Ce lundi, l’Assemblée nationale débat du financement de la Sécurité sociale, avec la possibilité que le gouvernement utilise l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte sans vote. Déjà, la gauche et le Rassemblement national envisagent de déposer une motion de censure. Les attentes d’une revitalisation du parlementarisme, qui étaient fortes à la suite des élections législatives anticipées, ne se sont pas concrétisées.
La semaine qui débute en ce mois de décembre est cruciale pour Michel Barnier, qui se trouve sous la menace d’une motion de censure susceptible de renverser son gouvernement. Un tel évènement marquerait non seulement un revers pour le Premier ministre, mais également un signal fort de la défaillance actuelle du corps législatif. À peine cinq mois se sont écoulés depuis des élections législatives qui ont porté l’espoir d’une renaissance du parlementarisme, en particulier après la défaite d’Emmanuel Macron et le transfert symbolique du pouvoir de l’Élysée au Palais-Bourbon. Loin d’atteindre Matignon, l’extrême droite s’est arrêtée aux portes, et c’est dans cet environnement politique tendu que l’on pouvait imaginer des députés engagés dans un dialogue constructif et d’éventuels compromis. Autrement dit, des parlementaires agissant de manière responsable, à l’image d’autres grandes démocraties occidentales.
La réalité a pris un tout autre tournant. Tous les partis se sont montrés d’une grande immaturité, contribuant à dessiner une situation politique et financière chaotique. Parmi eux, Marine Le Pen s’est particulièrement illustrée par sa stratégie de chantage qui frôle le ridicule. Elle s’accroche à des « lignes rouges » supposément infranchissables, joue la carte de la négociation, accuse Michel Barnier de refuser le dialogue, puis exige qu’il désavoue l’un de ses ministres. Une véritable comédie d’école primaire avec des échappatoires dignes d’un enfant : « c’est pas moi, c’est lui » ou « c’est-çui qui dit qui y est » ! À gauche, le tableau n’est guère plus flatteur. Au lieu de travailler sérieusement sur le budget, le camp de gauche l’a lourdement alourdi avec de nouvelles taxes de plusieurs dizaines de milliards, une initiative finalement rejetée lors du vote final par la majorité des députés. Dans le même temps, Laurent Wauquiez et Gabriel Attal, engagés dans une rivalité infantile, se sont concentrés sur la critique incessante du Premier ministre, qu’ils sont pourtant censés soutenir, alimentant ainsi le climat de discorde autour de la motion de censure à venir.
Un avenir incertain
Que se passera-t-il si la motion de censure est adoptée ? Personne ne le sait avec certitude, car il n’existe aucun plan alternatif prévu. Un désastre financier ? Un blocage politique total ? Peut-être même, pour ajouter au chaos ambiant, des élections présidentielles anticipées ? La seule certitude est que les députés ne semblent pas prêts à assumer les responsabilités qu’implique le mandat que leur a confié l’électorat lors des dernières législatives.
Les députés se sentent d’autant plus à l’aise pour voter la censure qu’ils n’ont aucun souci des répercussions éventuelles. En effet, le Président n’est pas en position de dissoudre l’Assemblée ! L’historien Marc Bloch, bientôt honoré au Panthéon, a écrit à propos des échecs des élites politiques de la IIIe République à la veille de juin 1940 : « Le parlementarisme a trop souvent favorisé l’intrigue aux dépens de l’intelligence ou du dévouement. Une chambre gouvernante se voue au chaos dès qu’elle accepte d’être une foule ». Nous vivons une situation qui semble refléter ces paroles.