Bien que le département de l’Intérieur se refuse à divulguer le chiffre exact de journalistes bénéficiant de la sécurité policière, il est évident que avant cette journaliste, d’autres ont également profité de cette mesure.
Ruth Elkrief se dit « meurtrie« , en tant que « femme journaliste« . Suite à de fortes critiques de Jean-Luc Mélenchon sur X, cette dernière bénéficie maintenant d’une protection policière. Les attaques de Mélenchon ont été déclenchées par un entretien houleux, le dimanche 3 décembre sur LCI, entre Ruth Elkrief et Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, au sujet du Moyen-Orient. Le chef de file de la France Insoumise a ainsi traité la journaliste de « manipulatrice » et de « fanatique« , estimant qu’elle méprisait les musulmans.
Sur LCI, lundi, la journaliste a mis en avant l’importance pour elle de « s’identifier par sa citoyenneté et non par sa religion ou ses origines et de ne pas se voir assignée une identité par autrui ». Elle a également révélé avoir été « élevée au Maroc, connaissant et appréciant les traditions culturelles et religieuses, juive, musulmane et chrétienne« .
C’est le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a décidé de la mise sous protection policière de Ruth Elkrief, considérant que Jean-Luc Mélenchon l’avait mise en danger en lui collant « une cible dans le dos« . Cette décision intervient dans un contexte d’augmentation des actes antisémites en France depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. Même si cette mesure est exceptionnelle, elle n’est pas inédite pour les journalistes.
Charlie Hebdo, Ophélie Meunier, Martin Boudot…
En effet, bien que la France ne soit pas considérée par Reporters sans Frontières comme un pays particulièrement dangereux pour les journalistes, Ruth Elkrief n’est pas la première à bénéficier de la protection du service de protection des personnalités.
C’est le cas des membres de la rédaction de Charlie Hebdo depuis l’attentat de 2015. La présentatrice de M6, Ophélie Meunier, avait également dû être protégée en février 2022, après avoir reçu des menaces de mort après un reportage sur l’islamisme à Roubaix. Autre cas, début 2023 : Martin Boudot, journaliste et réalisateur de documentaires, s’est vu aussi octroyer une protection policière, après avoir été menacé de mort par Cyril Astruc, surnommé « le prince du carbone » et recherché par Interpol pour avoir détourné plusieurs milliards d’euros de taxes carbone.
À ce jour, en France, le nombre total de journalistes bénéficiant de cette mesure de protection est inconnu. Le ministère de l’Intérieur refuse de divulguer ces informations. En juillet 2021, 50 personnalités de la société civile, incluant des journalistes mais pas uniquement, bénéficiaient d’une protection policière. Tout ce que l’on sait, c’est que ce chiffre a « nettement » augmenté depuis.
Les critères de mise sous protection restent confidentiels
Quant à la manière dont ces mesures de protection sont attribuées et les critères retenus, le ministère de l’Intérieur reste muet. Pourtant, certaines informations filtrent, comme pour la journaliste Morgan Large qui enquête en Bretagne sur le secteur de l’agroalimentaire et a vu son véhicule sabotage à deux reprises. Sa demande de protection a été refusée. Les services de lutte antiterroriste ont conclu « à une absence de menace susceptible de justifier la mise en place d’une protection rapprochée ». À l’époque, Reporters Sans Frontière affirmait qu’« on ne voit ce genre d’intimidations que dans les Balkans ».
Après plusieurs demandes, Morgan Large, qui a de nouveau déposé une plainte en mars 2023 dont elle est toujours sans nouvelles, a obtenu d’être inscrite sur le fichier SIP. En cas d’appel au 17, les gendarmes ont ainsi directement accès au dossier de la personne menacée. Pour des raisons de sécurité, la reporter a déménagé et est maintenant domiciliée au centre communal d’action sociale de sa commune.
Au sein de StreetPress, un média indépendant spécialisé notamment dans l’enquête sur les violences policières et l’extrême droite et qui reçoit de nombreuses menaces de mort de groupes d’extrême droite, aucun dispositif de protection policière n’a été mis en place. Ici aussi, c’est Reporters Sans Frontière qui apporte son soutien, en exhortant la justice à mener une enquête minutieuse et à sanctionner les auteurs de ces menaces.