Les syndicats ont appelé les 5,7 millions de travailleurs du secteur public français à débrayer mardi pour réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, un mois après que le gouvernement a annoncé quelque 10 milliards d'euros de coupes dans les dépenses publiques.
Un actif sur cinq en France travaille dans le secteur public : il enseigne, dispense des soins de santé et assure une multitude de services administratifs qui font vivre le pays.
Mais leurs représentants syndicaux insistent sur le fait que les salaires ne suivent pas l’inflation et que les conditions de travail se détériorent.
Dans une déclaration commune, les syndicats ont déclaré : « Nous devons de toute urgence ouvrir des négociations pour améliorer les perspectives de carrière et prendre des mesures générales pour améliorer les salaires ».
Ils réclament « une augmentation immédiate de 10 pour cent de la valeur du point d'indice » – que l'État utilise pour déterminer les salaires dans le secteur public – « et la récupération du pouvoir d'achat perdu depuis janvier 2000… à un moment où le secteur public les niveaux de rémunération s'effondrent ».
Les derniers chiffres montrent que l’inflation s’élevait à 3,1 % en janvier 2024.
« Nous sommes toujours dans une période d'inflation assez élevée », déclare Mylène Jacquot, haute responsable du syndicat centriste CFDT.
« Le pouvoir d'achat des agents du secteur public est impacté, c'est donc notre première revendication », a-t-elle déclaré à 42mag.fr.
Randonnées au mérite
Les hôpitaux et les écoles devraient être les services les plus touchés mardi, avec plus de 100 manifestations prévues dans tout le pays.
L’appel à la grève a été lancé le 25 janvier, quelques jours seulement après que le président Macron a tenu une grande conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé son intention de réviser les salaires du secteur public.
« Le principal critère de promotion et de rémunération de nos fonctionnaires devrait être le mérite, en plus de l'ancienneté », a-t-il insisté.
Mais Mireille Stivala, dirigeante du syndicat d'extrême gauche CGT, rejette l'introduction d'augmentations de salaire basées sur le mérite.
« Nous sommes totalement opposés à cette idée », a-t-elle déclaré à 42mag.fr. « Nous considérons que les services rendus à la population ne doivent pas être soumis à des salaires au mérite… comme s'il s'agissait de marchandises. »
Les données officielles montrent que le salaire mensuel net moyen dans le secteur public en France en 2021 était de 2 500 €.
Le salaire mensuel brut des enseignants varie d'environ 1 900 € à 3 300 €, selon l'expérience. Les infirmières ont des échelles salariales très similaires.
Or, « 10 % des agents du secteur public gagnent moins de 1 500 euros par mois », souligne Mylène Jacquot. « On ne peut donc pas dire que les fonctionnaires sont mieux payés ou trop payés, et qu'il faut changer uniquement en fonction du mérite. C'est une notion totalement idéologique.
Des conditions qui se détériorent
Les syndicats contestent également la réduction imminente des dépenses publiques.
Le mois dernier, le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé des réductions de dépenses de 10 milliards d'euros dans tous les départements et agences du gouvernement pour compenser une baisse de croissance plus importante que prévu cette année.
Dans une lettre au Premier ministre Gabriel Attal, relayée dans Le Figaro Chaque jour, un responsable du syndicat FO a déclaré que les travailleurs du secteur public exerçaient leurs fonctions dans des « conditions qui se détérioraient constamment ».
Pression avant les Jeux
La situation sociale en France reste tendue, suite aux récentes protestations des enseignants, des policiers et des agriculteurs.
FO est l'un des nombreux syndicats qui menacent de prolonger la grève au-delà du 19 mars jusqu'au 8 septembre – pour couvrir la période des Jeux olympiques et paralympiques de Paris – à moins que les travailleurs mobilisés pendant les Jeux ne soient suffisamment indemnisés.
Pour apaiser les tensions, le ministre de la Transformation et de l'Administration publique, Stanislas Guerini, a récemment promis des primes allant de 500 à 1 500 euros aux fonctionnaires déployés dans la capitale pendant les Jeux.
Il a également déclaré que le gouvernement travaillait sur un plan visant à aider les employés à assurer la garde d'enfants pendant cette période, notamment des crèches pour les fonctionnaires en service et quelque 1 000 places dans des camps d'été. Les salariés ayant des enfants pourront également prétendre à des primes comprises entre 200 € et 350 € par enfant selon leur situation familiale.
Les syndicats estiment cependant que cela est insuffisant.
Solidaires-FP a exigé que tous les travailleurs du secteur public appelés à travailler pendant les Jeux reçoivent la même indemnisation, alignée sur la prime de 1 900 € déjà promise aux policiers et gendarmes.
Pour l'instant, Guérini a exclu toute augmentation générale des salaires des fonctionnaires cette année.
Jeudi dernier, il a présenté aux syndicats des chiffres montrant que le gouvernement avait dépensé 13,8 milliards d'euros en salaires du secteur public depuis 2022.
Les syndicats affirment que ces chiffres ne sont pas objectifs et sont basés sur « un choix d’éléments très biaisé ».