Dans son deuxième film, « La Vénus d’argent », la réalisatrice Héléna Klotz cherche à mettre en lumière les défis que représente le passage d’une sphère sociale à une autre. Elle raconte l’histoire d’un individu qui, malgré son non-conformisme face aux normes établies, tente de se faire une place dans l’univers financier.
Jeanne, 24 ans, habite dans une caserne de gendarmerie de la banlieue parisienne, aux côtés de son père, de son petit frère et de sa petite sœur. Leur mère n’est plus de ce monde, et leur père semble peu présent. Jeanne, jouant le rôle quasi parental en finançant la cantine et en récupérant ses frère et sœur à l’école, semble être seule au milieu de l’environnement austère de la caserne, constamment rythmé par le bruit des gyrophares et les paroles de l’hymne national La Marseillaise.
La vie de Jeanne s’organise et s’équilibre entre deux mondes. Il y a son monde d’origine, la caserne de gendarmerie et sa petite chambre, puis il y a le monde qu’elle convoite, le quartier d’affaires La Défense. Jeanne, toujours seule et vêtue de son épais blouson de cuir, fait le lien entre ces deux mondes grâce à son petit scooter. Ce voyage est décrit comme un passage d’un monde à un autre, transgressant les limites sociales, mais pas uniquement. En effet, Jeanne, qui se décrit comme étant « neutre comme les chiffres », bouscule également les normes de genre. Sa jeunesse, sa taille mince et son identité semblent, en première en instance au moins, entraver sa capacité à s’intégrer dans le monde très masculin et férocement luxueux de la finance.
Apprentissage et persévérance
Joué par l’actrice Claire Pommet, aussi connue en tant que chanteuse sous le nom de Pomme, qui fait ici ses débuts au cinéma, le personnage de Jeanne est remarquable par sa force et sa ténacité. Bien qu’elle travaille en tant que stagiaire au sein d’un groupe financier, malgré des refus répétés de postes à temps plein bien rémunérés, Jeanne – dont les compétences sont indéniables – réussit à se faire remarquer en soulignant une erreur de codage commise par un collègue.
D’un moment à l’autre, elle semble obtenir la confiance et le respect de Farès, le chef du groupe interprété par Sofiane Zermani, mieux connu dans le monde de la musique sous le nom de Fianso. Elle entame alors un parcours de découverte, au cours duquel – selon la tradition du genre – Jeanne ne recule devant rien pour réussir.
Vol d’un costume en brisant une vitrine, nuits blanches et séduction: la nouvelle recrue s’adapte à l’environnement, en adopte les comportements, le langage et éblouit par son intelligence et sa détermination. Son objectif: l’argent. Non pas pour l’argent, mais pour la liberté qu’il promet d’offrir. S’inscrivant dans la lignée des récits d’apprentissage, La Vénus d’Argent met également en scène les débuts de l’amour, alors que Jeanne entame une relation avec Augustin (Niels Scheinder).
Transgressions discrètes
Avec La Vénus d’argent, nous retrouvons les codes des histoires de personnes qui franchissent les barrières sociales, et nous explorons la difficulté à s’intégrer quand on n’est pas issu du milieu. Le film réussit à dépeindre un monde financier agressif et mordant à travers des dialogues minutieusement travaillés, s’approchant presque du documentaire.
Présentée comme un être à part dans ce milieu, Jeanne parvient à s’y intégrer malgré plusieurs rebuffades, grâce à son langage et son ambition. Sa réussite est également due à son éducation car, bien que Jeanne soit un personnage populaire et presque précaire, elle est diplômée d’une grande école de commerce.
Abordant des thèmes importants comme l’intégration, l’origine sociale, le genre et la découverte de l’amour, le film semble néanmoins échapper à tout acte politique. L’exclusion du monde financier n’est pas inéluctable, l’écart par rapport à la norme de genre n’est pas explicitement exprimé, et Jeanne finit par tomber amoureuse d’un jeune homme qui l’a autrefois agressée. Allégorie de l’abandon d’un environnement insatiable ou d’une conquête finalement atteinte? Le film laisse la question en suspens. Avec La Vénus d’argent, c’est le rêve de liberté de Jeanne que les spectateurs emportent avec eux.
Genre : Drame
Réalisation : Héléna Klotz
Distribution : Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Anna Mouglaglis, Grégoire Colin, Mathieu Amalric
Pays : France
Durée : 1h35
Date de sortie : 22 novembre 2023
Distribution : Pyramide Distribution
Synopsis : Jeanne, âgée de 24 ans, vit dans une caserne de gendarmerie en banlieue avec son père, son frère et sa sœur. Elle a comme ambition de réussir dans le monde financier. Son but n’est pas la gloire ou la richesse, mais de gagner sa liberté par ses propres moyens.