Dans l’émission « Tout Public » diffusée le mercredi 20 novembre 2024, la journaliste Inès Léraud a présenté son travail intitulé « Champs de bataille. L’histoire enfouie du remembrement », tandis que Michel Hazanavicius a discuté de son œuvre « La Plus précieuse des marchandises ».
Le remembrement, qui divise aujourd’hui une partie des habitants de Bretagne, n’a pas toujours eu cette connotation. À l’origine, cette initiative consistait à supprimer les bocages afin de créer des exploitations agricoles plus conséquentes, perçue à son époque comme un signe de modernité, mise en œuvre avec un objectif de rendement accru après la deuxième guerre mondiale. La journaliste Inès Léraud explore ce sujet méconnu dans son livre illustré Champs de bataille, qui raconte comment cette transformation a eu un impact durable sur l’agriculture, le paysage et la société dans l’Hexagone.
Dans son témoignage, Inès Léraud, qui a collaboré avec le chercheur Léandre Mandard, affirme que le remembrement a été conçu par des fonctionnaires éloignés des réalités agricoles et rurales, aboutissant parfois à des décisions totalement illogiques. Elle souligne l’impact négatif de ces choix sur les communautés locales, en précisant que cela a éradiqué une forme de vie rurale autrefois capable de s’adapter aux conditions climatiques et aux ressources environnantes. Cette démarche a aussi contribué à creuser une fracture entre les zones urbaines et rurales, qui s’est manifestée dans des mouvements sociaux récents tels que celui des gilets jaunes.
« Les dynamiques agricoles et sociales actuelles trouvent leurs racines dans les événements survenus à l’époque du remembrement. »
Inès Léraud42mag.fr
Ce chantier de réorganisation spatiale a entraîné plus de destruction qu’il n’a apporté de solutions, précise la journaliste. « Actuellement, beaucoup de fonds publics sont déboursés pour reconquérir ce bocage » [ndlr: en le replantant], indique-t-elle, ce qui n’est pas toujours couronné de succès, car il est complexe de reconstruire ce qui a été démantelé. La restauration des bocages répond à des enjeux environnementaux cruciaux, comme la prévention de l’érosion, la gestion des nappes phréatiques et l’adaptation aux changements climatiques.
Champs de bataille. L’histoire enfouie du remembrement (Éditions Delcourt), coécrit par Inès Léraud et Pierre Van Hove, est accessible dans les librairies dès maintenant.
Le dernier projet animé de Michel Hazanavicius
Michel Hazanavicius, cinéaste polyvalent renommé pour ses films comiques comme OSS 117 et le primé The Artist, s’attaque à un nouveau défi : l’animation avec La Plus précieuse des marchandises. Il choisit de narrer les événements de la Shoah sous la forme d’un conte animé, s’essayant ainsi au scénario et au visuel.
Ce dernier projet s’adresse avant tout à un jeune public, ce qui exige de la délicatesse, explique Hazanavicius. Il évoque que Jean-Claude Grumberg, auteur du texte original, a été un pionnier dans l’approche narrative de l’Holocauste destinée aux enfants. « Jean-Claude a initié une nouvelle manière de se souvenir. Pour la première fois, il nous a permis de pénétrer dans un convoi de déportés, ce qui suscite des questions éthiques et morales complexes lorsqu’il s’agit de représenter cette réalité », analyse le réalisateur. Sa visée n’était pas tant d’« expliquer », mais de « montrer, pour éveiller des émotions ». Il précise qu’il voulait toucher les enfants avec honnêteté, sans les effrayer et surtout sans les orienter de façon rigide sur ce qu’ils devraient ressentir ou penser face à cette tragédie.
Hazanavicius évoque aussi avec émotion son expérience de travail avec Jean-Louis Trintignant, acteur disparu en 2022, qui était déjà affaibli par une cécité lorsqu’il a prêté sa voix au récit du film. Il raconte que c’est l’épouse de l’acteur qui l’a aidé à mémoriser son texte. « Assister à la performance de cet homme récitant son texte appris à l’audition est l’un des moments marquants de ma carrière de cinéaste », partage Hazanavicius avec Tout Public.
La Plus précieuse des marchandises sera projeté en salles à compter du 20 novembre 2024.