors d’une soirée karaoké et vont essayer, non sans peine, de tisser des liens.
Il y a une véritable poésie dans ce film. Malgré des situations difficiles (nous entendons également à la radio des références à la guerre en Ukraine), l’histoire est empreinte de tendresse et d’humour. On y trouve beaucoup d’humanité et d’espoir, ainsi qu’un hommage au cinéma qui favorise les dialogues et les rencontres. Le film a remporté le Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes.
Le Pommier aux papillons dorés de Pham Thiên Ân
Récompensé par la Caméra d’or à Cannes, un prix attribué au meilleur premier long métrage, Pham Thiên Ân affiche une maîtrise époustouflante de l’image, bien qu’autodidacte, à l’image de son personnage principal qui a débuté en réalisant des films de mariage.
Suite au décès accidentel de sa belle-soeur, ce dernier se voit confier la responsabilité de son neveu. Il quitte donc Hô Chi Minh-Ville pour se rendre dans la campagne familiale. Ce voyage se transforme en quête spirituelle. L’homme, en proie à des questionnements sur la foi, retrouve une communauté catholique minoritaire dans le pays, renoue avec un ancien amour devenu religieuse, et fait la rencontre d’un vieil homme, un vétéran des guerres coloniales, qui interprète son propre rôle.
Si le film est long (trois heures), il est néanmoins captivant. Il dévoile l’incertitude que ressent une jeunesse vietnamienne face aux changements qui secouent son pays. Sublimées par de magnifiques images de la nature et par de parfaits plans-séquences, on peut y voir des influences de Michael Haneke et d’Apichatpong Weerasethakul – l’un des réalisateurs emblématiques de la nouvelle vague cinématographique thaïlandaise -chez ce jeune réalisateur, pas mal du tout!