Chaque jour, une personnalité se joint à l’univers d’Élodie Suigo. Ce lundi 19 février 2024, c’est l’artiste Peter Doherty, originaire du Royaume-Uni, qui est à l’honneur. Il a récemment sorti ses mémoires et un documentaire intitulé « Stranger in My Own Skin ». Ce dernier, ayant été diffusé sur Canal+ ce lundi, relate son expérience au cours de sa période de désintoxication.
Peter Doherty, artiste fluide et naturel, est un cas à part. En compagnie de Carl Barât, il a co-créé le groupe de punk-rock The Libertines en 1997, mais son allure de vie tourmentée par les toxiques l’a éloigné de ses compagnons de scène. Au fil du temps, son addiction l’a entrainé dans un flux d’auto-destruction, et c’est son entourage et sa compagne qui l’ont poussé à suivre une thérapie de sevrage. Cette cure a eu lieu en Thaïlande. Son cheminement pour vaincre ses démons a été immortalisé dans un documentaire réalisé par Katia de Vidas, sa compagne. Intitulé Stranger in My Own Skin, le documentaire est visible sur Canal+. L’artiste anglais, connu pour son écriture et sa voix unique, vient juste de publier ses mémoires intitulé : Un garçon charmant, aux éditions du Cherche-Midi.
franceinfo : Qu’avez vous pensé après la première diffusion de Stranger in My Own Skin, qui fait un retour sur dix ans de votre vie ?
Peter Doherty : Au premier visionnage de ce documentaire, j’ai ressenti un certain malaise. Je ne suggère pas que d’autres ne devraient pas avoir la même expérience que moi, je suis là pour aider à promouvoir ce documentaire, mais d’un point de vue personnel, c’était plutôt intense. C’était peut être un peu trop pour moi.
Êtes-vous satisfait d’avoir surmonté vos démons? Ce film repose principalement sur l’espoir et la possibilité de se rétablir.
L’addiction est un fléau très complexe. On a tendance à constamment se tromper soi-même. Et le comble de l’humiliation, c’est lorsque l’on ne réalise pas qu’on est en train de se tromper. On ne se rend même pas compte qu’on est en train de détruire sa vie.
« Je ne croyais pas avoir en moi la force nécessaire pour surmonter tout ça, mais c’est un long combat. »
Peter Dohertyinterviewé par 42mag.fr
Je suis fier, bien sûr. C’est difficile de décrire ce que l’on ressent. Il y a de la douleur, des déséquilibres.
Vous avez vécu une partie de votre vie dans une base militaire, entouré de fils barbelés. Vous étiez isolé de la réalité. Vous n’étiez pas autorisé à révéler que votre père était dans l’armée. C’est cette souffrance qui vous a incité à vouloir échapper à cette irréalité.
Jusqu’à environ 13 ans, j’étais un garçon discipliné, obéissant, mais je ne connaissais pas d’autre vie que celle que je menais. J’avais une fascination pour la littérature, en particulier pour la poésie. En grandissant, j’ai dû apprendre à me connaître moi-même, car je devais prendre conscience de l’univers qui m’entourait et auquel je n’avais pas accès. Je ne pouvais pas avoir une vie normale. Mais lorsqu’on a une passion pour la musique ou la littérature, peu importe l’endroit où l’on se trouve, la passion finit par nous rattraper.
Je souhaiterais parler de votre addiction, car ce documentaire montre également à quel point l’addiction est un phénomène singulier. On ne comprend pas, on n’a pas le temps de réaliser qu’on va devenir dépendant. C’est aussi ce que raconte ce documentaire, il faut absolument éviter de toucher à ces substances ?
C’est le message essentiel. C’est comme plonger tête la première dans l’inconnu. Ce qui en soi est exaltant ! Mais mon obsession pour les drogues existait bien avant que je ne découvre l’héroïne. Posséder de l’héroïne, c’est évidemment bien parce que parfois, c’est vraiment compliqué d’obtenir ce que l’on veut. Avoir cette substance dans sa poche sans l’utiliser, c’est parfois excitant.
Vous mentionnez que les rêves que ces drogues vous procuraient se transformaient souvent en cauchemars et qu’il faut résister.
Lorsque j’étais malade et que je faisais de la fièvre pendant mon enfance, j’avais des hallucinations. C’était effrayant, mais également intrigant. Parfois, j’avais envie d’être malade juste pour avoir ces hallucinations.
« Je n’ai pas perdu cette fascination pour les hallucinations, cette envie de m’évader de ma réalité et de vivre des expériences extraordinaires en dehors de mon corps. »
Peter Dohertyinterviewé par 42mag.fr
Pour conclure, je souhaiterais que nous parlions de votre collaboration avec Frédéric Lo qui est également évoqué dans ce documentaire. On devine que c’était une étape importante de votre vie.
Lorsque j’ai rencontré Fred, je venais d’arrêter la drogue. En fait, je n’avais vraiment pas l’envie de faire quoi que ce soit parce que j’étais épuisé. Un jour, Fred est arrivé avec sa guitare et on s’est dit : »Allez, faisons de la musique« . Il m’a joué une mélodie et on a créé un album. C’était naturel, évident. Un grand plaisir. J’ai adoré cette expérience. D’ailleurs, on a prévu de sortir de nouvelles chansons comme La Ballade de Rosa Luxembourg qui a un ton très spécifique, très Doherty !
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