En matière de symbolisme, la visite du roi britannique Charles III en France est une grande affaire. Des monuments historiques importants tels que l’Arc de Triomphe, les Champs Elysées, le Château de Versailles font tous partie du décor. Mais d’autres sites importants ont été inclus, qui envoient un message différent, tourné vers les défis futurs auxquels seront confrontées les deux nations.
La France, qui a décapité son roi et sa reine après la révolution de 1789, n’a jamais pu résister à l’engouement pour la famille royale britannique et les a reçus en grande pompe au cours des 170 dernières années.
Il en sera de même pour le roi Charles III, dont la visite de trois jours met en lumière cette longue relation historique.
Après un défilé sur la célèbre avenue du centre de Paris, le couple royal a été accueilli au château de Versailles, joyau de la couronne diplomatique française.
Siège de la monarchie avant la Révolution, le château de Versailles est aujourd’hui un musée, mais il est toujours utilisé par les présidents français pour accueillir les dirigeants qu’ils souhaitent impressionner.
« Chaque fois que la France a souhaité marquer ses relations fortes avec l’Angleterre, il y a eu une réception à Versailles », a déclaré l’historien Fabien Oppermann à l’AFP.
Chaîne de visiteurs importants
L’empereur Napoléon III a organisé un bal devant 1 200 invités à l’opéra royal de Versailles lors de la visite de la reine Victoria en 1855, premier voyage à Paris d’un monarque britannique depuis 400 ans.
Depuis lors, une série de membres de la famille royale et de dirigeants, dont la mère de Charles, la défunte reine Elizabeth II, sont passés par là.
Pour Stéphane Bern, spécialiste français des lignées royales, le palais a toujours été une stratégie diplomatique. Louis XIV l’utilisa pour présenter l’art de la gastronomie et mettre en valeur le talent français.
« Versailles est un symbole de la monarchie, mais c’est aussi celui de l’excellence française en matière de style de vie », a déclaré Berne. Le Parisien journal quotidien avant la visite.
En amont du dîner de gala de mercredi à Versailles, l’Élysée et le palais de Buckingham travaillent depuis janvier sur le menu, en impliquant trois grands chefs français.
Plus de 150 convives ont pu déguster du homard, du poulet de Bresse, des macarons à la rose, le tout servi sur de la porcelaine de la manufacture de Sèvres.
Cependant, le foie gras manquait au menu – servi à la reine Elizabeth lors d’un déjeuner en 1957. Charles est ouvertement contre le processus controversé de gavage des canards et l’a interdit dans sa maison.
Malgré cela, Charles a toujours été fan de la France. Il a effectué 34 visites officielles en tant que prince de Galles et a commencé à apprendre le français dès son plus jeune âge, encouragé par sa mère. Il passait également fréquemment du temps en France pour des visites personnelles, affirmant que la France était « l’un des plus beaux (pays) du monde ».
Équipe verte
Encore un clin d’œil symbolique, Emmanuel Macron a remis mercredi au roi une édition originale des « Racines du Ciel » (Racines du ciel) de l’auteur français d’origine lituanienne Romain Gary.
L’œuvre, qui a remporté le prestigieux prix littéraire de l’Académie Goncourt en 1956, se déroule en Afrique, avec pour thème central la protection de la planète et notamment des éléphants.
Ce don fait écho à la « coopération de longue date du président de la République et du roi Charles en faveur de la biodiversité », souligne l’Élysée.
Lors de la Cop26 à Glasgow, en novembre 2021, les deux dirigeants avaient présenté le programme « Grande Muraille Verte » visant à lutter contre les effets du changement climatique et de la désertification au Sahel.
Cette semaine, Macron a également remis au roi une médaille en hommage à ses efforts en tant que défenseur de l’environnement.
Conçue par le graveur Joaquin Jimenez, elle célèbre l’accession de Charles au trône et l’amitié franco-britannique.
Lors de sa visite, Charles participera à une table ronde au Muséum d’histoire naturelle sur la biodiversité et plantera un chêne offert par le château de Versailles, dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur britannique.
Le couple royal passera vendredi dans la région bordelaise avec une visite du Château Smith Haut Lafitte, un vignoble biologique ainsi qu’une forêt expérimentale à Floirac.
Entente cordiale
Les détails de la visite démontrent la complicité entre Macron et Charles, qui parlent tous deux la langue de l’autre.
« Ils entretiennent une relation extrêmement chaleureuse », poursuit Berne, ajoutant que le respect et l’appréciation mutuels sont les mêmes entre les premières dames la reine Camilla et Brigitte Macron.
La visite royale intervient peu de temps après les mesures prises par le Premier ministre britannique Rishi Sunak pour rétablir les relations entre les deux voisins à la suite des tensions déclenchées par la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences-Po, a déclaré Le Parisien que « l’image compte pour tout » dans ce genre de visite.
« La constante entente cordiale ce à quoi nous avons assisté depuis Édouard VII jusqu’à Macron sert de contrepoids à la lourdeur des conflits politiques entre les nations. »
(avec les fils de presse)