Le renommé long métrage de Bertrand Blier, dans lequel jouent Gérard Depardieu et Patrick Dewaere, est rempli de passages conflictuels en ce qui concerne les violences sexuelles et sexistes. Dans le contexte actuel de sensibilisation à cette problématique, quelle valeur lui attribuer ?
Mercredi 20 mars, nous fêtons les 50 ans d’un film phare. Mais qui se rappelle encore de Les Valseuses de Bertrand Blier ? Pas grand monde. Et pour cause, ce film emblématique du cinéma français est devenu presque impossible à visionner à l’époque où les questions de violences sexistes et sexuelles sont de plus en plus présentes. Malgré les critiques judiciaires à l’encontre de l’acteur principal, comment ce long-métrage est-il perçu aujourd’hui ?
Une scène culte est celle où Brigitte Fossey, incarnant une épouse de militaire sans le sou, est approchée dans un train vide par Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. « Qu’est-ce que vous voulez ? », interroge-t-elle. « Ce que nous souhaiterions, c’est que tu nourrisses mon pote au sein. Il est grand amateur de lait et n’a jamais connu sa mère », réplique Depardieu.
Cinquante ans après, Brigitte Fossey avoue sur France 2 en mars que la scène est trop violente pour qu’elle puisse la voir : « C’est une agression. Quand une jeune fille est perturbée, elle devient vulnérable, incapable de se défendre. C’est affreux, vraiment affreux. »
« La situation est difficile à observer, elle est prévue pour »
Éric Neuhoff, un critique cinéma du quotidien Le Figaro, a rédigé la préface du livre relatif au film Les Valseuses, récemment republié chez Seghers. « La scène est infamante, c’est délibéré, explique-t-il. Il y a une noirceur épouvantable dans Les Valseuses. Ce sont vraiment deux types complètement fous qui marchent vers leur perte. » Une noirceur qui se mêle d’une « légèreté » qui aujourd’hui pose problème.
« C’était curieux de voir ce mélange, cette audace, cet esprit jovial, la forme des répliques. Nous n’étions pas habitués à entendre cela dans les films de cette époque. »
Éric Neuhoff, critique cinémasur 42mag.fr
Bérénice Hamidi, maître de conférences à l’université Lyon II et spécialiste des enjeux politiques de la représentation culturelle, voit dans ce film un matériau d’étude fascinant. « Il symbolise une certaine liberté que l’on associe généralement aux années 70 et 80. L’intérêt de le visionner de nouveau aujourd’hui, réside dans le fait d’analyser les silences, les sous-entendus, les non-dits, et ce que cette image de liberté soulève en réalité. »
Apprentissage du « repérage des violences »
Selon elle, l’image du film pose problème car on ne se pose jamais la question de la perception féminine. « Il n’y a pas de prise de conscience que leur attitude est une démonstration de domination », note-t-elle. « Le cinéma est là pour ébranler, bouleverser les conventions, réplique Éric Neuhoff. Mais j’ai pris soin de l’acheter en DVD au cas où il ne serait plus disponible sur les plateformes de streaming ou en VOD. »
La chercheuse insiste sur l’importance de ne pas arrêter de visionner ces œuvres, mais plutôt d’apprendre à repérer les violences qu’elles contiennent. « Les débats sur les représentations véhiculées par le film changent tout ». Il est clair qu’il y a matière à discussion.